صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

mis, dans la retraite, qu'il s'en étoit fait dans le combat.

Les Indiens y perdirent vingt mille hommes de pié, & trois mille chevaux, fans compter les chariots qui furent tous brifés, & les éléphans qui furent tous ou tués ou pris. Les deux fils de Porus y périrent, avec Spitace Gouverneur de la province, tous les Colonels de cavalerie & d'infanterie & les conducteurs des chariots & des éléphans. Alexandre ne perdit que quatre-vingts foldats des fix mille qui fe trouvérent à la premiére attaque, dix archers à cheval, vingt cavaliers de fes compagnies roiales, & deux cens des autres.

Porus, après avoir fait dans le combat tout devoir de foldat & de capitaine, & montré un courage intrépide, voiant toute fa cavalerie défaite avec la plupart de son infanterie, ne fit pas comme le grand Roi Darius, qui, dans un pareil defaftre, fut le premier à prendre la fuite. Il demeura fur le champ de bataille tant qu'il y refta fur pié un bataillon, ou un efcadron. Enfin bleffé à l'épaule, il se retira fur fon éléphant, se faifant affez remarquer à fa taille & à fa

valeur. Alexandre, l'aiant reconnu à ces glorieufes marques, & defirant de le fauver, envoia après lui Taxile, parce qu'il étoit du même pays. Ce lui-ci s'approchant le plus près qu'il put fans courre rifque d'être bleffé, fui cria de s'arréter pour ouir ce qu'il venoit lui dire de la part d'Alexandre. Porus s'étant retourné, & aiant reconnu Taxile fon ancien ennemi : Quoi, s'écria-t-il, n'eft-ce pas Taxile que j'entends, ce traitre à fa patrie & à fon roiaume? & il alloit le percer de fon dard, s'il ne fe fût promtement retiré. Alexandre, fans perdre pour cela l'envie de fauver un fi brave Prince, lui envoia d'autres Officiers, parmi lefquels étoit un de fes anciens amis, nommé Méroé, qui l'exhorta vivement à venir trouver un vain

queur digne de lui. Il y confentit, non fans peine, & fe mit en marche. Alexandre, qui en avoit été averti, s'avança au-devant de lui pour le recevoir avec quelques-uns de fa fuite. Quand il fut proche, Alexandre s'arréta, pour contempler fa taille & fa bonne mine, car il avoit plus de cinq Sept piés & coudées de haut. Il ne paroiffoit point demi. abbattu de fa difgrace, mais s'appro

choit avec une contenance affurée comme un brave & vaillant guerrier que fon courage à défendre les Etats doit faire eftimer du vaillant Prince qui l'a vaincu. Alexandre prit le premier la parole, & avec un air noble & gracieux lui demanda comment il vouloit qu'on le traitât. En Roi, lui répondit Porus. Mais, ajouta Alexandre, ne demandez-vous rien davantage? Non, répliqua Porus; tout eft compris dans ce feul mot. Alexandre, touché de cette grandeur d'ame, dont il femble que le malheur de ce Prince relevoit encore l'éclat, ne fe contenta pas de lui laiffer fon roiaume: il y ajouta d'autres provinces, & le combla de toutes les marques poffibles d'honneur, d'eftime, & d'amitié. Porus lui demeura fidéle jufqu'à la mort. On ne fait ici lequel on doit le plus admirer, ou le vainqueur, ou le vaincu.

Alexandre bâtit une ville à l'endroit où la bataille s'étoit donnée, & une autre où il avoit paffé le fleuve. Il appella l'une Nicée, à caufe de fa vitoire; & l'autre Bucéphalie, en l'honneur de fon cheval qui y mou rut, non de fes bleffures, mais de travail & de vieilleffe. Après avoir

rendu les derniers devoirs aux foldats qui étoient morts dans la bataille, il célébra des Jeux, & fit des facrifices d'action de graces à l'endroit où il avoit paffé l'Hydafpe.

Ce Prince ne favoit pas à qui il étoit redevable de fes victoires. On eft étonné de la rapidité des conquêtes d'Alexandre, de la facilité avec laquelle il furmonte les plus grands obftacles & force les villes les plus imprenables, du bonheur constant & inoui qui le tire des dangers où fa témérité l'engage, & où il auroit dû cent fois périr. Pour déveloper cette efpéce de mystére d'événemens finguliers, & dont plufieurs font contre toutes les régles ordinaires, il faut remonter à une cause supérieure, inconnue aux Historiens profanes, & à Alexandre lui-même. Il étoit, comme Cyrus, le miniftre & l'inftrument de l'Arbitre abfolu des Empires, qui les forme & les détruit felon fon bon plaifir. Il avoit reçu la même miffion pour renverser l'Empire des Perfes & de l'Orient, que Cyrus pour abbattre celui de Babylone. Ils avoient tous deux le même conducteur dans leurs entreprifes, le même garant du fuc

cès, le même protecteur & la même fauve-garde contre tous les dangers, jufqu'à ce qu'ils euffent rempli leurs fonctions, & achevé leur miniftére. On peut appliquer à Alexandre ce que Wai. 45.1.5. Dieu dit de Cyrus dans Ifaïe. Je l'ai pris par la main pour lui affujettir les nations, pour mettre les rois en fuite, pour ouvrir devant lui toutes les portes fans qu'aucune lui foit fermée. Je marcherai devant vous: j'humilierai les grands de la terre: je romprai les portes d'airain &je briferai les gonds de fer. Je vous donnerai les trésors cachés, & les richesses fecrettes & inconnues... Je vous ai mis les armes à la main, & vous ne m'avez point connu. Voila la véritable & l'unique caufe des fuccès incroiables de ce Conquérant, de fon courage intrépide, de l'affection de fes troupes, du preffentiment de fon bonheur, & de fon affurance pour l'avenir, qui étonnoit ses plus hardis Officiers.

« السابقةمتابعة »