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bien rarement ces nuages que forment l'autorité des Grands, & la flaterie de leurs Courtifans. Auffi, par ce ter rible exemple, Alexandre mit tous les gens de bien hors d'état de lui repréfenter les véritables intérêts. Depuis ce moment, on n'entendit plus dans fes Confeils aucune parole libre: ceux même qui avoient le plus de zêle pour le bien public & pour fa perfonne, fe crurent difpenfés de le détromper. La flaterie feule deformais écoutée prit fur lui un afcendant qui acheva de le corrompre, & le punit justement d'avoir facrifié à la folle ambition de fe faire adorer par les peuples le plus homme de bien qu'il eût à fa fuite.

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Je le répéte avec Sénéque : la mort a de Callifthéne eft pour Alexandre un reproche éternel, & un crime ineffa

no tenus vicit, ipfum quoque tentavit novis claffibus, & imperium ex angulo Thraciæ ufque ad orientis terminos protulit; dicetur, fed Calli

a Hoc eft Alexandri crimen æternum, quod nulla virtus, nulla bellorum felicitas redimet. Nam quotiens quis dixerit, occidit Perfarum multa millia; opponetur,fthenem occidit. Omnia & Callifthenem. Quotiens dictum erit, occi'dit Darium, penès quem rit ex his quæ fecit, tunc magnum regnum nihil tam magnum erit, erat opponetur &quàm fcelus Callifthenis. Callifthenem. Quotiens Senec. Nat. Quaft. lib. 6. <diftum erit, omnia ocea. I cap. 23.

licet antiqua ducum regumque exempla tranfie

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çable, dont nulle belle qualité, nulle action guerriére quelque éclatante qu'elle puiffe être, ne peut couvrir la honte. Si l'on dit d'Alexandre, il a tué des milliers de Perfes, il a détrôné & fait périr le plus puiffant des Rois de la terre, il a fubjugué des provinces & des peuples fans nombre, il a pénétré jufqu'a l'Océan, & porté les bornes de fon empire depuis le fond de la Thrace jufqu'aux extrémités de l'Orient en répondant à chacun de ces faits, Oui, dit Sénéque, mais il a tué Callifthéne; & la grandeur de ce crime étoufe celle de toutes fes actions.

§. X V I.

Alexandre part pour les Indes. Digreffion fur ce Pays. Il attaque & prend plufieurs villes qui paroiffoient imprenables, & court rifque fouvent de fa vie. Il paffe le fleuve Indus, puis l'Hydafpe, remporte une célébre victoire contre Porus, qu'il rétablit dans fon Roiaume.

2. Curt. lib.

B. cap.9.

ALEXANDRE, pour arréter les murmures qui s'élevoient dans fon armée, prit la route des Indes; & il avoit lui-même befoin d'action & de mouvement,

mouvement, perdant toujours dans le repos quelque chofe de la gloire qu'il acqueroit dans les combats. Un excès de vanité & de folie le porta à entreprendre cette expédition: projet trèsinutile en lui-même,& très-dangereux pour les fuites. Il avoit lu dans les vieilles fables des Grecs, que Bacchus & Hercule, tous deux fils de Jupiter comme lui, avoient pénétré jufqueslà. Il ne voulut pas en faire moins qu'eux; & il ne manquoit pas de flateurs qui entretenoient cette vifion & cette extravagance.

Voila ce qui fait la gloire & le mérite de ces prétendus héros, & ce que bien des gens encore, éblouis par un faux éclat, admirent dans Alexandre : une folle envie de courir le monde, de troubler le repos des peuples qui ne lui devoient rien, de traiter comme ennemi quiconque refufoit de le reconnoître pour maître, de ravager & d'exterminer tous ceux qui ofoient défendre leur liberté, leurs biens, leurs vies contre un injufte aggreffeur qui venoit du bout du monde les attaquer gratuitement. Ajoutez à cette injuftice criante le deffein imprudent & infenfé de fubjuguer avec grande peine & de

Tome VI.

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grands dangers beaucoup plus de peuples qu'il n'en pouvoit tenir dans l'obéiffance,& la trifte néceffité de fe voir continuellement obligé à les foumettre de nouveau, & à les punir de leur revolte. C'est un abrégé de ce que la conquête des Indes va expofer à nos yeux, après que j'aurai dit un mot de la fituation, des mœurs, & de quelques raretés du pays.

Ptolémée divife l'Inde en deux parties: l'Inde en deça du Gange, & l'Inde au de-là du Gange. Alexandre n'a point passé au de-là de la premiére, & il n'a pas même été jufqu'au Gange. Cette première partie eft renfermée entre deux grands fleuves:l'In-* de, qui lui donne fon nom, & le Gange. Le même Ptolémée lui donne pour bornes, du côté de l'Occident, le pays de Paropamife, l'Arachofie, & la Gédrofie, qui font partie, ou font voisines du roiaume de Perfe: du côté: du Septentrion,le mont Imaüs, qui appartient à la grande Tartarie : du côté de l'Orient, le Gange : du côté du Midi, l'Ocean ou la mer de l'Inde. Arrian. de Tous les Indiens font libres, & il Indic. p. 324 n'y a point d'efclaves parmi eux, non plus que parmi les Lacédémoniens.

Toute la différence qu'il y a, c'eft que ceux-ci fe fervent d'efclaves étrangers, & que les Indiens n'en ont point du tout. Ils ne dreffent point de monumens aux morts, & croient que la réputation des grands hommes leur tient lieu de tombeau.

On peut les divifer en fept claffes. La premiére, & la plus honorable, quoique la moins nombreufe, eft des Brachmanes, qui font comme les dépofitaires de la religion. J'aurai lieu d'en parler dans la fuite.

La feconde, & la plus grande, eft celle des Laboureurs. Ils font extrêmement confidérés. Leur unique occupation eft de travailler à la culture des champs, & ils n'en font jamais diftraits pour porter les armes, & pour fervir dans les armées. En tems de guerre, c'eft une loi inviolable de ne toucher jamais ni aux ouvriers de la campagne, ni à leurs terres.

La troifiéme eft des Pafteurs, qui paiffent les troupeaux de gros & de menu bétail, fans venir aux villages ni aux villes. Ils menent une vie errante fur les montagnes, & s'exercent beaucoup à la chaffe.

La quatrième, des Marchands &

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