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MAGNANIMITÉ.

1. Es Espagnols, charmés des vertus de Scipion

pour les bienfaits dont les combloit ce grand homme, l'environnerent un jour, & le faluerent du nom de Roi, avec une acclamation & un confentement général. Scipion leur répondit, après avoir fait faire filence par un hérault, « qu'il ne connoiffoit point de titre plus glorieux que celui d'Imperator qu'il avoit reçu de fes foldats; que le nom de Roi, eftimé & refpecté par-tout ailleurs, étoit infupportable à Rome. Que s'ils croyoient en remarquer en lui les qualités, & s'ils les regardoient comme ce qu'il y a de plus grand dans l'homme, ils pouvoient penfer de lui ce qu'il leur plairoit, mais qu'il les prioit de ne lui point donner ce nom. » Ces peuples, tout barbares qu'ils étoient, fentirent quelle grandeur d'ame il y avoit de méprifer anfi, comme du haut de fa vertu, un nom qui fait l'objet des voeux & de l'admiration du refte des mortels.

2. Bélifaire ayant vaincu les Goths, ces peuples, finceres admirateurs des qualités héroïques de ce grand homme, vinrent en corps le fupplier de vouloir bien régner fur eux, & d'accepter la couronne, qu'ils lui offroient de concert avec leur Roi. Le général Romain les remercia, & leur dit qu'il n'oublieroit jamais cette preuve de leur bienveillance; mais qu'il ne pouvoit répondre à leurs defirs. Les Goths, furpris d'un refus fi magnanime, renouvellerent leurs inftances avec plus de vivacité. «Quoi! lui dirent-ils, vous êtes le » défenfeur de Juftinien, & vous voulez en être l'ef» clave! Honteufe modeftie, qui préfere la fervitude » à la royauté! Celui qui a vaincu les Goths, est-il » donc incapable de les gouverner? Ildibad est notre » Roi; mais il vous reconnoît pour le fien; il est prêt » à vous rendre hommage, & à mettre fa couronne à

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"vos pieds.» Bélifaire, qui fçavoit faire de grandes chofes fans appareil, parce qu'il les faifoit fans effort, repartit en deux mots : « Je fuis fujet de Justinien, & » ne l'oublierai jamais. » Enfuite il partit pour Conftantinople, où l'Empereur, qui fufpectoit fa fidélité, l'avoit rappellé.

3. L'empereur Valentinien II, & Juftine fa mere, voulant autorifer les Ariens par une loi, s'adresserent, pour la rédiger, à Bénévole, fecrétaire des brévets. C'étoit un homme intégre & généreux, que le faint évêque Philaftre avoit formé dans la véritable doctrine. Il refufa de prêter fon miniftere à l'héréfie; & comme l'Impératrice le preffoit d'obéir, en lui promettant un emploi plus relevé: « C'est en vain, dit-il, qu'on » tente de m'éblouir; il n'est point de fortune qui mé»rite d'être achetée par une action impie : ôtez-moi » plutôt la charge dont je fuis revêtu, pourvu que vous »me laiffiez ma foi & ma confcience.» En parlant ainsi, il jetta aux pieds de Juftine, la ceinture qui étoit la marque de fon office.

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4. Alexandre le Grand, ayant fait prifonnier Porus, l'un des plus puiffans rois des Indes, le fit venir devant lui, & lui demanda comment il vouloit être traité ? » En Roi, répondit-il. --- Mais, ajoûta le conqué» rant, ne demandez-vous rien davantage ? Non: » ce feul mot dit tout.» Charmé de cette grandeur d'ame, Alexandre lui rendit fes Etats, auxquels il ajoûta plufieurs autres provinces; & Porus, reconnoiffant, lui demeura fidèle jufqu'à la mort.

5. Edgar, roi d'Angleterre, étoit petit, mais d'une valeur à l'épreuve. Kennet, roi d'Ecoffe, le railla un jour, dans un feftin, fur la petiteffe de fa taille. « Je » m'étonne, dit-il, que tant de milliers de braves gens » obéiffent à un fi petit homme.» Edgar, inftruit de cette infulte, diffimula fon reffentiment, jufqu'à ce qu'il pût fe venger d'une maniere noble & digne d'un roi. Le monarque Ecoffois l'étant venu voir, Edgar lui propofa une partie de chaffe, & le conduifit dans un bois, où un écuyer les attendoit avec deux épées d'une même longueur. Alors, mettant pied à terre, & pré

fentant ces deux épées au roi d'Ecoffe, qui étoit auffi descendu du cheval: « Prenez-en une, lui dit-il, & » voyons qui de nous deux mérite mieux d'être Roi. » Kennet, étonné & tremblant, ne lui répondit que par de profondes révérences qu'il lui faifoit en reculant. Quoi! vous refufez le combat, lui dit Edgar? & » votre bravoure ne fait du bruit qu'à table?» Le roi d'Ecoffe bégaya quelques mauvaises excuses. « Avouez » donc, reprit Edgar, que, tout petit que je fuis, je » mérite de commander aux Anglois, & à vous-même; " & fçachez que c'eft par le courage, & non par la » taille, qu'il faut mefurer les Rois. »

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6. Deux des écuyers de Liutprand, roi des Lombards, forme ent le deffein d'affaffiner ce Prince. Inftruit de leur noir complot, le Monarque les mene feuls avec lui, fous prétexte d'une promenade, dans un bois fort épais; & là, tirant fon épée: « Je fçais, » dit-il, que vous voulez m'affaffiner; voyons fi vous » aurez le courage de profiter de l'occafion que j'ai » voulu vous en donner moi-même. » Frappés d'une démarche auffi hardie, les deux écuyers tombent aux pieds du Roi, qui, non moins généreux que magnanime, leur accorde le pardon qu'ils lui demandent.

7. L'empereur Tite, furnommé les Délices du Genre humain, ayant appris que deux feigneurs des plus illuftres de fa cour avoient conjuré contre lui, il ne leur en témoigna rien: il s'en fit accompagner pour aller au théatre, & s'affit au milieu d'eux. Alors il demanda deux poignards; & les préfentant à chacun des deux feigneurs: « Qui vous arrête, leur dit-il? Voilà l'oc» cafion la plus favorable d'exécuter votre projet.» A ces mots, ils demeurerent immobiles, frappés courme d'un coup de foudre & n'ofant lever les yeux. Le Prince leur pardonna.

8. Après une grande victoire, Gélon, tyran de Syracufe, prince doux, humain, affable, généreux, ap: prenant que quelques citoyens murmuroient de ce qu'il gardoit l'autorité fouveraine, convoqua l'affemblée des Syracufains, qui eurent ordre d'y venir armés. Pour lui, il s'y rendit fans armes; expofa au peuple quelle

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avoit été fa conduite, & quel ufage il avoit fait de fa puiffance, & ajoûta que fi quelqu'un avoit quelque plainte à former contre lui, fa perfonne & fa vie étoient entre leurs mains. Tous les Syracusains, touchés d'un difcours fi peu attendu, & encore plus de la confiance avec laquelle il s'abandonnoit à eux, répondirent par une acclamation générale de joie, de louange & de reconnoiffance; & fur le champ, d'un commun accord, on lui déféra l'autorité souveraine avec le titre de Roi. Pour conferver à jamais la mémoire de cette action magnanime, le peuple lui érigea une ftatue, où il étoit repréfenté avec un fimple habit de citoyen, fans ceinture & fans armes.

9. En présence de tout le peuple, l'empereur Trajan donna une épée au Préfet de Rome, & lui dit: » Prends cette épée; fi je gouverne felon les loix de » la justice, tu t'en ferviras pour moi; si je deviens tu t'en ferviras contre moi. »

» un tyran,

10. Des foldats mutinés refusoient de fuivre Alexandre. « Allez, lâches, leur dit ce Prince; allez, ingrats, » dire en votre pays que vous avez abandonné votre » Roi, parmi des peuples qui lui obéiront mieux que »vous." Alexandre, dit le grand Condé, grand admirateur de cette noble fierté, Alexandre abandonné des fiens parmi des Barbares mal affujettis, fe fentoit fi digne de commander, qu'il ne croyoit pas qu'on pût refufer de lui obéir. Etre en Europe ou en Afie, parmi les Grecs ou les Perfes, tout lui étoit indifférent: il penfoit trouver des fujets où il trouvoit des hommes.

11. Sur le point de livrer bataille au roi Artaxerxès, Cyrus le jeune, fon frere, fut confeillé par Cléarque, capitaine Grec, qui étoit venu pour feconder la révolte de ce Prince, de ne point s'engager dans la mêlée & de mettre fa perfonne en fûreté derriere les bataillons Grecs qu'il commandoit. « Que me dis-tu là, lui » répondit Cyrus? Quoi ! tu veux que, dans le tems » même que je cherche à me faire Roi, je me montre » indigne de l'être !»

12. Sylla avoit affemblé le Sénat, pour le contrain

dre à déclarer Marius ennemi de la République. Il trouva, dans un vieux fénateur, nommé Scévola, une réfiftance à laquelle il ne s'attendoit pas : « Je ne crains »point, lui dit ce généreux vieillard, ces fatellites ar» més qui affiégent le Sénat; & pour conferver un »refte de fang, que l'âge a glacé dans mes veines, »je ne déclarerai jamais ennemi de la République » Marius, qui a confervé Rome, & toute l'Italie. »

13. Le Quefteur Granius, pendant la guerre civile de Céfar & de Pompée, fut fait prifonnier par Scipion, qui lui promit la vie, s'il vouloit quitter le parti de Céfar, pour fuivre celui de la République : « Les fol» dats de Céfar, répondit le magnanime prifonnier, » donnent la vie aux autres, & ne la reçoivent de per»fonne. » En achevant ces mots, il s'enfonça un poignard dans le fein.

14. Après la mort de Cambyfe, roi de Perfe, Patifithe, chef des Mages, forma l'ambitieux deffein de placer la couronne fur la tête de fon frere Smerdis. It le fit paffer pour un autre Smerdis, fils du grand Cyrus, que le fucceffeur de cet immortel conquérant avoit fait mourir. La reffemblance de l'impofteur avec le Prince défunt autorifa l'ufurpation; &, pour qu'on ne pût découvrir l'artifice, le fourbe affecta, dès le commencement de fon règne, de ne fe point montrer en public, de fe tenir enfermé dans le fond de fon palais, de traiter toutes les affaires par l'entremise de quelques eunuques, & de ne laiffer approcher de fa perfonne que fes plus intimes confidens. Tant de précau tions jetterent des foupçons dans les efprits: les grands, la cour, & le peuple commencerent à fufpecter la légitimité du Monarque; & bientôt il fe forma, dans tous les ordres des citoyens, de ces fermentations cachées qui annoncent les grandes révolutions. Smerdis avoit épousé toutes les femmes de fon prédéceffeur. Au nombre de ces Princeffes, étoit Atoffe, fille de Cyrus, & Phédime, fille d'Otanès, un des plus grands feigneurs de Perfe. Otanès envoya demander à fa fille, par un homme bien fûr, fi le Roi étoit le véritable Smerdis? Elle répondit que, n'ayant jamais vu Smerdis,

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