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« placé au centre de son armée, où il avait élevé pour « enseigne une haute perche dressée sur quatre roues « et surmontée d'un aigle doré au-dessus d'une bande ‹ d'étoffe taillée en pointe. Au moment d'en venir aux mains, le roi adressa à ses barons et à toute l'armée ace bref et simple discours :

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« En Dieu est placé tout notre espoir et notre con<«< fiance. Le roi Othon et tous ses gens sont excom- · «muniés de la bouche de notre seigneur le pape; ils <<< sont les ennemis de la sainte Église et les destruc«teurs de ses biens; les deniers dont se paye leur << solde sont le fruit des larmes des pauvres, du pillage « des clercs et des églises. Mais nous, nous sommes «< chrétiens, nous sommes en paix avec la sainte Église et en jouissance de sa communion: tout pé«< cheurs que nous sommes, nous sommes unis à l'Église de Dieu, et défendons, selon notre pouvoir, « les libertés du clergé. Ayons donc courage et con« fiance en la miséricorde de Dieu, qui, malgré nos péchés, nous donnera la victoire sur nos ennemis <<et les siens. >>

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« Quand le roi eut fini de parler, les chevaliers lui « demandèrent sa bénédiction; et, élevant la main, «< il pria Dieu de les bénir tous. Aussitôt les trom<< pettes sonnèrent, et les Français commencèrent « l'attaque vivement et hardiment. Alors se trou<< vaient derrière le roi, et assez près de lui, le chapelain « qui a écrit ces choses, et un autre clerc. Au pre<< mier bruit des trompettes, ils entonnèrent ensemble psaume: Béni soit le Seigneur mon Dieu, qui instruit « mes mains au combat, et continuèrent jusqu'à la fin; << puis ils chantèrent: Que Dieu se lève, jusqu'à la fin;

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« puis Seigneur, en ta vertu le roi se réjouira, jusqu'à « la fin, aussi bien qu'ils purent, car les larmes leur <«< coulaient des yeux, et leur chant était coupé de «< sanglots 1... >>

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LETTRE II

Sur la fausse couleur donnée aux premiers temps de l'histoire de France et la fausseté de la méthode suivie par les historiens modernes.

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Une grande cause d'erreur, pour les écrivains et pour les lecteurs de notre histoire, est son titre même, le nom d'histoire de France dont il conviendrait avant tout de bien se rendre compte. L'histoire de France, du cinquième siècle au dix-huitième, est-elle l'histoire d'un même peuple, ayant une origine commune, les mêmes mœurs, le même langage, les mêmes intérêts civils et politiques? Il n'en est rien; et la simple dénomination de Français, reportée, je ne dis pas au delà du Rhin, mais seulement au temps de la première race, produit un véritable anachronisme.

On peut pardonner au célèbre bénédictin dom Bouquet d'écrire par négligence, dans ses Tables chronologiques, des phrases telles que celles-ci : Les Français pillent les Gaules; ils sont repoussés par l'empereur Julien. Son livre ne s'adresse qu'à des savants, et le texte latin, placé en regard, corrige à l'instant l'erreur.

1. Guillelmus Armoricus, De Gestis Philippi Augusti, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XVII, p. 94 et 95.

Mais cette erreur est d'une bien autre conséquence dans un ouvrage écrit pour le public et destiné à ceux qui veulent apprendre les premiers éléments de l'histoire nationale. Quel moyen un pauvre étudiant at-il de ne pas se créer les idées les plus fausses, quand il lit Clodion le Chevelu, roi de France; conversion de Clovis et des Français, etc.? Le Germain Chlodio 1 n'a pas régné sur un seul département de la France actuelle, et, au temps de Chlodowig, que nous appelons Clovis, tous les habitants de notre territoire, moins quelques milliers de nouveaux venus, étaient chrétiens, et bons chrétiens.

Si notre histoire se termine par l'unité la plus complète de nation et de gouvernement, elle est loin de commencer de même. Il ne s'agit pas de réduire nos ancêtres à une seule race, ni même à deux, les Franks2 et les Gaulois : il y a bien d'autres choses à distinguer. Le nom de Gaulois est vague; il comprenait plusieurs populations différentes d'origine et de langage; et quant aux Franks, ils ne sont pas la seule tribu ger

1. Ce nom, qu'on pourrait aussi écrire Chlodi, n'est autre chose que le diminutif familier d'un nom composé de deux syllabes, et commençant par le mot germanique hlod, qui signifiait illustre. L'n finale n'appartient point au nom originaire, mais à la déclinaison latine, dont elle marque les cas obliques.

2. Frank est le mot tudesque, le nom national des conquérants de la Gaule, articulé suivant leur idiome; Franc est le mot français, le terme qui, dans notre vieille langue, exprimait la qualité d'homme libre, puissant, considérable; d'un côté il y a une signification ethnographique, de l'autre une signification sociale correspondant à deux époques bien distinctes de notre histoire; c'est cette diversité de sens que j'ai voulu marquer d'un signe matériel par la différence d'orthographe. On disait au singulier Franko et au pluriel Frankon. Otfrid, poëte du neuvième siècle, écrit: Ther selbo Franko (ille ipse Francus), Frankon einon (Franci soli), Frankeno thiote (Francorum populo).

manique qui soit venue joindre à ces éléments divers un élément étranger. Avant qu'ils eussent conquis le nord de la Gaule, les Visigoths et les Burgondes en occupaient le sud et l'est. L'envahissement progressif des conquérants septentrionaux renversa le gouvernement romain et les autres gouvernements qui se partageaient le pays au cinquième siècle; mais il ne détruisit pas les races d'hommes, et ne les fondit pas en une seule. Cette fusion fut lente; elle fut l'œuvre des siècles; elle commença, non à l'établissement, mais à la chute de la domination franke.

Ainsi, il est absurde de donner pour base à une histoire de France la seule histoire du peuple frank. C'est mettre en oubli la mémoire du plus grand nombre de nos ancêtres, de ceux qui mériteraient peut-être à un plus juste titre notre vénération filiale. Le premier mérite d'une histoire nationale écrite pour un grand peuple serait de n'oublier personne, de ne sacrifier personne, de présenter sur chaque portion du territoire les hommes et les faits qui lui appartiennent. L'histoire de la contrée, de la province, de la ville natale, est la seule où notre âme s'attache par un intérêt patriotique; les autres peuvent nous sembler curieuses, instructives, dignes d'admiration; mais elles ne nous touchent point de cette manière. Or, comment veut-on qu'un Languedocien ou qu'un Provençal aime l'histoire des Franks et l'accepte comme histoire de son pays? Les Franks n'eurent d'établissements fixes qu'au nord de la Loire; et lorsqu'ils passaient leurs limites et descendaient vers le sud, ce n'était guère que pour piller et rançonner les habi

tants, auxquels ils donnaient le nom de Romains. Estce de l'histoire nationale pour un Breton que la biographie des descendants de Clovis ou de Charlemagne, lui dont les ancêtres, à l'époque de la première et de la seconde race, traitaient avec les Franks de peuple à peuple? Du sixième au dixième siècle, et même dans les temps postérieurs, les héros du nord de la France furent des fléaux pour le midi.

Le Charles Martel de nos histoires, Karl le Marteau, comme l'appelaient les siens, d'un surnom emprunté au culte aboli du dieu Thor', fut le dévastateur, non le sauveur de l'Aquitaine et de la Provence. La manière dont les chroniques originales détaillent et circonstancient les exploits de ce chef de la seconde race, contraste singulièrement avec l'enthousiasme patriotique de nos historiens et de nos poëtes modernes. Voici quelques fragments de leur récit : (731) « Eudes, duc des Aquitains, s'étant écarté de la te«neur des traités, le prince des Franks, Karl, en fut « informé. Il fit marcher son armée, passa la Loire, « mit en fuite le duc Eudes, et, enlevant un grand << butin de ce pays, deux fois ravagé par ses troupes « dans la même année, il retourna dans son propre « pays....... » —(735) « Le duc Eudes mourut : le prince « Karl, en ayant reçu la nouvelle, prit conseil de ses

1. Au rapport d'un historien du neuvième siècle, les Normands, qui étaient alors païens, donnaient le même surnom à Charlemagne. « Nam comperto Nordmanni quod ibidem esset, ut ipsi eum nuncu« pare solebant, Martellus Carolus... » (Monachi Sangallensis, De Reb. bellic. Caroli Magni, apud Script. rer. gallic. et francic., t. V, p. 130.) Ce nom, dans les anciennes langues du nord scandinave et teutonique, répondait à celui de foudre de guerre.

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