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le Prince fe deshonorer lui-même, & flétrir fa gloire par une baffeffe fi indigne d'un Roi & d'un vainqueur; mais tous gardoient le filence. L'orateur Démade, du nombre des prifonniers, mais toujours libre, fut le feul qui osât lui en faire fentir l'indécence. « Eh! feigneur, » lui dit-il, la fortune vous ayant donné le rôle d'Aga» memnon, comment ne rougiffez-vous point de jouer " celui de Therfite?» Cette parole, pleine d'une généreuse liberté, lui ouvrit les yeux, & le fit rentrer en lui-même. Loin d'en fçavoir mauvais gré à Démade, il l'en eftima encore davantage, lui fit toutes fortes d'amitiés, & le combla d'honneur.

12. Le philofophe Zénon étoit très-familier avec Antigone, roi de Macédoine, & reprenoit avec beauconp de liberté la paffion de ce Prince pour le vin. Un jour, le Monarque, étant yvre, s'approcha du fage, l'embraffa avec cet épanchement de cœur que donne quelquefois l'yvreffe, & lui dit : « Mon cher Zénon !'de» mandes-moi tout ce que tu voudras, je te l'accorde» rai. --- Eh bien ! répondit Zénon, je demande que » vous vous en alliez ayec votre vin. »

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13. Les Athéniens envoyerent une ambassade à Philippe, roi de Macédoine, ennemi d'autant plus redoutable, qu'il fe cachoit davantage. Ce Prince, en congédiant les ambaffadeurs, leur dit, fuivant fa coutume: "Si les Athéniens ont encore quelque chofe à me de»mander, je fuis prêt à les fervir. - Pendez-vous,» lui dit librement l'un d'eux, nommé Démocharès. Cette liberté lui eût coûté la vie, fi la feinte clémence du roi de Macédoine n'eût arrêté fon bras. « Allez » dire aux Athéniens, dit-il, en s'adressant aux autres députés, » qu'un Prince, qui a entendu, fans s'irri»ter, un mot auffi outrageant, a eu plus de confi- ' » dération pour vous, que celui qui l'a prononcé fans fujet.»

14. François I accordoit beaucoup de liberté à ceux qui avoient l'honneur d'être préfens à fes repas. En voici une preuve. Ce Prince parloit, à fon dîner, de l'antiquité, de la grandeur & de la beauté de la ville de Milan; chacun en difoit fon fentiment. Un Italien,

prenant la parole, dit que Milan étoit, à la vérité, une belle & grande ville, mais que fon port ne valoit rien. Le Monarque, le regardant avec un fouris agréable, lui dit de s'approcher, & de lui rendre compte des défauts du port de Milan, qu'il paroiffoit avoir examiné de fort près. L'Italien, s'avançant, & en faifant une profonde révérence, dit, en fa langue : « Sire, j'ai eu l'honneur de parler à Votre Majefté; cela me fuf» fit. Que voulez-vous dire, lui demanda le Roi?-» Sire, répondit-il, voyant la bonté que vous avez de » donner à chacun la permiffion de parler, je voulois » en profiter. Je fçais bien que la mer n'eft pas plus » près de Milan que de Gènes; mais, fi j'avois dit » quelque chofe de raisonnable, on ne m'eût point » remarqué; & j'ai trouvé moyen de me faire écouter, » & de me faire entendre de Votre Majefté: c'est le » feul honneur que j'ambitionnois. "

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15. Louis XI demanda compte au maréchal Defquerdes de l'argent qu'il lui avoit donné, pendant la guerre, pour les dépenfes dont il l'avoit chargé. Defquerdes préfenta un mémoire fort détaillé, dans lequel la dépenfe excédoit de beaucoup la recette. Louis fe met à difcuter les articles. Le Maréchal se leve, & dit, avec une noble liberté : « Sire, avec cet argent j'ai » conquis les villes d'Arras, de Hefdin, de Boulogne; » rendez-moi mes villes, & je vous rendrai votre ar» gent. --- Par la pâque-dieu ! répond le Monarque, » il vaut mieux laiffer le mouftier où il eft ; » & il ne fut plus question de compte à rendre.

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16. Lorsque le maréchal de Biron produifit fes titres de nobleffe, pour être admis au nombre des Chevaliers, ce feigneur, voyant que l'on paroiffoit avoir plus d'égards pour les preuves généalogiques que pour fervices, & que d'ailleurs, parmi ceux qui fourniffoient leurs preuves, il s'en trouvoit qui avoient paffé avec des titres fuppofés, il affecta de ne produire que fort peu de titres. Il n'apporta, dit Brantome, que cinq ou fix titres fort antiques; &, les préfentant au Roi, & à MM. les Commiffaires & Inquifiteurs : « Sire, dit-il, » voilà ma noblesse ici comprise ; » & puis, mettant la

» main sur son épée, il ajoûta: « Mais, Sire, la voici

» encore mieux. »

17. Charles XII, roi de Suède, avoit accoutumé fes troupes à la difcipline la plus févere, & le foldat ne fe permettoit pas le moindre pillage dans le pays ennemi. Cependant un Grenadier ayant, un jour, enlevé le dîner d'un paysan, & celui-ci étant venu s'en plaindre au Monarque, le foldat, interrogé fur cette action, répondit hardiment: « Sire, vous avez bien » ôté un royaume à l'électeur de Saxe; pourquoi ne » pourrois-je pas enlever un miférable dindon à ce pay» fan?» Ce bon mot, malgré fa liberté, ne déplut point au Roi: il fit grace au foldat, & fe contenta de lui dire qu'en ôtant un royaume à Augufte, il n'en avoit rien réservé pour lui. Enfuite il renvoya le payfan, après lui avoir donné dix ducats pour le dédommager. Voyez FAMILIARITÉ.

I."

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LOIX.

U U il y a beaucoup de médecins, il y a beau coup de malades, difoit le philofophe Acéfi» las; de même, où il y a beaucoup de loix, il y a » beaucoup de vices. »

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2. Solon demandoit au philofophe Anacharfis, ami, ce qu'il penfoit des loix qu'il avoit portées pour le bonheur des Athéniens? « Ce font, lui répondit-il, » autant de toiles d'araignées: elles arrêteront les foi»bles, & laifferont paffer les forts. »

3. « Les citoyens, difoit Héraclide, doivent combat»tre avec autant d'ardeur pour la défense des loix, que » pour celle de leurs remparts; car les loix ne font » moins néceffaires que les remparts, pour la confer»vation d'une ville.»

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4. On demandoit à Démarate comment il pouvoit fe faire qu'étant Roi de Lacédémone, il en fût cependant exilé? « Parce que les loix, à Lacédémone, font » au-deffus des Rois,» répondit-il.

Lorfqu'Antigonus-Dofon eut pris poffeffion du thrône

de la Macédoine, il fit fçavoir à toutes les villes de fon obéiffance, que, s'il arrivoit qu'il écrivit quelque chofe qui fût contraire aux loix, elles euffent à ne point obéir, parce que fes dépêches auroient été furprifes

5. La difcorde régnoit, depuis long-tems, dans Athè nes; & ce fléau des Etats populaires défoloit les différens corps qui compofoient cette République fameufe. Enfin, les gens de bien voulurent faire ceffer ce défordre; & tous les citoyens, par un choix unanime, jetterent les yeux fur Solon, le plus grand philofophe de fon fiécle, & l'Athénien le plus vertueux. Ce fage fut élu Archonte, & nommé Arbitre fouverain & Législateur abfolu. Il n'abufa point de fon pouvoir; &, ne cherchant, à l'exemple de Lycurgue, que le bien de fa patrie, il rétablit le calme par des loix sages, dont voici les principales.

Il permit à tout le monde d'épouser la querelle de quiconque auroit été outragé; de forte que le premier venu pouvoit pourfuivre & mettre en juftice celui qui avoit commis l'excès. Par cette ordonnance, il vouloit accoutumer fes citoyens à fentir les maux les uns des autres, comme membres d'un feul & même corps.

Ceux qui, dans les différends publics, ne prenoient aucun parti, & attendoient le fuccès pour fe déterminer, étoient déclarés infâmes, & condamnés à un banniffement perpétuel, & à perdre tous leurs biens.

Solon abolit les dots des mariages , par rapport aux filles qui n'étoient pas uniques, & ordonna que les mariées ne porteroient à leurs époux que trois robes & quelques meubles de peu de valeur. Car il ne vouloit pas que le mariage devînt un trafic & un commerce d'intérêt, mais qu'il fût regardé comme une fociété honorable pour donner des fujets à l'Etat, pour vivre ensemble dans une douce union, & pour fe témoigner une amitié, une tendreffe réciproque.

Avant Solon, il n'étoit point libre de tefter: les biens du mourant alloient toujours à ceux de fa famille. Il permit de donner tout à qui l'on voudroit, quand on étoit fans enfans, préférant ainsi l'amitié à la

parenté, le choix à la néceffité & à la contrainte, & rendant chacun véritablement maître de fes biens, par la liberté qu'il lui laiffoit d'en difpofer à fon gré. Il n'autorifa pourtant pas indifféremment toutes fortes de donations, & n'approuva que celles qu'on avoit faites librement, fans aucune violence, fans avoir l'esprit aliéné & corrompu par des breuvages, par des charmes, ou les attraits & les carefles d'une femme.

Il diminua la récompenfe de ceux qui remportoient la victoire dans les Jeux-Ifthmiques & dans les Olympiques, en les fixant, pour les premiers, à cent dragmes, c'est-à-dire, à cinquante livres; & les feconds, à cinq cens dragmes, c'eft-à-dire, à deux cens cinquante livres. Il trouvoit que c'étoit une chose honteuse de donner à des athlètes & à des lutteurs, gens nonfeulement inutiles, mais fouvent dangereux à leur patrie, des récompenfes très-confidérables, qu'il falloit garder pour ceux qui mouroient à la guerre pour le fervice de leur pays, & dont il étoit jufte de nourrir & d'élever les enfans qui fuivroient, un jour, l'exemple de leurs peres.

C'est dans cet efprit qu'il ordonna que tous ceux qui auroient été eftropiés à la guerre feroient nourris aux dépens du public. La même grace étoit accordée aux peres & meres, auffi-bien qu'aux enfans de ceux qui étant morts dans le combat, laiffoient une famille pauvre & hors d'état de fubfifter. La République alors; comme une bonne mere, s'en chargeoit généreufement, & rempliffoit à leur égard tous les devoirs, & leur procuroit tous les fecours qu'ils auroient pu attendre de ceux dont ils pleuroient la perte.

Afin de mettre en vigueur les arts, les métiers & les manufactures, il chargea le fénat de l'Aréopage du foin d'informer des moyens dont chacun fe fervoit pour fubfifter, & de châtier févérement ceux qui menoient une vie oifive.

Il déclara qu'un fils ne feroit pas tenu de nourrir fon pere dans fa vieilleffe, s'il ne lui avoit fait apprendre aucun métier. Il difpenfa du même devoir les enfans nés d'une courtisane. « Il est évident, difoit-il, que ce

» lui

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