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armes, et quelquefois en venaient aux mains, par une sorte de bravade militaire, avec les soldats de l'archevêque, lorsque la bannière seigneuriale passait devant celle de la commune. Sous le prétexte d'établir d'une manière plus complète la sûreté et la tranquillité dans la ville, les bourgeois plaçaient à l'extrémité de chaque rue des chaînes de fer et des barricades, dont l'objet réel était d'empêcher la garnison du château épiscopal de se répandre dans la cité sans la permission des échevins. Ces nouvelles tentatives de la commune pour se fortifier et préparer une complète restauration de ses priviléges donnèrent lieu, en 1257, à une seconde intervention du roi Louis IX1.

Le siége épiscopal était occupé alors par ce même Thomas de Beaumetz dont il a été fait mention plus haut, homme moins audacieux que Henri de Braine, mais aussi peu favorable aux libertés de la bourgeoisie. Encouragé par la conduite du roi dans la grande querelle de 1235, il le supplia de venir à son secours et de se rendre à Reims pour écouter ses griefs contre la commune. Le roi, cédant aux prières de l'archevêque, alla à Reims, et, après avoir écouté les plaintes des deux parties, il prononça, comme arbitre, un jugement analogue à celui qu'il avait rendu vingt-deux ans auparavant. Les échevins eurent beau représenter que la ville de Reims était ville de loi et de commune; que les bourgeois y étaient associés en corps et en collége; qu'à ce titre ils avaient le droit de lever des compagnies, de leur

1. Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 90 et suiv.

donner des capitaines, d'avoir en garde les clefs et les fortifications de la ville, le roi donna sur tous ces points gain de cause à l'archevêque. Les compagnies de milice furent placées sous son autorité, les clefs des portes lui furent remises, et l'enlèvement des chaînes et des barricades fut ordonné '.

L'histoire de la commune de Reims, durant la dernière moitié du treizième siècle et la plus grande partie du quatorzième, offre la répétition de mêmes querelles, mais avec des scènes moins variées, parce que l'autorité royale y intervient d'une manière uniforme par les appels au parlement. Cette lutte du privilége seigneurial contre les libertés bourgeoises, si énergique dans son origine et si pleine de mouvement, paraît ainsi transformée en un procès entre parties, où les rôles de demandeur et de défendeur sont remplis tour à tour par l'archevêque et par les magistrats de la commune. Plaideurs inconciliables et toujours en instance, ils portaient dans cette guerre d'un nouveau genre un acharnement qui rappelait, sous d'autres formes, le temps des hostilités à main armée. L'archevêque ou ses fondés de pouvoirs qualifiaient leurs adversaires de chétives gens, de gens de néant; et lorsque ceux-ci présentaient leur requête scellée du sceau de la commune : « C'est « une pièce fausse, disaient les premiers, et de nulle « valeur en justice; car les échevins de Reims n'ont le droit d'avoir un sceau 2. »

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1. Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 92 et 93.

2. Missi ab archiepiscopo scabinorum procurationem, ac sigillum impugnant, dicuntque nec jus communiæ habere nec sigillum...

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En l'année 1362, les avocats de l'église métropolitaine prirent les conclusions suivantes : « Que l'é«< chevinage soit déclaré aboli et que toute juridic<<tion civile et criminelle soit remise en la main << de l'archevêque; que le roi détruise la commune, « comme une association illicite, dangereuse et non << autorisée par ses prédécesseurs; que l'archevêque puisse régler à sa volonté le gouvernement de la << ville, armer ou désarmer les habitants, lever des «< compagnies, nommer des connétables et des com« mandants, sans rendre compte à qui que ce soit. » L'arrêt du parlement ne fit droit ni à ces demandes ni aux plaintes de la commune sur les tyrannies et les usurpations du clergé; mais il consacra les prétentions d'une troisième puissance qui s'élevait alors au détriment des deux autres. « La garde et le gou« vernement de la ville, disait la sentence, appar«< tiennent au roi seul et à ceux qu'il lui plaira d'y «< commettre 1. >>>

Au quinzième siècle, la commune de Reims cesse entièrement de jouer un rôle politique. Elle ne fut point abolie, mais elle s'amortit en quelque sorte sous la pression de l'autorité royale. Dans les temps de subordination paisible qui succédèrent aux tumultes du moyen âge, l'oubli éleva comme une bar rière entre la bourgeoisie moderne et l'antique bour geoisie, si fière et si indépendante. Le seul grand événement local, pour un habitant de Reims, fut la

(Marlot, Hist. metropol. Remensis, t. II, p. 572.)- Anquetil, Hist. de Reims, t. II, p. 255.

1. Anquetil. Hist. de Reims, t. II, p. 257.

cérémonie du sacre; et les enfants de la ville jouérent au pied du vieux château des archevêques, sans se douter que ces murs en ruine eussent été maudits par leurs aïeux. Toutes les villes de France sont tombées, depuis quatre siècles, dans la même nullité politique; mais on se figure trop aisément qu'il en a toujours été ainsi. Pour chercher des exemples de courage civique, nous remontons jusqu'à l'antiquité, tandis que nous n'aurions besoin que d'étudier à fond notre histoire; parmi nos villes les plus obscures, il n'en est peut-être pas une qui n'ait eu ses jours d'énergie. Vézelay, dans le département de l'Yonne, n'est pas même un chef-lieu de sous-préfecture, et cette simple bourgade eut, il y a près de sept cents ans, l'audace de faire une révolution pour son compte.

LETTRE XXII

Histoire de la commune de Vézelay.

A huit lieues au sud d'Auxerre et à vingt-trois au nord-est de Nevers, se trouve la ville de Vézelay, qui, au moyen âge, n'avait que le titre de bourg, mais était beaucoup plus grande et plus peuplée qu'aujourd'hui. La cause de sa prospérité était une église renfermant des reliques de sainte Marie-Madeleine, et attirant un immense concours de visiteurs et de pèlerins. Cette église dépendait d'une abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, fondée au neuvième siè

cle par le comte Gherhard, célèbre dans les romans de chevalerie sous le nom de Gérard de Roussillon. En transportant à l'abbaye de Vézelay tous ses droits de propriété et de seigneurie sur le bourg et sur ses habitants, le comte Gherhard avait voulu qu'elle en jouît en toute liberté, c'est-à-dire qu'elle fût à jamais exempte de toute juridiction temporelle ou ecclésiastique, hormis celle de l'église de Rome. Il obtint à cet égard un diplôme de l'empereur Karl le Chauve, affranchissant l'église de Vézelay et ses hommes, tant libres que serfs, de l'autorité de tout juge, gouverneur et officier public'. En outre, le pape régnant prononça l'anathème contre tout laïque ou prêtre qui oserait enfreindre les priviléges d'une église fille de celle de Rome, et faisant partie des domaines du siége apostolique'.

Malgré le diplôme impérial et malgré l'excommunication renouvelée par une suite nombreuse de souverains pontifes, les héritiers des droits du comte herhard, dans l'Auxerrois et le Nivernais, essayė

nt à plusieurs reprises de faire rentrer le bourg de Vézelay sous leur autorité seigneuriale. Les richesses des habitants et la célébrité du lieu excitaient leur ambition et la rendaient plus active. Ils ne pouvaient voir sans envie les grands profits que l'abbé de Vézelay tirait de l'affluence des étrangers de tout rang et de tout état, ainsi que des foires qui se tenaient dans le bourg, notamment à Pâques et à

1. Script. rer. gallic. et francic., t. VII, p. 608.

2. Toutes les autres pièces relatives à cette fondation se trouvent dans le premier livre de l'Histoire du monastère de Vézelay, publiée par Luc d'Achery, Spicileg. Paris, 1723, t. II, p. 498.

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