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principalement venue pour avoir de fa poftérité, ajoutant qu'elle fe croioit digne de donner des héritiers à fon Empire. Cette demande obligea Alexandre de féjourner-là quelque tems:après lequel Thaleftris retourna enfon roiaume, & le Roi en la province des Parthes.Cette hiftoire,auffi bien que toute celle des Amazones, paroit à des Auteurs fort fenfés entiérement fabuleufe.

Alexandre fe livra dans la fuite tout entier à fes paffions, changeant en orgueil & en débauche la modération & la continence qui l'avoient fait admirer jufques-là, vertus bien néceffaires dans une grande fortune. Il n'étoit plus le même. Invincible aux dangers & aux fatigues de la guerre, il ne le fut point à la douceur du répos. Dès qu'il eut un peu de relâche, il s'abandonna aux voluptés ; & celui que les armes des Perfes n'avoient pu vaincre, fut vaincu par leurs vices. Ce n'étoit plus que jeux, que parties de plaifir, que femmes, que feftins defordonnés, où il paffoit les jours & & les nuits à boire. Ne fe contentant pas des troupes de bateleurs & de joueurs d'inftrumens qu'il avoit fait venir de Gréce, il faifoit chanter à des

femmes captives qu'il avoit à fa fuite,
des chanfons à leur mode. Dans la
troupe de ces femmes il en vit une
plus trifte que les autres, & qui, par
une modefte honte accompagnée de
dignité, témoignoit plus de répugnan-
ce à fe laiffer produire en public. Elle
étoit d'une grande beauté, à laquelle
fa pudeur ajoutoit de nouvelles graces:
car elle tenoit les yeux baiffés, & fai-
foit ce qu'elle pouvoit pour fe couvrir
le vifage. Le Roi fe douta bien à fon
air qu'elle n'étoit d'une naiffance
pas
commune, & s'en étant informé
d'elle-même, elle répondit qu'elle
étoit la petite fille d'Ochus, peu au
paravant roi de Perfe, & fille de fon
fils: qu'elle avoit époufé Hiftafpe pa-
rent de Darius, & Général d'une
grande armée. Alexandre, touché du
fort d'une Princeffe iffue du fang
roial, & réduite à un si triste état, ne
la mit pas feulement en liberté, mais
il la rétablit dans tous fes biens, & fit
chercher fon mari pour la lui rendre.

Ce Prince avoit naturellement un fond de bonté & d'humanité, qui le faifoit compatir aux maux des perfonnes même de la plus baffe condition. Un jour, un pauvre Macédonien, Plut. in A.

lex. pag. 687.

Ibid.

conduifoit devant lui un mulet chargé d'or pour le Roi. Le mulet étoit fi las qu'il ne pouvoit plus ni marcher, ni fe foutenir. Le Muletier prenant la charge, la porta avec beaucoup de peine un affez long espace de chemin. Le Roi le voiant accablé fous le poids, & prêt à jetter le fardeau à terre pour fe foulager: Ne te laffe pas encore, mon ami, lui dit-il ; tâche de fournir le refte du chemin, & de porter cette charge dans ta tente: car je te la donne.

Dans une marche forcée fit. que Alexandre au travers de lieux arides avec un petit corps de cavalerie pour atteindre Darius, il rencontra des Macédoniens qui portoient fur des mulets de l'eau dans des peaux de chevre, Ces Macédoniens aiant vû ce Prince demi-mort de la chaleur extrême & de la foif ardente qui le confumoient, car c'étoit vers l'heure de midi, remplirent promtement un cafque d'eau, & coururent la lui préfenter. Alexandre s'informa d'abord à qui ils portoient cette eau. Ils répondirent: Nous la portons à nos enfans, mais ne vous inquiétez point, Seigneur : pourvû que vous viviez, nous en aurons affez d'autres fi nous perdons ceux-ci. A

il

ces mots, Alexandre prend le cafque, & regardant tout autour de lui, voit tous fes Cavaliers, qui, la tête panchée, & les yeux avidement attachés fur cette boiffon, la dévoroient par leurs regards. 11 la rend à ceux qui la lui avoient présentée en les remerciant, & fans en boire une goute. Il n'y en a pas affez pour toute ma troupe, dit-il; & fi je bûvois feul, les autres en feroient encore plus altérés, & mourroient de langueur & de défaillance. Ses Cavaliers, touchés jusqu'au vif d'une magnanimité & d'une tempérance fi admirables, lui criérent de les mener par tout où il voudroit fans les ménager: qu'ils n'étoient plus las, qu'ils n'avoient plus foif, & qu'ils ne fe croioient plus des hommes mortels pendant qu'ils auroient un tel Roi.

De tels fentimens d'une bonté généreufe & compatiffante font bien plus d'honneur à un Prince que toutes les victoires & que toutes les conquêtes. Si Alexandre les avoit toujours confervés, il auroit véritablement mérité le titre & le furnom de Grand. Mais une profpérité trop éclatante & trop fuivie, qui eft un poids au-deffus de la force humaine, l'en dépouilla

A

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peu à peu, & lui fit oublier qu'il étoit homme. Plein d'un mépris dédaigneux pour les coutumes de fon pays,comme fi elles n'euffent plus convenu au Maître du monde, il quitta l'habillement, les mœurs, & la manière de vivre des Rois de Macédoine, où il trouvoit trop de fimplicité, & qui lui paroiffoient au-deffous de fa grandeur. Il alla jufqu'à affecter le fafte des Rois de Perfe par l'endroit même par lequel ils fembloient s'égaler aux dieux, en exigeant que les vainqueurs des nations fe profternaffent à fes piés, & lui rendillent des hommages & des fervices qui ne conviennent qu'à des efclaves. Il avoit fait un ferrail de fon palais, l'aiant rempli de trois cens foixante concubines autant qu'en avoit eu Darius avec des troupes d'Eunuques les plus infames de tous les hommes. Non content d'avoir pris lui-même la robe Perfanne, il obligeoit auffi fes Capitaines, fes amis, & tous les Grands de fa Cour de s'habiller de la même forte: ce qui leur caufoit une douleur fenfible, mais perfonne n'ofoit fe plaindre, ni le contredire.

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Les vieux foldats de Philippe, éloignés de toutes fortes de voluptés, dé

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