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« fidèles et amis, répondit-il, votre prudence ne peut « manquer de voir que si le comte s'est fait mon << ennemi, c'est afin de vous circonvenir et de vous « faire tomber, sous son pouvoir, dans la plus complète servitude, en vous privant d'une seigneurie qui, pour vous, est pleine de libertés '. J'ai com« battu jusqu'ici avec persévérance pour vos fran«chises; mais si, en retour, vous me payez d'ingratitude, si vous devenez traîtres envers moi et << envers l'église, quelque affligé que j'en puisse être, je saurai m'y résigner, tandis que la peine de votre « trahison retombera sur vous et sur vos enfants. Que si, écoutant de bons conseils, vous tenez pru« demment pour vos intérêts, si vous demeurez iné<«< branlables dans la foi jurée à votre seigneur et à « l'église qui vous a nourris de son lait, je me «< sacrifierai volontiers pour vous, ne doutant pas << que de meilleurs jours ne succèdent bientôt à ces « tristes circonstances. - Nous le croyons et nous. «l'espérons, reprirent les gens de Vézelay; mais il «< nous semble qu'il serait sage de renoncer au procès << avec le comte, de céder à votre adversaire et de <«< conclure la paix avec lui 3. - Moi, dit l'abbé, je «< n'ai de procès avec personne, mais je suis prêt à

1. ... Minime, inquit, fideles mei, vestram latet prudentiam, quod ea sola de causa mihi inimicatur, ut dolo vos circumveniens plenius servituti suæ addictos subjiciat, erepto quod plenum est libertate dominio. (Hist. Vizeliac. monast., lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p. 529, col. 2.)

2. Ibid.

3. Ita esse ut astruis omnino credimus et speramus. Sed enim renuntiare liti, cedere adversario, inire pacem cum eo, consultius nobis esse videtur. (Ibid)

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« défendre mes droits contre quiconque les attaque. « Céder à des prétentions injustes serait un acte d'insigne lâcheté. J'ai souvent demandé la paix, « tant par prières qu'à prix d'argent, et jamais je << n'ai pu l'obtenir de cet enfant de discorde1. » Ce furent les derniers mots de l'abbé, et les députés des bourgeois retournèrent sans qu'il leur eût fait aucune espèce de concession.

Dès ce jour, les partisans des mesures conciliatrices perdirent toute influence sur l'esprit de leurs concitoyens. L'obstination de l'abbé devint le motif d'un soulèvement populaire, où l'on vit, comme dans des révolutions récentes, figurer la plupart des jeunes gens. Alors, dans une assemblée plus tumultueuse que la précédente, fut brisé tout lien de sujétion à l'égard de l'abbaye, et fut conclu, entre les bourgeois de Vézelay et le comte de Nevers, le pacte qui devait, en même temps, garantir au comte la seigneurie de la ville et donner à celle-ci, pour la première fois, l'existence municipale 2. De ce pacte résulta l'établissement d'une commune, créée par le serment ré

1. Pacem denique tam prece quam pretio vel obsequio sæpe quæsivi, sæpius obtuli, sæpissime exegi, sed a filio discordiæ non potui pacem impetrare. (Ibid.)

2. ... Et ecce affluxerunt viri nequam, effundentes diu reconditum virus in latebris sævæ conscientiæ; aggregataque sibi maxima sceleratorum juvenium multitudine, pacti sunt sibi mutuo foedus sceleratæ conspirationis adversus æquissimi moderaminis et ingenitæ pietatis dominum suum... (Hist. Vizeliac. monast, lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p 529, col. 2.) - Vizeliacenses burgenses, communiam inter se facientes, adversus dominum suum abbatem et monachos superbia inflati insurrexerunt.. (Hist. Ludovici VII, apud Script. rer. gallic. et francic., t. XII, p. 132.)

...

ciproque des bourgeois et de leur nouveau seigneur1. On ignore quelle loi fut promulguée pour le nouveau corps politique et comment furent organisés les différents pouvoirs municipaux. Tout ce que nous apprend le seul historien de cette curieuse révolution, c'est que les bourgeois donnèrent le nom de consuls à leurs chefs et à leurs juges, magistrats sans aucun doute élus par eux, bien qu'en définitive confirmés ou, selon l'expression du chroniqueur, constitués par le comte 2. L'anomalie que forme ici la présence de ce titre de magistrature particulier aux municipalités libres du midi, et inconnu dans celles du nord et du centre de la France, s'explique, pour Vézelay, par les relations multipliées de cette petite ville à grand commerce avec des négociants de la Provence et du Languedoc.

Le comte de Nevers jura aux membres de la commune de leur donner aide et conseil contre qui que ce fût, de ne point faire sans eux de paix avec l'abbé Pons, et de ne jamais leur manquer dans aucune affaire. Ainsi élevés de la triste condition de serfs

1. ... Et convenientes ad præfixum diem et locum, confœderati sunt tyranno, legitimo domino suo abjurato, paciscentes ad invicem per manum tyranni execratam communiam... (Hist. Vizeliac. monast., lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p. 529, col. 2.)

2. Constituitque illis principes vel judices, quos et consules appellari censuerunt. (Ibid.) — Le titre de consuls, dans les villes grandes ou petites du moyen âge, a un sens qui implique nécessairement l'élection populaire; les chartes accordées aux moindres bourgs des provinces méridionales ne laissent aucun doute à cet égard: « Et volo quod singulis annis in calma quatuor consules eligantur ad festum omnium Sanctorum quorum consilio tota terra mea videatur subjacere. » (Du Cange, Glossarium, verbo Consul, 3.)

3. Quique juravit illis consilio et auxilio nunquam vel nusquam

domaniaux d'une abbaye au rang de citoyens et d'alliés d'un des plus puissants seigneurs du temps, les bourgeois de Vézelay voulurent s'environner de signes propres à manifester ce changement d'état, et ils prirent encore exemple des grandes municipalités nouvellement reconstituées du Midi. Ils élevèrent autour de leurs maisons des murailles crénelées comme marque de liberté personnelle et d'indépendance communale '. L'un des plus riches, nommé Simon, et exerçant la profession de changeur, se mit à bâtir, entre autres défenses, une tour à l'instar de celles dont quelques restes subsistent aujourd'hui à Toulouse, et qui étaient alors avec le consulat, pour les cités méridionales, une imitation de ce qui se faisait dans les républiques italiennes2. Ces constructions à l'aspect seigneurial, auxquelles demeurent attachés d'anciens noms de familles bourgeoises,

adversus quemquamse defuturum. (Hist. Vizeliac. monast., lib. III, apud Luc d'Achery, Spicileg., t. II, p. 529, col. 2.)

1. Ibid., p. 533 et 535.

2. ... De far arrasar las muralhas d'aquela, et abatre jusquas a terra, et aussi totas las maisons fortaressa que son dedins ladita villa... (Prise de Toulouse par Simon de Montfort, récit de la guerre des Albigeois publié dans l'Histoire générale de Languedoc, par dom Vaissette. Preuves, t. III, col. 56.) — Avant la Révolution, il existait à Toulouse une tour nommée la tour de Roaix, qui était un débris de la maison de cette ancienne famille. Aujourd'hui l'on en voit une, située à l'angle formé par deux rues près du collège de Saint-Raymond, et dont les formes architectoniques accusent la fin du douzième siècle; selon la tradition, elle faisait partie de la maison de Hugues Jean, riche bourgeois de cette époque. A Mirepoix, dans la rue Salvan, se trouve une maison du douzième ou du treizième siècle, très-forte et munie d'une tour. Montpellier possède les restes d'un édifice de ce genre, et deux maisons pareillement fortifiées subsistent encore à Castres.

furent loin d'être rares, au moyen âge, dans les villes situées non loin des rivages de la Méditerranée : Avignon, en 1226, ne comptait pas moins de trois cents maisons garnies de tours1. Sans doute les bourgeois de Vézelay, dans l'orgueil de leu liberté conquise, n'en élevèrent pas un pareil nomtre, et cependant, si l'un des témoins du mouvement politique qui anima cette petite ville, au milieu du douzième siècle, pouvait la revoir aujourd'hui, ne seraitil pas bien étonné? Ne se demanderait-il pas où est la vie, où sont les hommes du vieux temps?

LETTRE XXIII

Suite de l'histoire de la commune de Vézelay.

Ce n'était pas tout pour la commune de Vézelay d'être constituée par le serment mutuel de ses membres et par la nomination de ses magistrats; elle avait avec l'abbaye, propriétaire du sol, des rapports qu'on ne pouvait rompre et qu'il fallait régler pacifiquement; ce fut le premier souci des consuls. Ils songèrent à négocier pour obtenir de l'abbé Pons une remise sur ses droits domaniaux, remise par laquelle aurait lieu le partage des droits qui devaient subsister comme anciens et inhérents au do

1. Ad mandatum igitur legati, et rege imperante, fossata implentur; trecentæ domus turrales quæ in villa erant, et omnes muri circumquaque solo diruti coæquantur... (Gesta Ludovici VIII, apud Script. rer, gallic. et francic., t. XVII, p. 309.)

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