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voit bien qu'il avoit un ami qui pouvoit & vouloit lui donner cette fomme, & de plus confidérables en

.core.

Il vit, un jour, un pauvre Macédonien qui condui foit un mulet chargé de l'argent du thréfor royal, mais fi las, que, ne pouvant plus fe foutenir, le conducteur, pour fuppléer à l'épuisement de l'animal, chargea l'argent fur les épaules. Près de fuccomber fous un fardeau trop pefant, il alloit le jetter à terre: « Ne te "laffes point, lui dit Alexandre, & gagnes tout dou» cement ta tente avec cet argent: je te le donnè. »

Ayant fait de grandes largeffes à fes foldats, il voulut auffi payer les dettes qu'ils avoient contractées. Pour cet effet, il leur en demanda l'état; mais plufieurs, dans la crainte de paffer dans l'efprit de leur Roi pour des diffipateurs, ne voulurent point fe faire infcrire. Quand il l'apprit, il leur en fit des reproches, & leur dit qu'il étoit mal de diffimuler ainfi avec fes compatriotes.

19. Cimon, fils de Miltiade, faifoit de fes biens un ufage que le rhéteur Gorgias marque en peu de mots, mais d'une maniere vive & élégante. « Cimon, dit-il, » amaffoit des richeffes pour s'en fervir; & il s'en fer" voit pour fe faire eftimer & honorer. » Il vouloit que fes vergers & fes jardins fuffent ouverts en tout tems aux citoyens, afin qu'ils puffent y prendre les fruits qui leur conviendroient. Il avoit, tous les jours, une table fervie frugalement, mais honnêtement. Elle ne reffembloit en rien à ces tables fomptueufes & délicates, où l'on n'admet que des perfonnes de distinction

& en

petit nombre, uniquement pour faire parade de a ma gnificence ou de fon bon goût. La fienne étoit fimple, mais abondante; & tous les pauvres bourgeois de la ville y étoient indifféremment reçus. Il fe faifoit toujours fuivre de quelques domeftiques qui avoient ordre de gliffer fecrettement quelque piéce d'argent dans la main des pauvres qu'on rencontroit, & de donner des habits à ceux qui en manquoient. Souvent auffi il pourvut à la fépulture de ceux qui étoient morts, fans avoir laiffé de quoi fe faire inhumer; &, ce qui eft ad

mirable, c'eft qu'il n'exerçoit point fes libéralités pour fe rendre puiffant parmi le peuple, ni pour acheter ses fuffrages.

Quoiqu'il vit tous les autres gouverneurs de fon tems entichis par leurs concuffions, par leurs rapines, il fe maintint pourtant toujours incorruptible, conferva fes mains pures, non-feulement de toute exaction, mais encore de tout préfent, & continua jufqu'à la fin de fa vie de dire & de faire gratuitement, & fans aucune vue d'intérêt, tout ce qui étoit utile & expédient pour la République.

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20. Mondir-Ben-Mogheïrah raconte, dans le Livre du Nighiariftan, qu'étant tombé dans une extrême indigence, il quitta Damas, fon pays, & vint à Bagdad avec fes enfans, dans le tems que le célèbre Fadhel-Ben-Iahia étoit en faveur auprès du Khalife Haroun-Al-Rafchild. Lorsqu'il fut arrivé fur la grande place du marché, il mit fes enfans à la porte de la grande mosquée, & alla chercher fortune. Il vit d'abord une foule de gens de qualité, qui paroiffoient s'affembler pour aller à quelque feftin. Comme la faim le preffoit, il prit la réfolution de les fuivre, & entra avec eux dans un palais magnifique, où d'abord, la porte ayant été ouverte, on les fit paffer tous jufqués dans la falle du feftin. Chacun, dit-il lui-même, s'étant mis à table, je pris auffi ma place; &, ayant demandé à celui qui étoit affis auprès de moi le nom du maître du logis, il me dit que c'étoit Fadhel. Quoiqu'à cette queftion je me fiffe connoître pour étranger, on ne laiffa pas de me fouffrir avec les autres, & de me préfenter une affiette d'or, comme à tous les convives, &, après le repas, deux fachets de parfums qu'on emportoit chez foi avec l'affiette. Enfin, la compagnie fe féparant, je prenois le chemin de la porte, lorfqu'un valet de la maifon m'arrêta. Je crus alors que l'on me vouloit faire rendre ce que j'emportois; mais on me dit feulement que Fadhel vouloit me parler: je me préfentai donc devant lui; & il me dit d'abord qu'il m'avoit reconnu pour étranger parmi les autres, & que fa curiofité l'avoit porté à apprendre de moi quelle aventure m'avoit con

duit dans fa maison? Je lui fis donc un détail de tout ce qui m'étoit arrivé; & l'histoire de mes miferes le toucha fi fort, qu'il me pria de demeurer, le refte de la journée, en conversation avec lui. Comme la nuit s'approchoit, je le priai de me permettre d'aller apprendre des nouvelles de mes enfans: il me demanda où je les avois laiffés, & lui ayant répondu qu'ils étoient à la porte de la mofquée: « Eh bien! dit-il, il n'y a rien à

craindre pour eux ; ils font à la garde du Très-Haut. » Puis, appellant un de fes domestiques auquel il dit un mot à l'oreille, il continua la conversation, & voulut que je paffaffe la nuit dans fon palais. Le lendemain, à mon réveil, il me donna un homme pour me conduire à la mofquée; mais, au lieu d'en prendre le chemin, ce domeftique me mena dans une belle maison richement meublée, où je trouvai mes enfans. Le généreux Fadhel les y avoit fait conduire, la veille; & c'étoit pour travailler à ma fortune que cet homme bienfaisant m'avoit retenu auprès de lui, fans me connoître.

21. Un fçavant Suédois ayant donné au public un ouvrage qui fit du bruit en France, M. Colbert s'informa de fon nom; &, l'ayant appris, ce Miniftre ob tint pour lui une penfion de mille écus. Le Roi fit donner ordre, en même tems, à fon ambassadeur en Suède, d'avertir ce Sçavant de la penfion que Sa Majesté lui accordoit, à la priere de M. Colbert. L'ambaffadeur le chercha d'abord à Stockholm; on n'y connoiffoit pas fon nom. Enfin, après bien des perquifitions, on trouva ce Sçavant dans une petite ville de Suède, presqu'ignoré de fes concitoyens. Il étoit mal accommodé des biens de la fortune; & il ne s'attendoit guères qu'elle accourût pour le favorifer d'un climat auffi éloigné du fien. On lui vint annoncer un gentilhomme de la part de l'ambaffadeur de France; & celui-ci ne fe fit connoître qu'en lui remettant la moitié de fa penfion échue, pendant le tems qu'on s'étoit occupé à le chercher.

22. Du-Guesclin fortoit de Bordeaux où il avoit été long-tems prifonnier. Sur fa route il rencontra un écuyer Breton, autrefois officier fous lui. Cet écuyer étoit à pied; il paroiffoit très-fatigué de sa marche, &

le défordre de fes habits annonçoit fa mauvaise fortune. Du-Guefclin, l'ayant reconnu, lui demanda où il alioit en fi mauvais équipage? Le gentilhomme lui répondit qu'il revenoit de Bretagne où il avoit été inutilement pour y chercher de quoi payer fa rançon, & que, fuivant la parole qu'il avoit donnée, il alloit fe remettre dans les prifons de Bordeaux. La rançon de cet écuyer montoit à cent livres que Du-Guefclin lui donna, avec cent autres livres pour le mettre en état de le fuivre à la guerre.

23. Un jour, un marchand préfenta un bonnet à Octaï-Khan, empereur des Tartares, lorsque ce Prince étoit à table, un peu échauffé de vin: le bonnet lui plut; & il fit expédier au marchand un billet pour recevoir deux cens balisches. Le billet fut dreffé & livré; mais les officiers qui devoient compter la fomme ne la payerent pas, voyant qu'elle étoit exceffive pour un bonnet, & que le Khan, dans l'état où il étoit, n'y avoit pas fait réflexion. Le marchand parut, le lendemain & les officiers préfenterent le billet au Khan qui fe foryint fort bien de l'avoir fait expédier; mais, au lieu d'un billet de deux cens balisches, il en fit expédier un autre de trois cens. Les officiers en différerent encore le payement, comme ils avoient fait la premiere fois. Le marchand en fit fes plaintes, & le Khan lui fit faire un troifieme billet de fix cens balisches que les officiers furent enfin obligés de payer. Octaï, le prince du monde le plus modéré, ne s'emporta pas contre eux fur le retardement qu'ils avoient apporté à l'exécution de fa volonté; mais il leur demanda s'il y avoit au monde quelque chofe qui fût éternel? Les officiers répondirent qu'il n'y en avoit aucune : « Vous vous trompez, reprit » l'Empereur; la bonne renommée & le fouvenir des » bonnes actions doivent durer éternellement. Cepen»dant, par vos longueurs à diftribuer les largeffes » que je fais, parce que vous vous imaginez que c'eft » le vin qui me les fait faire, vous faites voir que vous » êtes mes ennemis, puifque vous ne voulez pas qu'on "parle de moi dans le monde. n Voyez BIENFAISANCE, GÉNEROSITÉ.

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LIBERTÉ.

Uelqu'un confeilloit au célèbre Hippocrate d'aller à la cour d'Artaxerxès, roi de Perfe, lui difant que c'étoit un bon maître : « Je ne veux point » de maître, quelque bon qu'il soit,» répondit l'immortel médecin.

2. Le fénat de Rome, après la funefte bataille de Cannes, plutôt que de racheter les prifonniers, ce qui auroit moins coûté, aima mieux armer huit mille efclaves; & il leur fit efpérer la liberté, s'ils combattoient vaillamment. Ils avoient déja fervi, près de deux ans, avec beaucoup de courage: la liberté tardoit toujours à venir; & ils aimoient mieux la mériter que de la demander, avec quelqu'ardeur qu'ils la fouhaitaffent. Il se préfenta une occafion importante, où elle leur fut montrée comme le fruit prochain de leur courage. Ils firent des merveilles dans le combat, excepté quatre mille qui montrerent quelque timidité. Après la bataille, ils furent tous déclarés libres. La joie fut incroyable. Gracchus, qui les commandoit, leur dit : » Avant que de vous avoir égalé tous par le même » titre de la liberté, je n'ai point voulu mettre de diffé»rence entre le courageux & le timide. Il est pour»tant jufte qu'il y en ait.» Alors il fit promettre avec ferment à tous ceux qui avoient mal fait leur devoir, que, tant qu'ils ferviroient, en punition de leur faute, ils ne prendroient leur nourriture que debout, excepté en cas de maladie ; ce qui fut accepté, & exécuté avec une parfaite foumiffion.

3. Jamais le fameux Pollion, l'un des plus grands orateurs de fon fiécle, ne put s'abbaifler au métier de courtifan. Il conferva toujours, dans fes procédés avec Augufte, la liberté Républicaine. Ce Prince, ayant donné un grand repas, dans le tems que la nouvelle de la mort du jeune Caïus-Céfar étoit toute récente, lui écrivit, pour s'en plaindre en ami : « Vous fçavez, lui » difoit-il, quelle part vous avez dans mon amitié ; &

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