صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

» je m'étonne que vous en preniez fi peu à mon af fliction." Pollion lui répondit : « J'ai foupé en com» pagnie, le jour même que je perdis mon fils Hérius. » Qui pourroit exiger une plus grande douleur d'un >> ami que d'un perc ? »

4. On fçait que, pour la proclamation d'un roi de Pologne, faut un confentement général. Lors du couronnement de Ladiflas, frere aîné du roi Cafimir, le Primat ayant demandé à la nobleffe fi elle agréoit ce Prince, un fimple gentilhomme répondit que non. On lui demanda quel reproche il avoit à faire à Ladiflas ? » Aucun, dit-il, mais je ne veux point qu'il foit Roi. » Il tint ce langage, pendant plus d'une heure, & fufpendit la proclamation. Enfin, il se jetta aux pieds du Roi, & lui dit qu'il avoit voulu voir si sa nation étoit encore libre; qu'il étoit content, & qu'il donnoit fa voix à Sa Majesté.

5. En 1574, Philippe II fit inveftir la ville de Leyde, pour la foumettre au joug Espagnol qu'elle avoit fecoué. Les affiégeans, inftruits qu'il n'y avoit point de garni on dans la ville, y jetterent des Lettres pour engager les habitans à fe rendre. On leur répondit, du haut des murailles, qu'on fçavoit que le deffein des Efpagnols étoit de réduire la place par la famine; mais qu'ils n'y devoient pas compter, tant qu'ils entendront les chiens abboyer; que, lorfque ce fecours & tout autre espece d'alimens manqueront, on mangera le bras gauche, tandis qu'on fe fervira du droit pour fe défendre; que, privé enfin de tout, on fe réfoudra plutôt à mourir de faim, qu'à tomber entre les mains d'un ennemi barbare. Après cette déclaration, on fit une monnoie de papier, avec cette infcription: Pour La liberté. Ce papier fut, après le fiége, fidèlement converti en monnoie d'argent.

[ocr errors]

6. L'ame des Romains étoit la liberté. Ils fe figuroient, fous ce nom un état où perfonne ne fût fujet que de la loi, & où la loi fût plus puiffante que les hommes. Ils aimoient la patrie, parce qu'elle étoit ennemie déclarée de toute fervitude & de tout efclavage. Ce goût Républicain paroiffoit né avec Rome même; &

ce

la puiffance des Rois n'y fut point contraire, parce qu'elle étoit tempérée par le pouvoir du fénat & du peuple qui partageoient avec eux l'autorité du gouvernement. Il eft vrai néanmoins que, pendant tout tems, ce ne fut encore qu'un foible effai de la liberté. Les mauvais traitemens de Tarquin le Superbe en réveillerent vivement en eux' l'amour; & ils en devinrent jaloux à l'excès, quand ils en eurent goûté la douceur toute entiere fous les Confuls. Il falloit que dèsJors cet amour de la liberté fût bien vif & bien violent, pour étouffer dans un pere tous les fentimens de la nature, & pour lui mettre, en quelque forte, un poignard à la main contre fes propres enfans. Mais Brutus crut devoir fceller par leur fang la délivrance de la patrie, & infpirer aux Romains, pour tous les fiécles, par cette fanglante exécution, une horreur invincible de la fervitude & de la tyrannie. Ce fut l'effet véritablement que produifit cet exemple. Le plus léger foupçon contre un citoyen de vouloir donner atteinte à la liberté, faifoit oublier, dans l'inftant même, toutes fes grandes qualités, & tous les fervices qu'il pouvoit avoir rendus à la patrie. Marius, tout brillant encore de la gloire qu'il s'étoit acquife au fiége de Corioles, fut banni pour cette feule raison. Sp. Mélius, malgré fes libérafités à l'égard du peuple, & à caufe de fes libéralités même, qui l'avoient rendu fufpect, fut puni de mort. Manlius Capitolinus fut précipité du haut de ce même Capitole qu'il avoit défendu fi courageufement, & qu'il avoit fauvé des mains des Gaulois, parce qu'on crut qu'il afpiroit au defpotisme. En un mot, l'amour de la liberté & l'amour de la patrie conftituoient le Romain, dont le nom feul emportoit avec lui l'idée d'une fouveraine indépendance, fubordonnée seulement à la loi.

7. Antipater, gouverneur de Macédoine, après avoir vaincu les Athéniens dans une grande bataille, & forcé ces Républicains à recourir à la négociation, reçut de leur part une ambaffade folemnelle, qui venoit le fupplier d'accorder à la premiere ville de la Grèce une paix fupportable. On avoit choisi pour députés ce qu'A

thènes avoit de plus illuftres personnages: à leur tête étoient Phocion & Xénocrate. La grande réputation de vertu, dont jouiffoit ce dernier, avoit fait croire aux Athéniens que fa préfence & fes difcours amolliroient le cœur du général Macédonien, & que, par respect pour ce philofophe fameux, il leur impoferoit des conditions moins dures. Ils s'étoient trompés. Antipater embraffa les autres ambassadeurs, & ne daigna pas même faluer Xénocrate: « Vous avez rai»fon, lui dit ce fage; vous rougiffez de m'avoir pour » témoin des injuftices que vous voulez faire à ma pa

trie." Quand enfuite il fe mit à parler, le vainqueur l'interrompit fans ceffe, & finit par lui commander de fe taire. Il écouta Phocion, lié de tous tems avec les Macédoniens, parce qu'il avoit cru que l'intérêt d'Athènes le demandoit. Après qu'il eut achevé fon difcours, le gouverneur de Macédoine dit que les Athéniens auroient paix, alliance & amitié avec lui, pourvu qu'ils lui livraffent Hypéride & Démosthène ; que, rétabliffant la forme donnée par leurs ancêtres à leur gouvernement, ils n'admiffent aux charges que des gens ayant un bien convenable; qu'ils le rembourfaffent des frais de la guerre, & qu'ils lui payaffent une certaine fomme, à titre d'amende. Les ambassadeurs fe foumirent à ces conditions, qui leur parurent affez douces. Xénocrate feul en penfa bien autrement. Ce généreux Athénien, confervant toujours fon héroïque indépendance, & triomphant de fon ennemi par fa noble fermeté: « J'avoue, dit-il, que, fi nous fommes esclaves, » on nous traite affez humainement; mais, fi nous fom» mes encore libres, n'eft-ce pas là nous affervir? O » ma patrie! ma chere patrie! tes meilleurs citoyens » te trahiffent en ce jour ? Déplorable liberté ! je te » perds pour jamais. Des conditions auffi peu équita»bles t'anéantiffent fans efpérance!» Voyez AMOUR DE LA PATRIE. GRANDEUR D'AME. HÉROÏSME.

8. Xerxès, réfolu de porter la guerre dans la Grèce, fit le dénombrement de ses troupes de terre & de mer, & demanda à Démarate s'il croyoit que les Grecs ofaffent l'attendre? Ce Démarate étoit un des deux rois de

Lacédémone, qui, ayant été exilé par la faction de fes ennemis, s'étoit réfugié en Perfe, où il avoit été com→ blé de biens & d'honneurs. Mais ni l'injuftice de fes concitoyens, ni les bons traitemens du Monarque hofpitalier, ne purent lui faire oublier fa patrie. Dès qu'il içut que Xerxès travailloit aux préparatifs de la guerre, il en avoit averti les Grecs, par une voie fecrette. Obligé, dans cette occafion, de s'expliquer, il le fit avec une noblesse & une liberté dignes d'un roi de Sparte,

Démarate, avant que de répondre à la question du Roi, lui avoit demandé fi fon intention étoit qu'il lui parlât fans déguisement; & Xerxès ayant exigé de lui la plus grande fincérité : « Puifque vous me l'ordonnez, grand Prince, reprit Démarate, la vérité va vous parler par ma bouche. Il eft vrai que de tout » tems la Grèce a été nourrie dans la pauvreté; mais » on a introduit chez elle la vertu, que la fageffe cul»tive, & que la vigueur des loix maintient. C'eft par lufage que la Grèce fait de cette vertu qu'elle fe défend également des incommodités de la pauvreté, & n du joug de la domination. Pour ne vous parler que » de mes Lacédémoniens, foyez sûr que, nés & nour»ris dans la liberté, ils ne prêteront jamais l'oreille à » aucune propofition qui tende à la fervitude. Fuffent»ils abandonnés par tous les autres Grecs, & réduits à » une troupe de mille foldats, ou même à un nombre » encore moindre, ils viendront au-devant de vous, » & ne refuseront pas le combat. »

A ce difcours, le Roi fe mit à rire; &, comme il ne pouvoit comprendre que des hommes libres & indépendans, tels qu'on lui dépeignoit les Lacédémoniens, qui n'avoient point de maître pour les contraindre, fuffent capables de s'expofer ainfi aux dangers & à la mort:

Ils font libres & indépendans de tout homme, repli » qua Démarate; mais ils ont au-deffus d'eux la loi qui "les domine, & ils la craignent plus que vous-même » n'êtes craint de vos fujets. Or cette loi leur défend » de fuir jamais dans le combat, quelque grand que » foit le nombre des ennemis ; & elle leur commande,

»en demeurant fermes dans leur pofte, ou de vaincre » ou de mourir. »

9. Augufte, affis fur fon tribunal, rendoit la juftice, & paroiffoit difpofé à condamner à mort plufieurs criminels, Mécène, fon intime ami, s'en apperçut; &, voulant fauver la vie à ces malheureux, il tâcha de s'approcher de lui; mais la foule étoit trop grande. Il écrivit donc fur des tablettes ces mots : « Leves-toi, bourreau, » & les jetta à l'Empereur, qui, les ayant lues, fe leva, & ne condamna perfonne.

10. Titus, fils de Vefpafien, étant en Sicile, des députés de la ville de Tarfe lui présenterent une requête fur des objets pour eux d'une grande importance. Titus leur répondit qu'il s'en fouviendroit, lorsqu'il feroit à Rome, & qu'il fe rendroit lui-même leur agent auprès de fon pere. Cette réponse paroilloit favorable & obligeante; mais Apollonius de Tyane, qui l'avoit entendue, n'en fut pas content. Ufant de toute la liberté que donne la philofophie: « Seigneur, dit-il à » Titus, fi j'accufois devant vous quelques-uns de ceux»ci d'avoir confpiré contre votre perfonne & contre » l'Empire, quel traitement éprouveroient-ils de votre » part? Je les ferois périr fur le champ, répondit » le Prince. Eh, quoi! reprit le philofophe, n'eft-il 27 pas honteux de tirer vengeance dans le moment, & » de différer les graces; de décider par vous-même du "fupplice, & d'attendre des ordres pour dispenser des » bienfaits? Titus fut frappé de cette remontrance; &, dans le moment, il accorda aux citoyens de Tarse ce qu'ils lui demandoient.

467

11. L'heureux fuccès de la bataille de Chéronée enfla finguliérement Philippe, roi de Macédoine. Au fortir d'un grand repas qu'il avoit donné aux officiers, enyvré également de joie & de vin, il se transporta fur le champ de bataille; & là, infultant à tous ces morts dont la terre étoit couverte, il mit en chant le commencement d'un décret que Démosthène avoit dressé pour exciter les Grecs à cette guerre, & chanta, en battant la mesure: « Démosthène, Péanien, fils de Démosthène, a dit. Il n'y eut perfonne qui ne fût choqué de voir

« السابقةمتابعة »