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Prince de Condé n'admiroit rien plus dans ce Conquérant que la noble fierté avec laquelle il parla aux foldats mutinés qui refufoient de le fuivre. Allez lâches, leur dit-il, allez ingrats dire en votre pays que vous avez abandonné votre Roi parmi des peuples qui lui obéiront mieux que vous. » Alexandre dit M. le Prince,abandonné des fiens « parmi des Barbares mal affujettis, fe fentoit fi digne de commander, «< qu'il ne croioit pas qu'on pût refu- « fer de lui obéir. Etre en Europe ou « en Afie, parmi les Grecs ou les « Perfes, tout lui étoit indifférent il penfoit trouver des fujets où il « trouvoit des hommes, » La pa- « tience & la modération d'Alexandre dont j'ai d'abord parlé, ne font pas moins admirables.

Les commencemens de fon régne font peut-être ce qu'il y a eu de plus glorieux dans toute fa vie, Qu'à l'âge de vingt ans il ait pu pacifier les troubles intérieurs du roiaume, qu'il ait abbatu ou foumis les ennemis du dehors, & quels ennemis ! Qu'il ait defarmé la Grèce, liguée prefque entiére contre lui, & qu'en moins de trois ans il fe foit mis en état d'exécu

tun. Alex.

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une

ter fûrement ce que fon prédéceffeur avoit fagement projetté: tout cela fuppofe une préfence d'esprit, fermeté d'ame, un courage, une intrépidité, &, plus que tout cela encore une prudence confommée: qualités qui font le vrai caractére d'un héros.

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Il le foutint merveilleufement, ce caractére de héros, dans toute la fuite de fon expédition contre Darius, jufqu'autems que nous avons marqué. Plut. de for- Plutarque a raifon d'en admirer le orat. 1. pag. projet feul comme l'acte le plus hé roïque qui ait jamais été. Il le forma dès qu'il fut monté fur le trône, regardant ce deffein comme faifant partie en quelque torte de la fucceffion de fon pere. A peine alors âgé de vingt ans, environné de périls extrêmes au dedans & au dehors de fon roiaume; trouvant l'Epargne épuifée, Six cens mille & chargée même de deux cens talens francs. de dettes que fon pere avoit contractées; avec un corps de troupes beaucoup inférieures pour le nombre à celles des Perfes : dans cet état, Alexandre tourne déja fes vûes du côté de Babylone & de Sufe, & ne se propose rien moins que la conquête d'un fi vaste Empire.

Etoit-ce fuffifance & témérité de jeune homme, demande Plutarque ? Non, fans doute, replique-t-il. Jamais perfonne ne forma entreprise guerrière avec de fi grands préparatifs, & de fi puiffans fecours. J'entends, (c'est toujours Plutarque qui parle) la magnanimité, la prudence, la tempérance, le courage préparatifs & fecours que lui fournit la Philofophie, qu'il avoit étudiée à fond: de forte qu'on peut dire qu'il ne fut pas moins redevable de fes conquêtes aux leçons d'Ariftote fon maître qu'aux inftructions de Philippe fon pere.

On peut ajouter que, felon toutes les régles de la guerre, l'entreprise d'Alexandre devoit avoir un heureux fuccès. Une armée comme la fienne, quoique peu nombreuse, compofée de Macédoniens & de Grecs, c'est-àdire de ce qu'il y avoit alors de plus excellentes troupes,aguerrie de longue main, endurcie à la fatigue & aux dangers, formée par une heureuse expérience à tous les exercices des fiéges & des combats, animée par le fouvenir de fes anciennes victoires, par l'ef pérance d'un butin immense, & plus

encore par fa haine héréditaire & irréconciliable contre les Perfes: une telle armée, conduite par Alexandre, étoit comme fûre de remporter la victoire fur des troupes, où il y avoit à la vérité des hommes fans nombre, mais peu de foldats.

La promtitude de l'exécution répondit à la fageffe du projet. Après s'être concilié tous fes Généraux & fes Officiers par une libéralité qui eft fans exemple, & tous fes foldats par un air de bonté, d'affabilité, & même de familiarité, qui loin d'avilir la majesté du Prince, ajoutent au respect qu'on lui porte un attachement & une tendreffe à l'épreuve de tout; il s'agis foit d'étonner les ennemis par des coups hardis, de les effraier par des exemples de févérité, & de les gagner enfin par des actes d'humanité & de clémence. C'est à quoi il réuffit merveilleufement. Le paffage du Granique, fuivi d'une célèbre victoire; les deux fameux fiéges de Milet & d'Halicarnaffe, montrérent à l'Afie un jeune Conquérant, à qui nulle partie de la fcience militaire ne manquoit. Cette derniére ville rafée jufques dans fes fondemens, jetta par tout la terreur:

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mais l'ufage de la liberté & de leurs anciennes loix rendu à celles qui fe foumirent de bonne grace, fit croire que le vainqueur ne fongeoit qu'à rendre les peuples heureux, & à leur procu rer une paix tranquille & affurée.

Son impatience de se baigner encore tout trempé de fueur dans la riviére de Cydnus, pourroit être regardée comme une action de légèreté & de jeuneffe, qui convenoit peu à fa dignité: mais il n'en faut pas juger par nos mœurs. Les anciens, qui raportoient tous leurs exercices à ceux de la guer re, s'accoutumoient de bonne heure à fe baigner & à nager. On fait qu'à Rome les jeunes gens, parmi la Nobleffe, après s'être fort échaufés aux exercices militaires dans le champ de Mars, à la course, à la lutte, à lancer le javelot, fe jettoient tout couverts de fueur dans le Tibre qui coule à côté. C'est par là qu'ils fe difpofoient à paffer les riviéres & les lacs dans les pays ennemis. Car ces paffages ne se font qu'après de pénibles marches, & après avoir été lontems expofé aux ardeurs du foleil fous des armes pefantes: ce qui n'arrive guéres fans fueur. Ainfi l'on peut faire grace à Alexandre

Tome VI.

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