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l'ordre & l'enchaînement des idées, mais encore par la facilité qu'il se sentit à y entrer. Comment l'efprit humain n'aimeroit-il pas ce qui lui rend témoignage de fes talens? Il emporta l'Euclide chez lui, & en fut toujours plus charmé par les mêmes raifons. L'incertitude éternelle, l'embarras fophiftique, l'obfcurité inutile & quelquefois affectée de la philofophie des écoles; aiderent encore à lui faire goûter la clarté, la sûreté, la liaison des vérités géométriques. La géométrie le conduifit aux ouvrages de Defcartes; & il fut frappé de cette nouvelle lumiere, qui de-là s'eft répandue dans rout le monde penfant. Il prenoit fur les néceffités abfolues de la vie de quoi acheter des livres de cette espece, ou plutôt il les mettoit au nombre des néceffités abfolues: il falloit même, & cela pouvoit encore irriter la paffion, il falloit qu'il les étudiât en fecret; car fes parens, qui s'appercevoient bien que ce n'étoient pas là les livres ordinaires dont les autres faifoient ufage, défapprouvoient beaucoup & traversoient de tout leur pouvoir l'application qu'il y donnoit. Mais fon inclination pour la géométrie triompha de tous les obftacles, & tout fut facrifié à cette paffion dominante.

3. Le pere de Nicolas Hartfoëker, fçavant Hollandois, avoit far lui les vues communes des peres: il le fit étudier pour le mettre dans fa profeffion de Miniftre Remontrant, ou dans quelqu'autre également utile; mais il ne s'attendoit pas que fes projets duffent être traverfés par où ils le furent, par le ciel & par les étoiles, que le jeune homme confidéroit avec beaucoup de plaifir & de curiofité. Il alloit chercher dans les almanachs tout ce qu'ils rapportoient fur ce fujet'; & ayant entendu dire, à l'âge de douze ou treize ans, que tout cela s'apprenoit dans les mathématiques, il voulut donc étudier les mathématiques; mais fon pere s'y oppofoit abfolument. Ces fciences avoient eu jufqu'alors fi peu de réputation d'utilité, que la plupart de ceux qui s'y étoient appliqués avoient été des rebelles à l'autorité de leurs parens. Le jeune Hartfoëker amaffa le plus d'argent qu'il put: il le déroboit aux divertiffemens qu'il eût pris avec fes camarades. Enfin il fe mir

en état d'aller trouver un maître de mathématiques, qui lui promit de le mener vîte, & lui tint parole. Il fallut cependant commencer par les premieres régles d'arithmétique: il n'avoit de l'argent que pour fept mois, & il étudioit avec toute l'ardeur que demandoit un fonds fi court. De peur que fon pere ne découvrît, , par la lumiere qui étoit dans fa chambre toutes les nuits, qu'il les paffoit à travailler, il étendoit devant fa fenêtre les couvertures de fon lit, qui ne lui fervoient plus qu'à cacher qu'il ne dormoit pas. Par cette conftance opiniâtre à fuivre des études conformes à fon goût, M. Hartfoëker devint bientôt un des plus grands phyficiens de fon fiécle; & fon pere lui-même eut lieu de fe féliciter de fa défobéiffance.

INDULGENCE.

"L E-jeune prince de Joinville ayant formé des intelligences avec les Espagnols, Henri IV en fut informé. Če bon Prince, excufant la jeuneffe du coupable, fit venir le duc & la ducheffe de Guise, & leur apprit le crime de leur fils. « Voilà, leur dit-il, le vé»ritable enfant prodigue. Qu'il s'eft imaginé de belles » folies! mais, comme pleines d'enfances & de ni» velleries, je lui pardonne, à condition que vous le » chapitrerez bien tous deux. >>

2. Louis XIV, fe nettoyant les pieds, un valet-dechambre, qui tenoit la bougie, lui laiffa tomber fur le pied de la cire toute brûlante. « Tu aurois auffi bien

fait de la laiffer tomber à terre, » lui dit-il, fans s'émouvoir. Un autre lui apporta, en hiver, fa chemife toute froide : « Tu me la donneras brûlante à la » canicule,» lui dit-il en riant. Un portier du parc, qui avoit été averti que le Roi devoit fortir par la porte qu'il gardoit, ne s'y trouva pas, & fe fit longtems chercher. Comme il venoit tout en courant, c'é roit à qui lui diroit des injures. Le Monarque dit : » Pourquoi le grondez-vous? Croyez-vous qu'il ne fois pas affez affligé de m'avoir fait attendre?»

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Gaye, un de fes muficiens, fe croyoit perdu, parce qu'il avoit mal parlé, dans une débauche, de l'archevêque de Cambrai, maître de la mufique du Roi. Il alla fe jetter aux pieds du Prince & lui avoua fa faute, en lui demandant pardon. Le Monarque lui fit la réprimande qu'il méritoit; & il eut la bonté de lui promettre fa protection. Quelque tems après, Gaye chanta un motet devant le Roi. L'archevêque de Cambrai, qui s'y trouva, & qui avoit fur le cœur le difcours du muficien, auquel il ignoroit que le Roi avoit pardonné, dit affez haur pour être entendu : « Le » pauvre Gaye perd fa voix, & ne chante plus auffi » bien qu'il faifoit. Vous vous trompez, lui dit le » Roi; il chante bien, mais il parle mal.»

3. Les clercs de la Bazoche, qui faifoient, du tems de Louis XII, un corps confidérable, étoient en poffeffion de jouer les farces du tems. Ils eurent l'infolence de jouer le Monarque en plein théatre, & de le repréfenter malade, avec un vifage pâle & maigre, & tel qu'on représente l'avarice, ayant un vafe plein d'or devant lui, & dont il paroifloit vouloir éteindre une foif infatiable. Louis, qui le fçut, n'en fit que rire: ib loua même ce qu'il trouvoit d'ingénieux dans le jeu de ces bouffons, & fe contenta de dire qu'ils lui devoient le bon tems dont ils jouiffoient. « Je leur par» donne volontiers, ajoûta-t-il; mais qu'ils ne s'éman»cipent pas jufqu'à infulter la Reine, ni même l'hon»neur d'aucune autre dame; car je me fâcherois, &

je les ferois pendre. » De pareilles infultes ne fe font point à un méchant Prince; & le bon, qui les méprise, les fait oublier. Voyez BONTÉ. CLÉMENCE. DOUCEUR. PARDON.

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INGENUITÉ.

N faifoit, un jour, au célèbre docteur AbouJofeph, l'un des plus fçavans Mufulmans de fon fiécle, une question extraordinaire & difficile. Il avoua ingénument fon ignorance; &, fur cet aveu, on lui

reprocha de recevoir de fort groffes penfions du thréfor royal, fans cependant être capable de décider les points de droit fur lefquels on le confultoit. « Ce n'est » point une merveille, répondit-il: je reçois du thrésor, » à proportion de ce que je fçais; mais, fi je recevois » à proportion de ce que je ne fçais pas, toutes les ri➡ » cheffes du Califat ne fuffiroient pas pour me payer. »

2. Un jeune-homme indifcret demanda, un jour, à M. de Turenne comment il avoit perdu les batailles de Mariendal & de Rhetel? « Par ma propre faute,» répondit ce grand Général. Quelques officiers prétendoient qu'il n'avoit jamais mieux agi que dans ces deux combats: « Je fus, leur dit-il, dans ces deux occa» fions trop facile & trop crédule; mais, quand un » homme n'a point fait de faute à la guerre, il ne l'a pas faite long-tems. »

3. Le duc de la Feuillade, ayant rencontré Defpréaux dans la galerie de Verfailles, lui récita un fonnet qu'il vantoit beaucoup, & que Louis XIV avoit approuvé. Le fatyrique lui dit que ce n'étoit point une production merveilleufe,& qu'elle ne donnoit pas une grande idée de fon auteur. Il parloit encore, lorfque le Maréchal, ayant apperçu madame la Dauphine, s'élança vers la Princeffe, & lui lut le fonnet, dans l'efpace de tems qu'elle mit à traverfer la galerie. «< Voilà une belle » piéce, M. le Maréchal, répondit la Dauphine qui ne » l'avoit peut-être pas écouté. » Le Duc accourut auffi-tôt pour rapporter au poëte le jugement de la Princeffe, en lui difant, d'un air moqueur, qu'il étoit bien délicat de ne pas approuver un fonnet que le Roi avoit trouvé bon, & dont la Princeffe avoit confirmé l'approbation par fon fuffrage. « Je ne doute point, re»pliqua Defpréaux, que le Roi ne foit très-expert à » prendre des villes, & à gagner des batailles : je fuis » auffi très-perfuadé que madame la Dauphine est une » Princeffe très-fpirituelle, & remplie de lumieres; » mais, avec votre permiffion, M. le Maréchal, je crois » me connoître en vers auffi-bien qu'eux. » A ces pa» roles, le Maréchal accourt chez le Roi, & lui dit, d'un air vif & impétueux : « Sire, n'admirez-vous pas

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l'infolence de Defpréaux qui dit fe connoître en vers, » un peu mieux que Votre Majefté?---Oh! pour cela, » répondit le Roi, je fuis bien fâché, M. le Maréchal, » d'être obligé de vous dire que Defpréaux a raison. »

4. A la premiere représentation de l'opéra d'Aftrée, en 1691, M. de la Fontaine étoit placé derriere plufeurs dames qui ne le connoiffoient pas. Pendant la piéce, il ne ceffoit de répéter: « Cela eft déteftable,

déteftable, du dernier déteftable. » Ces dames, ennuyées de l'entendre, lui dirent enfin : « Mais, mon» fieur, cela n'eft pas fi mauvais; l'auteur est un homme » d'efprit: c'est M. de la Fontaine.--- Eh! mesdames, » reprit-il, fa piéce ne vaut rien. La Fontaine, dont » vous parlez, est un stupide, & c'est lui qui vous » parle. »

5. A la repréfentation de l'Amour & de la Vérité, comédie qui fut donnée fans fuccès au théatre des Italiens, M. de Marivaux dit, en fortant, que cette piéce l'avoit plus ennuyé qu'une autre. « Pourquoi, lui de» manda t-on ?- C'eft, répondit-il ingénument; c'eft » que j'en fuis l'auteur; » & il fe fit ainfi connoître. Voyez BONNE-Fo1. Candeur.

INNOCENCE.

1. N Milord, haï du miniftre, fut injuftement accufé d'avoir trempé dans une confpiration contre le Roi. En conféquence, il fut injustement puni de mort. Pendant le procès, fon époufe ne fit aucune démarche pour travailler à fa juftification. Quelque tems après, fes enfans tramerent une véritable confpiration contre le Miniftre, & réfolurent de l'affaffiner. Ils furent découverts; &, pendant qu'on leur faifoit leur procès, la mere follicitoit vivement pour eux. Le Miniftre lui dit un jour: « D'où vient, madame, » que vous follicitez fi vivement la grace de vos en » fans, & qu'on ne vous a pas vue ici, pendant » l'affaire de votre mari? Mon mari étoit inno» cent,» répondit-elle,

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