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Ifai. e. 14

&c. 13. Va

Ce travail, après avoir été pouffé l'espace de trente stades, (une lieue & demie ) fut arrété par des difficultés qui venoient de la nature du terrain; & la mort de ce Prince, qui arriva bientôt après, mit fin à ce projet, comme à bien d'autres qu'il avoit formés. Une caufe fupérieure, inconnue aux hommes, en empécha l'exécution. Le véritable obftacle au fuccès étoit l'anathéme de Dieu prononcé contre cette ville impie, anathéme qu'aucune puiffance ne pouvoit ni détourner, ni retarder. Je perdrai le nom de Babylone, avoit dit & juré le Sei- v. 22. & 23. gneur des armées plus de trois cens 20. ans auparavant : je la rendrai la demeure des hériffons: je la réduirai à des marais d'eaux bourbeufes...& les pafteurs n'y viendront point pour s'y repofer. Le ciel & la terre auroient plûtôt paffé, que le deffein d'Alexandre eût été exécuté. Il faloit que Babylone n'eût plus de riviére, que fes environs fuffent inondés & convertis en marais inhabitables, qu'on n'en pût approcher à caufe du limon & de la boue, & que la ville de Babylone & les campagnes voifines demeuraffent fous des eaux mortes, qui en rendiffent l'accès imTome V1. Ff

en eft dit dans

Cyrus.

Voiez ce qui praticable. C'eft l'état où elle eft aul'hiftoire de jourd'hui ; & tout devoit fe difpofer à l'y réduire pour l'accompliffement ai. 14. 27. parfait de la prophétie. C'est le Seigneur des armées qui l'a ordonné avec ferment: qui pourra s'y oppofer? Rien ne marque plus clairement le poids de cette malédiction invincible › que les efforts du plus puiffant Prince qui fur jamais, & le plus opiniâtre dans fes projets; qui n'avoit été arrété dans aucune de fes entreprises, & qui n'est arrété que dans celle-ci, & pour la premiére fois, quoi qu'elle parût moins difficile.

Un autre projet d'Alexandre, & celui qu'il avoit le plus à cœur, étoit de réparer le temple de Bélus. Xerxès l'avoit démoli à fon retour de Gréce; & il étoit toujours demeuré en ruine depuis ce tems-là. Alexandre vouloit, non-feulement le rebâtir, mais même en faire un beaucoup plus magnifique que le premier. Il fit emporter tous les décombres; & trouvant que les Mages, à qui il avoit commis le foin de cet ouvrage, le faifoient trop lentement, il y emploia fes troupes. Quoique dix mille hommes y travaillaffent tous les jours pendant deux

1.cap.8.

mois, lorsque ce Prince mourut l'ouvrage n'étoit pas encore achevé, & il demeura imparfait, tant les ruines de cet édifice étoient confidérables. Quand le tour des Juifs qui fervoient Jofeph.comdans fon armée fur venu pour y tra- tra Appion.l. vailler comme les autres, on ne put jamais les engager à y mettre la main. Ils représentérent que leur religion défendant l'idolatrie, il ne leur étoit pas permis de rien faire au bâtiment d'un temple destiné à un culte idolâtre; & pas un ne se démentit. On emploia inutilement la violence & les punitions pour les y obliger. Alexandre admira leur conftance, leur accorda leur congé, & les renvoia chez eux. Cette délicateffe des Juifs eft une leçon pour bien des Chrétiens, qui leur apprend qu'il ne leur eft point permis de prendre aucune part ni de coopérer à rien qui foit contraire à la Loi de Dieu.

On ne peut s'empécher ici d'admirer la conduite de la Providence. Dieu avoit brifé par la main de Cyrus fon ferviteur l'idole de Bélus, le dieu rival Dieu Pappetdu Seigneur d'Ifraël: il démolit enfuite le ainfi dans fon temple par Xerxès. Ces premiers' coups de la main du Tout-puiffant

Ifaie.

fur Babylone, annonçoient la ruine que la ville devoit attendre pour elleinême ; & il n'étoit pas plus poffible à Alexandre de réuffir à relever ce temple, qu'à Julien dans la fuite de réta blir celui de Jérufalem.

me,

Malgré tout ce que je viens de dire des occupations d'Alexandre pendant fon féjour à Babylone, la plus grande partie de fon tems fut emploiée à jouir des plaifirs que cette ville lui fournif, foit; & il paroit que le principal but, tant de fes travaux que de fes divertiffemens, étoit de s'étourdir lui-mê& d'écarter de fon efprit les triftes & affligeantes penfées d'une mort prochaine dont il étoit menacé par toutes les prédictions des Mages & des autres Devins. Car, quoique dans de certains momens il eût paru ne faire aucun cas de tous les avis qu'on lui donnoit, il en étoit néanmoins férieufement occupé en lui-même, & ces penfées lugubres lui revenoient fans ceffe dans l'efprit. Elles lui caufoient un tel effroi & un tel trouble que de la plus petite chofe qui arri voit, pour peu qu'elle parût extraor dinaire ou étrange, il en faifoit d'abord un monftre, & en tiroit un pré

fage finiftre. Le Palais étoit plein de gens qui facrifioient, d'autres qui faifoient des expiations & des purifications, d'autres enfin qui fe vantoient de pénétrer dans l'avenir, & de prédire ce qui devoit arriver. C'est un spectacle digne certainement d'attention, de voir un Prince, la terreur de tout l'univers, livré lui-même aux derniéres fraieurs: tant il eft vrai, dit Pluarque, que, fi c'eft un grand malheur que le mépris des dieux & l'incrédulité, qui porte à ne rien croire & à ne rien craindre; la fuperftition auffi qui affervit les ames aux plus baffes craintes & aux plus ridicules folies, eft un autre malheur non moins funefte & non moins redoutable! Il

eft manifeste que Dieu , par un jufte jugement, a pris plaifir à dégrader à la face de tout l'univers & de tous les fiécles, & à rabaiffer au-deffous du commun des hommes celui qui avoit affecté de fe mettre au-deffus de la nature humaine, & de s'égaler à la divinité. Ce Prince avoit cherché dans toutes les actions la vaine gloire des conquêtes que les hommes admirent le plus, & à laquelle ils attachent, plus qu'à tout le refte, l'idée de gran

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