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duc d'Aquitaine, de battre en retraite jusqu'à la Loire, il livra, sur les bords de ce ieuve, une grande bataille qui ne servit qu'à faire éclater la haine violente des deux populations l'une contre l'autre '. Non-seulement les chefs des petits États méridionaux conservèrent leur indépendance, mais ils firent des conquêtes vers le nord. Aldebert, comte de Périgueux, assiégea et prit Tours vers l'an 990. Inquiet de ce progrès, et n'osant cependant l'attaquer à main armée, Hugues Capet lui adressa, dans un message, cette question: « Qui t'a fait comte? » — « Qui t'a fait roi? » furent les seuls mots que répondit le comte Aldebert. Cette réponse, sujet de stupeur pour les historiens du dixseptième siècle, et plus tard commentée dans un sens républicain, ne contenait aucune allusion à la royauté élective elle signifiait simplement qu'un comte de Périgord était souverain à aussi bon titre et aussi pleinement qu'un roi de France 2.

La France, si nous prenons ce mot dans sa véritable acception nationale, n'a point commencé par être grande: bornée d'abord au pays qui s'étend de la Meuse à la Loire, de l'Epte et de la Vilaine aux

...

1. In gravi prælio decertantes Francorum et Aquitanorum animositates, multo sanguine alterna cæde fuso, superiores Franci exstiterunt; et sic reversi sunt. (Ademari Cabanensis Chron., apud Script. rer. gallic. et francic., t. X, p. 145.)

2. ... Hoc ei mandavit : « Quis te comitem constituit? » Et Aldebertus remandavit ei : « Quis te regem constituít? » (Ademari Cabanensis Chron., apud ibid., p. 146.) Ce fameux trait d'histoire a été falsifié, comme beaucoup d'autres, par les historiens modernes, qui font dire au comte de Périgord : « Ceux qui t'ont fait roi. » Réponse absurde, parce qu'elle détruit la séparation nationale entre les Français et les Aquitains.

montagnes de l'ancienne Bourgogne, elle a eu de faibles commencements. Mais, depuis qu'elle existe comme État au centre de la Gaule, elle n'a jamais fait de pas rétrograde, et c'est par des conquêtes successives qu'elle a reculé ses limites jusqu'aux rivages des deux mers. Ces conquêtes, d'une tout autre nature que les invasions des Franks, ont produit des résultats durables, parce qu'elles étaient politiques, parce qu'elles n'avaient pas pour objet le simple partage des richesses et des terres, mais le gouvernement du pays subjugué. Un événement qu'on peut regarder comme fortuit, l'extinction du titre de roi dans tous les États formés en Gaule autour du royaume central, en Lorraine, en Bourgogne, en Bretagne et en Aquitaine, contribua surtout à rendre moins violente cette agrégation successive des différentes parties du sol gaulois. L'idée d'une hiérarchie des domaines et des territoires, introduite par le système féodal, prépara d'avance la réunion, en accoutumant par degrés les seigneurs des duchés et des comtés à ne point se croire les égaux de leur voisin aux fleurs de lis. Ainsi l'état de fief est, dans l'his.. toire de nos provinces, une sorte de point intermédiaire entre l'époque du partage en plusieurs souverainetés distinctes, et celle de la fusion en un seul corps.

Il ne faut pas que ce mot de fief nous induise en erreur sur la nature des résistances que les rois de la troisième race eurent à vaincre pour étendre la monarchie jusqu'aux bornes de l'ancienne Gaule. Partout où ils portèrent la conquête sous un prétexte ou sous un autre, ils rencontrèrent une opposition na

tionale, l'opposition des souvenirs, des habitudes et des mœurs. Ce n'est qu'après avoir été brisées à plusieurs reprises, après avoir employé inutilement les révoltes, les protestations et les murmures, que les populations se turent, et que tout se rangea sous l'unité d'obéissance qui forme, depuis le seizième siècle, le caractère de la monarchie française 1.

LETTRE XIII

Sur l'affranchissement des communes.

Parmi tous les mots de la langue politique du moyen âge qui se sont conservés jusqu'à nous, le mot commune est peut-être celui qui a le plus complétement perdu sa première signification. Réduit à exprimer une simple circonscription rurale sous des autorités dépendantes, il ne produit plus sur les esprits aucune espèce d'impression, et nous avons besoin d'efforts pour replacer sous ce signe, en quelque sorte discrédité, les grandes idées qu'il rappelait il y a plusieurs siècles. Aussi la révolution que nos historiens désignent par le nom d'affranchissement des communes ne prend-elle point, dans leur récit, son véritable caractère. Les faibles débris de l'ancienne organisation municipale des villes de France conservés jusqu'en 1789 ont contribué, je

1. Voyez l'Histoire de la conquête de l'Angleterre par les Normands, t IV, conclusion.

n'en doute pas, à refroidir l'imagination des écrivains modernes, à les tromper sur l'état primitif de ces villes et sur la nature du changement social qui s'opéra au douzième siècle. Je ne sais quelle idée de sollicitation humble de la part des bourgeois, et de mansuétude paternelle de la part des rois signataires des chartes de communes, jette un jour confus sur tous les événements qui ont précédé ou suivi la signature de ces chartes. Au lieu de raconter en détail ces événements, nos historiens se contentent de reproduire quelques lambeaux de dissertations inexactes. Se fiant sur ce que le protocole des chartes porte en général : concessi, « j'ai octroyé,» ils attribuent à la politique des rois les résultats de l'insurrection populaire, et travestissent en réforme administrative l'un des mouvements les plus énergiques de l'esprit de démocratie1.

En effet, avant d'avoir vu, comme nous, le terrible réveil de ce vieil esprit, dans un temps d'ordre et d'obéissance volontaire, pouvait-on décrire avec exactitude, ou même simplement comprendre la révolte, l'association jurée contre le pouvoir établi, et tout ce grand travail de dissolution qui accompagne les changements politiques? Comment ne pas faire émaner, dans le passé comme dans le présent, tous les priviléges municipaux du bon plaisir de l'autorité souve

1. La justice me commande d'excepter de cette censure, comme de beaucoup d'autres, l'ouvrage de M. de Sismondi. Cet auteur est entré, à mon avis, dans les véritables voies de l'histoire; mais, malheureusement, les opinions accréditées par Mézeray, Velly, Anquetil et leurs disciples, prévalent encore dans le public, et c'est à elles que je m'at. taque.

raine? Comment se défendre de l'illusion que produisent les mêmes mots appliqués à des choses toutes différentes de celles qu'ils exprimaient jadis? Un historien du dix-septième siècle, peu connu, il est vrai, mais assez intelligent pour l'époque, dit qu'ayant rencontré dans de vieilles coutumes ces paroles : « Si «< un seigneur dit à son homme lige : Venez-vous-en « avec moi, car je veux guerroyer monseigneur le « roi, » cela lui parut si étrange qu'il n'osait en croire ses yeux1.

C'est un préjugé du même genre qui, s'appliquant à d'autres objets, a faussé, dans les récits modernes, l'histoire de l'établissement des communes. D'abord l'idée que ces écrits nous donnent d'une commune du douzième siècle est tout à fait inexacte. D'après eux, nous nous représentons soit le régime municipal abâtardi qui subsistait à la révolution de 1789. soit un gouvernement local bien pondéré, à la fois libre et dépendant, comme celui qu'avait projeté d'établir l'Assemblée constituante. Nous nous figurons Louis VI, dit le Gros, en partie par bienveillance, en partie par intérêt, concevant le projet d'affranchir toutes les villes qui existent depuis le cours de la Somme jusqu'à la Méditerranée, et léguant à ses successeurs cette noble tâche à poursuivre. Louis le Gros devient ainsi, dans notre opinion, le promoteur de l'émancipation communale, le patron des libertés bourgeoises, le régénérateur du tiers état. Ces beaux titres lui sont même confirmés par le préambule de

1. Annales de l'église de Noyon, par Jacques Le Vasseur. Paris, 1633.

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