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mais Alexandre demeuroit en bataille fur le bord. Cela étant arrivé plufieurs fois, & Porus voiant que ce n'étoit qu'un vain bruit & de vaines menaces, il ne s'ébranla plus pour tous ces mouvemens, & fe contenta d'envoier des coureurs par tout le rivage. Alexandre délivré de la crainte de l'avoir fur les bras avec toute fon armée dans un paffage de nuit, fongea férieufement à paffer le fleuve.

Il y avoit dans cette riviére, affez loin du camp d'Alexandre, une île plus grande que les autres, qui étoit couverte de bois, & ainfi très propre à couvrir & à cacher fon deffein : il réfolut de tenter par là le paffage vers l'autre bord. Mais, pour en dérober la connoiffance aux ennemis, & pour leur faire prendre le change, il laissa dans fon camp Cratére & une grande partie de l'armée, avec ordre de faire grand bruit dans le tems qu'on lui marqueroit, pour donner l'allarme aux Indiens, & leur faire croire qu'il fe préparoit à paffer; ce qu'il ne feroit, que lorfqu'il verroit Porus décampé avec tous fes éléphans, foit pour fe retirer, foit pour venir à la rencontre des Macédoniens qui tenteroient

le

le paffage. Entre le camp & l'Ile, il avoit mis Méléagre & Gorgias avec la cavalerie & l'infanterie étrangères, & leur avoit commandé de passer par troupes lorsqu'ils le verroient attaché au combat.

Après avoir donné ces ordres, il prit le refte de fon armée tant infanterie que cavalerie, & s'éloignant du bord pour n'être pas aperçu, il marcha la nuit vers l'Ile où il avoit résolu de paffer. Et pour tromper encore plus fûrement les ennemis, Alexandre fit dreffer fa tente dans le camp où il avoit laiffé Cratére, qui étoit vis-à-vis de celui de Porus. Ses Gardes du corps étoient rangés à l'entour avec tout l'appareil qui a coutume d'environner la majefté d'un grand Roi. Il fit auffi prendre la robe roiale à Attalus qui étoit de fon âge, & lui reffembloit affez de la taille & du visage, fur tout à le voir dans la distance d'un rivage à l'autre, pour faire croire que le Roi étoit en perfonne fur ce rivage, & qu'il ne fongeoit point à tenter ailleurs le paffage. Il étoit prêt néanmoins d'entrer dans l'île dont nous avons parlé, & il y paffa en effet dans des barques, avec le reste Tome VI. Bb

de fes forces, l'ennemi étant occupé à faire tête à Cratére. Il furvint toutà-coup un furieux orage, qui fembloit d'abord devoir retarder l'exécution de fon projet, mais qui y devint faverable, par un effet du rare bonheur de ce Prince, en faveur duquel les obftacles mêmes fe changeoient en moiens & en fecours. Cet orage fut fuivi d'une pluie très violente, avec des vents impétueux, des éclairs, & des tonnerres, de forte qu'on ne pouvoit ni s'entrevoir ni s'entendre.Taut autre qu'Alexandre auroit renoncé à l'entreprise. Mais le péril même l'animoit. D'ailleurs le bruit, le tumulte, l'obscurité couvroient fon paffage. Il donna donc le fignal pour embarquer fes troupes, & lui-même le premier fit partir la barque qui le portoit. On prétend que ce fut alors qu'il dit: 0 Athéniens, croiriez-vous que je puffe m'exposer à de fi grands dangers, pour mériter vos louanges! En effet rien ne pouvoit plus contribuer à éternifer fon nom, que d'avoir pour hiftoriens des hommes tels que Thucydide & Lucian. de Xénophon ; & il s'intéreffoit de telle confcrib. hift. forte à ce qu'on diroit de lui après fa mort, qu'il fouhaitoit de pouvoir re

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venir au monde pour autant de tems qu'il lui en faudroit, afin de favoir quelle impreffion auroit fait fur les efprits la lecture de fon hiftoire.

Ils ne trouvérent prefque perfonne à leur descente, parce que Porus étoit tout occupé de Cratére, & croioit n'avoir à défendre le paffage que contre lui; ce Général pour lors, felon l'ordre qu'il en avoit reçu, faifant grand bruit, & paroiffant vouloir pasfer le fleuve. Tous les bateaux donc vinrent à bord, excepté un feul, que les flots briférent contre un rocher. Dès qu'Alexandre eut pris terre, rangea fa petite armée en bataille. Il avoit fix mille hommes de pié, & cinq mille chevaux. Il fe mit à la tête de la cavalerie, & aiant donné ordre à l'infanterie de le fuivre le plus promtement qu'elle pourroit, il prit les devants. Il comptoit que fi les Indiens

il

venoient à lui avec toutes leurs forces, il l'emporteroit infiniment fur eux par le moien de fa cavalerie, & qu'en tout cas il lui feroit facile de traîner le combat en longueur jufqu'à ce que fon infanterie fût arrivée: ou que fi les ennemis, allarmés par la nouvelle de fon paffage, prenoient la

fuite, il feroit en état de les pourfuivre, & d'en faire un grand carnage.

Porus, averti du paffage d'Alexandre, avoit envoié contre lui un détachement commandé par l'un de fes fils, qui menoit avec lui deux mille chevaux, & fix vingts chariots. Alexandre crut d'abord que c'étoit l'avant-garde de l'armée ennemie, & que tout le refte fuivoit. Mais, aiant appris que ce n'étoit qu'un détachement, il tomba brufquement fur eux. Le fils de Porus demeura fur la place avec quatre cens chevaux, & tous les chariots furent pris. Chacun de ces chariots portoit fix hommes: deux qui avoient des boucliers, deux archers difpofés des deux côtés, & deux qui conduifoient le chariot, mais qui ne laiffoient pas de combattre lorfqu'on en venoit aux mains, aiant quantité de dards qu'ils lançoient contre les ennemis. Mais tout cet équipage fut de peu de fervice ce jour-là, parce que la pluie, qui étoit tombée en abondance, avoit tellement détrempé la terre, que les chevaux avoient peine à se foutenir, & les chariots, pefans comme ils étoient, demeuroient la plupart enfoncés dans la boue,

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