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peine à comprendre ces héros de l'industrie naissante, qui maniaient les armes presque aussi souvent que les outils de leurs métiers, et frappaient de crainte jusque dans leurs donjons les fils des nobles et des preux, quand le son du beffroi annonçait au loin que la commune allait se lever pour la défense de ses franchises.

LETTRE XXI

Fin de l'histoire de la commune de Reims.

En l'année 1232, durant la minorité de Louis IX, le corps des bourgeois de Beauvais s'assembla, selon la coutume de la ville, dans la halle ou salle de la commune, pour procéder à l'élection annuelle des magistrats municipaux. La nomination des treize pairs eut lieu sans aucun trouble; mais lorsqu'il s'agit de désigner le maire', les opinions furent partagées, et une grande dispute s'éleva, à ce sujet, entre la classe des riches marchands, qu'on appelait changeurs, et celle des gens de métier. Ces divisions.

1. Voyez plus haut, p. 253, note 2. - Tresdecim pares in communia eligentur, de quibus si pares et illi qui communiam juraverunt consilium dederint, unus major fiet, vel duo. (Charte de confirmation de la commune de Beauvais donnée par Philippe-Auguste en 1182. L'Oisel, Mémoires de Beauvais, éd. de 1617, titres justificatifs, p. 282 à 284.)

2. Ce mot s'appliquait proprement aux marchands qui faisaient la banque, mais il était souvent pris dans une acception plus étendue, et servait à désigner ce que nous appelons le haut commerce. Dans

intestines étaient toujours funestes aux communes, parce qu'elles fournissaient aux puissances du temps un prétexte pour s'immiscer dans leurs affaires et envahir leurs droits politiques. D'un côté, l'évêque de Beauvais prétendait que c'était à lui de nommer le maire, sur la présentation de deux candidats; de l'autre, le conseil de régence, qui gouvernait au nom du roi, élevait déjà, contre les libertés des villes, les prétentions absolues qui, plus tard, se sont réalisées.

Le roi, ou ceux qui gouvernaient en son nom, créèrent de leur chef un maire et envoyèrent à Beauvais, pour remplir cet office, un nommé Robert de Moret, étranger à la ville, ce qui était contraire aux usages de toutes les communes. Néanmoins la haute bourgeoisie, entraînée par l'esprit de parti, accepta sans répugnance l'élu du roi; mais il n'en fut pas de même des bourgeois de la classe inférieure: ceux-ci protestèrent, en disant que cette intrusion d'un homme né hors de la ville était une violation du droit de commune; et, après avoir souffert quelque temps Robert de Moret, ils s'insurgèrent pour faire élire un autre maire. Les pairs et en général les principaux de la ville résistèrent aux demandes des séditieux; mais leur opposition ne servit qu'à augmenter l'effervescence populaire. La révolte éclata contre toutes les autorités communales: le maire et les autres magistrats, chassés de leur salle de conseil, furent contraints de se réfugier dans la maison d'un

presque toutes les anciennes villes, la principale rue se nommait le Change.

armurier, où le peuple les assiégea, et dont il les contraignit de sortir en mettant le feu à la maison voisine. Les insurgés se saisirent de Robert de Moret et lui déchirèrent sur le dos la longue robe fourrée d'hermine qui était l'insigne de son office. Ils le promenèrent en cet état à travers les rues, le maltraitant et lui criant: Voilà que nous te faisons maire 1.

Le parti contraire à l'insurrection envoya aussitôt avertir le conseil du roi de ce qui s'était passé, et en même temps le bailli de l'évêché dépêcha un exprès à l'évêque Milon de Nanteuil, qui était absent. A son arrivée, les révoltés, loin de rien faire contre sa personne, lui témoignèrent beaucoup de respect, et, pour le gagner à leur cause, ils dirent qu'ils avaient soutenu son droit en même temps que le droit de la commune. Quatre-vingts des plus compromis vinrent le requérir de les prendre sous sa sauvegarde; mais l'évêque, attentif par-dessus tout à faire valoir ses priviléges comme seigneur haut justicier, leur signifia qu'ils eussent à se remettre entre les mains de ses officiaux pour répondre sur leur conduite. Ils se retirèrent fort mécontents et faisant grand bruit. Mais, malgré leur victoire apparente, ils ne réussirent à rien, parce qu'ils ne pouvaient procéder à aucune élection régulière. Le parti de la haute bourgeoisie commença même à reprendre le dessus, et plusieurs des complices de l'émeute furent arrêtés et renfermés dans les prisons de l'évêque. Celui-ci, en attendant l'arrivée du jeune roi, qui s'avançait avec un corps de troupes, tâchait de profiter des cir

1. Histoire de Beauvais, par Levasseur, t. II, p. 366 et suiv.

constances pour jouer le rôle d'arbitre dans la dispute des bourgeois; et dès que le roi fut entré dans la ville, après l'avoir salué: « Très-redouté sire, lui dit-il, je << vous demande conseil, comme à mon seigneur, sur «< ce qu'il me convient de faire en cette fâcheuse « occurrence. » Le roi dit qu'il prenait sur lui le soin de faire prompte et bonne justice. « Mais, très-cher « sire, reprit l'évêque, c'est moi qui ai dans la ville « toute justice haute, moyenne et basse; » et, comme le roi ne répondait rien, il répéta jusqu'à trois fois la même remontrance 1.

Le lendemain, le roi se rendit à la halle, où les pairs étaient réunis en conseil, et il dit au peuple assemblé qu'il voulait connaître de l'affaire. Les magistrats municipaux, moins hardis que l'évêque, n'objectèrent rien relativement à leur droit de juridiction, et aussitôt les parents de ceux qui avaient été tués ou blessés dans l'émeute se mirent à genoux devant le roi, en criant : « Sire, faites-nous justice. >> Sur l'ordre du roi, ses officiers ouvrirent les prisons de l'évêque, où plusieurs des accusés étaient détenus; ils en arrêtèrent ensuite un grand nombre dans leurs maisons et les amenèrent avec les autres à la halle, où ils furent enfermés jusqu'à ce qu'on eût statué sur leur sort. Tous furent bannis, au nombre de quinze cents, et quinze maisons appartenant aux plus coupables furent démolies. Le maire frappait un premier coup de marteau, et ensuite les gens de son parti et des ouvriers payés faisaient le reste. L'évêque Milon ne manqua pas de protester contre cette sen

1. Histoire de Beauvais. Dar Levasseur, t. II,

p. 306.

tence, au nom du privilége de juridiction appartenant à son église. Il demanda que les officiers du roi lui rendissent les bannis comme jugés illégalement; mais le roi n'eut aucun égard à sa requête, et n'y répondit qu'en faisant à l'évêque la demande de quatre-vingts livres pour son droit de gîte 1; l'évêque dit qu'il en délibérerait. Sur cette réponse, le roi mit garnison dans le palais épiscopal et en fit saisir le mobilier, qui fut vendu à l'enchère.

La nouvelle de cette violence exercée contre un de leurs collègues irrita les évêques suffragants du diocèse de Reims, alors assemblés en concile provincial sous la présidence de leur chef, l'archevêque Henri de Braine. Ce prélat, dont les bourgeois de Reims et jusqu'aux membres de son chapitre craignaient le caractère ambitieux et l'activité politique, fit décréter par le concile que trois évêques seraient envoyés au roi pour lui enjoindre de restituer à celui de Beauvais l'exercice de la justice criminelle, de l'indemniser des dégâts faits dans son palais et de lui remettre les bourgeois bannis. Cette injonction n'ayant eu aucune suite, les suffragants du siége de Reims s'assemblèrent de nouveau et décidèrent qu'on enverrait des députés à Rome, et que, si le roi ne donnait point satisfaction, on lancerait, après un

1. On a vu dans la charte de la commune de Laon une explication de ce mot. L'ancien droit qu'avaient les rois franks d'être logés et nourris dans toutes ies villes où ils passaient s'était transformé en une redevance pécuniaire. Cette redevance fut d'abord payée par les évêques ou les seigneurs des villes, qui s'indemnisaient en levant une taxe sur les bourgeois; mais dans presque tous les lieux où il s'établit des communes, le droit de gîte tomba d'une manière immédiate à la charge des habitants.

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