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gés d'exécuter ce projet. Ils se mirent à l'œuvre. On amassa tous les tonneaux de vingt-six lieues à la ronde, on fit amener quinze mille fagots de bois fort gros et de dix pieds de long. De fortes poutres furent enfoncées dans la mer de douze pieds en douze pieds depuis la pointe de Corcelle jusqu'au fort Louis. D'autres poutres aussi fortes les liaient en travers. On jeta dans les intervalles de grosses pierres sèches auxquelles le limon et la vase servaient de ciment. Cette digue fut tellement élevée que dans les plus hautes marées les soldats y étaient à sec. Son épaisseur était à l'épreuve du canon. Elle avait vers le bas environ douze pieds de largeur, et quatre seulement par le haut, de sorte qu'elle était en glacis. A chaque extrémité s'élevait un fort, et dans le milieu de la digue on pratiqua une ouverture pour donner passage aux marées. Mais pour empêcher les vaisseaux ennemis de pénétrer par cette ouverture, on en rendit l'entrée impraticable en faisant couler à fond quarante vaisseaux remplis de pierres maçonnées et en enfonçant quantité de gros pieux dans la mer. Ce grand et surprenant ouvrage, qui demanda six mois de travaux inouïs, était défendu par plusieurs batteries dressées sur la terre ferme et par deux cents vaisseaux de toute grandeur qui bordaient le rivage.

On connut bientôt l'avantage de cette digue. Les Rochelois, privés des ressources qu'ils tiraient de la mer, et entourés du côté de la terre d'un cercle de fer, furent bientôt réduits à l'extrémité. Ils résistaient cependant avec une incroyable énergie; les braves matelots faisaient tous les jours des sorties contre les flottes du roi, et tous les habitants, sans distinction d'âge et de sexe, combattaient sur les remparts. Cependant la famine commençait à sévir avec violence. Après plusieurs mois de blocus, ces malheureux en étaient réduits à se nourrir d'herbes et de coquillages. « Les pauvres et opiniâtres habitants de la Rochelle, écrivait un auteur contemporain, ont souffert dans ces derniers temps des maux dont le récit est bien capable d'exciter les lecteurs à quelque commisération. Le détail de leur nécessité fait horreur à ceux qui sont touchés de quelque humanité; en moins de trois mois, il y est mort plus de seize mille personnes, ce qui étonnera peu quand on se représentera la difficulté de vivre pour les pauvres gens dans cette ville révoltée et mal garnie de provisions. Selon l'état qui nous a été représenté depuis par un des quarteniers, il s'ensuit que le boisseau de blé coûtait 1,000 livres; la pinte de vin, 6 livres ; la livre de bœuf, 15 livres; la livre de chair de cheval, 4 livres; la livre de beurre, 20 livres, etc. Les rats, les souris, les perroquets ont tous été mangés ; les chiens étaient volés et dévorés sous les yeux de leurs maîtres (1). »

Cependant la ville ne songeait pas à se rendre. On se rappelait le serment de Guiton, et on savait qu'il était homme à le tenir. Tout dans la ville lui obéissait, et nul n'osait enfreindre ses ordres; car il justifiait le choix qu'on avait fait de lui. Tantôt on le voyait sur les remparts à la tête des archers de la ville ou des arquebusiers; tantôt il recevait les messages du cardinal de Richelieu, et traitait d'égal à égal avec l'armée du roi. C'était lui qui encoura

(1) L'auteur de ce passage, extrait d'une relation du siége publiée en 1628, était catholique.

geait les pauvres gens qui souffraient de la faim, qui secondait en chaire le ministre de l'Evangile. Les misères augmentaient; la famine décimait chaque jour avec plus de fureur les habitants; mais les plaintes venaient mourir auprès de l'inflexible Guiton. Il faisait pendre les hommes et fouetter les femmes quand ils parlaient de se rendre. Un jour il vit une personne exténuée par la famine. Elle n'a plus qu'un souffle de vie, lui dit-on. En êtes-vous surpris? répondit-il, il faudra que nous en venions là, rous et moi, si nous ne sommes plus secourus. Mais, ajouta un autre, la faim emporte tous les jours tant de monde, que bientôt nous n'aurons plus d'habitants. Eh, reprit Guiton, il suffit qu'il en reste un pour fermer les portes. La duchesse de Rohan et sa famille, qui se trouvaient enfermées dans la ville, en étaient réduits à manger du cheval et du cuir bouilli avec du suif.-Mais avec une âme aussi fortement trempée que la sienne, Guiton ne pouvait songer à une capitulation. - D'ailleurs on espérait la prochaine. arrivée de la flotte anglaise. Et, en effet, vers le milieu de septembre 1628, une flotte sortit de la Tamise et de Portsmouth, et se montra le 28 à la hauteur de l'île de Ré. Le comte de Lindsay la conduisait; elle était forte de cent quarante bâtiments et devait agir contre la digue construite par Richelieu. Les Rochelois espérèrent et redoublèrent d'ardeur. Les soldats de l'armée de Richelieu furent animés de leur côté du plus vif enthousiasme, tous brûlaient de combattre la flotte anglaise. On accourait de tous les points du royaume pour repousser cette attaque. Les dues de Chevreuse, de Bellegarde, le cardinal de La Valette, le maréchal d'Estrées, firent près de cent lieues pour se trouver aux premiers coups d'épée qui seraient donnés contre les Anglais. Richelieu divisa son armée en trois brigades, presque toutes composées de volontaires nobles et placés sous les ordres du comte d'Harcourt, de La Rochefoucauld et du marquis de Nesles. La flotte anglaise fit plusieurs tentatives pour attaquer la flotte du roi, mais elle fut repoussée. « Le mardi, 3 octobre, les ennemis, >> ayant bon vent pour attaquer l'armée navale du roi, appareillèrent dès les >> quatre heures du matin, en sorte qu'à six heures précisément le combat » commença, qui a fini entre neuf et dix. Il s'y est tiré cinq mille coups de >canon de part et d'autre; le principal vaisseau des ennemis a été coulé à >> fond; on a pris deux autres barquettes aux ennemis. Ceux de la Rochelle >> n'ont pas eu le cœur de faire sortir personne par terre ni par mer, que trois >> chaloupes, dont une a été enfoncée et perdue à la vue de tout le monde; du >> reste ils sont fort abattus. Le roi n'a perdu que six hommes en toute son ar» mée navale et trois blessés. Les vaisseaux de Sa Majesté ont fait merveille, » quoique les ennemis eussent l'avantage du vent. Sa Majesté a vu tout le >> combat et était en un lieu où plusieurs coups de canon sont venus à quatre » pas d'elle; d'autres ont passé à côté et sur sa tête, sans que jamais elle ait >> voulu se retirer quoique ses serviteurs l'en suppliassent (1). »

(1) Relation du grand combat naval fait devant la Rochelle le 8 octobre 1628, envoyée par le roi à la reine, sa mère. L'auteur de cette relation était sans doute le cardinal de Richelieu luimême, qui, durant le siége, rédigea plusieurs bulletins fort curieux.

Une victoire navale, remportée par les Français sur l'escadre anglaise, était un fait si nouveau en France qu'elle y eut un grand retentissement, à une époque surtout où l'importance de la marine commençait à être appréciée, et où Richelieu s'occupait à en créer une.

La dernière espérance des habitants de la Rochelle disparut avec la flotte anglaise. Ils n'avaient plus désormais qu'à se rendre ou à mourir.

Montaigu, qui avait combattu sur la flotte anglaise, demanda un sauf-conduit au cardinal, sous prétexte de l'échange des prisonniers; mais son but réel était la capitulation de la ville. Richelieu accueillit avec joie ses ouvertures. Bientôt les envoyés de la Rochelle arrivèrent eux-mêmes avec des propositions de paix (1) et sollicitèrent la clémence du roi. Ils demandaient seulement à conserver leurs libertés municipales, les priviléges de leur brave maire, et à ce que les mots pardon et grâce ne figurassent point sur la convention. -Richelieu leur répondit que cela était impossible. Quand des sujets se rendent, ajouta-t-il, il y a pardon et jamais traité. Puis il écrivit de sa main les conditions suivantes : On promettra la vie aux habitants, la jouissance de leurs biens, l'abolition de leur crime et le libre exercice de leur religion. Et il renvoya les députés en leur disant: Voilà tout, et nous ne pouvons autre chose. C'était le 28 octobre. Le 30, les troupes royales prirent possession de la ville. Le roi y fit son entrée le 1er novembre. Aux termes de la capitulation, les fortifications furent démolies, les fossés comblés, les habitants désarmés et rendus taillables; l'échevinage et la communauté de la ville abolis à perpétuité. Il y avait près de deux cents ans que la Rochelle ne reconnaissait presque de souverains que ses magistrats.

Avec la Rochelle finit en France la puissance armée des calvinistes.

Castres, Montauban, Alby et la Rochelle, n'avaient pu résister aux canons de l'armée royale. Nulle autre ville ne pouvait songer désormais à arborer l'étendard de la révolte. Richelieu, en s'en emparant, éteignit les discordes religieuses. Dès ce moment, l'autorité du roi se dresse puissante, forte et absolue en face des partis. Aucune considération de croyance ou de culte ne

(1) Aux premières propositions qui furent faites par les délégués de la Rochelle, Richelieu répondit : « Vous vous êtes beaucoup trop vantés, quand vous avez dit que vous aviez des vivres pour trois mois. Si vous nous le prouvez, je vous donne carte blanche, et dressez vous-mêmes les termes de la capitulation; mais si vous n'avez rien à manger, il faut vous rendre à discrétion. Mais, dirent les députés, compterez-vous les vivres? Comprendrez-vous les coquillages que la mer amène, les herbes que la terre produit, les peaux, les cuirs, les parchemins, tout ce qui fait des mets exquis dans une extrême nécessité? Remarquez bien, monseigneur, que nous traitons ici pour des gens qui savent bien mourir quand ils ne peuvent plus vivre. » Et les députés versèrent des larmes.

-

Le cardinal n'en fut point touché, et continua dans des termes sérieux la conférence. « Enfin, quelles conditions demandez-vous ? Un traité de paix général, répondirent les députés,

-

Un traité de paix régulier, répliqua

dont les Anglais seront les médiateurs et les gardiens. en se moquant Richelieu, sous l'influence de l'étranger, cela ne peut être!» Et il termina la conférence en leur dictant les plus dures conditions (a).

(a) Mémoires de Bassompierre.

peut justifier aux yeux du terrible ministre la moindre atteinte portée aux prérogatives de la couronne. Toutes les têtes qui s'élèvent au-dessus de la ligne de démarcation qu'il a tracée autour de la royauté tombent aussitôt sous la hache du bourreau. Cette partie politique de la vie de Richelieu n'entre pas dans le cadre que nous nous sommes tracé. Pour nous, Richelieu est l'admirable génie qui tire la France de l'anarchie dans laquelle elle s'épuisait, c'est l'administrateur qui réorganise l'armée, qui y rétablit l'ordre et la discipline, c'est le ministre qui rend à la France et sa force et sa prépondérance extérieure et qui prépare enfin la chute de la puissante maison de Charles-Quint.

Après la mort de Henri IV, les ressources de l'état avaient été épuisées, ainsi que nous l'avons dit, les troupes disciplinées lui manquaient, les chefs avaient vieilli. Il fallait tout créer sur une échelle immense. Le génie de cet homme unique suffit à tout. Il forma plusieurs armées qui combattirent constamment sur nos frontières et à l'étranger, enrôla à sa solde les armées suédoises, fournit à toutes les exigences de ces guerres, trouva des chefs dont le talent et le caractère convenaient au théâtre ou aux circonstances de ces diverses luttes, et qui tous furent de grands capitaines: tels que les Rohan, les Créqui, les d'Harcourt, les Guébriant, les Turenne, etc. En un mot, il sortit victorieux de cette longue lutte et fut le véritable précurseur de la grandeur du siècle de Louis XIV.

C'est pendant cette première partie de la guerre contre la maison d'Autriche que nos troupes, en contact avec les armées hollandaises et suédoises, et guidées par le génie de leurs chefs, devinrent, par leur organisation et leur discipline, les premières troupes du monde et celles qui servirent dans la suite de modèle aux autres nations.

L'action de la France, bornée d'abord, en Italie, sur les vastes frontières de l'est; en Espagne, aux deux extrémités des Pyrénées, amena des guerres longues et générales, auxquelles prirent part la Hollande, toute l'Allemagne, la Suède et une partie de l'Italie

L'Espagne, en possession du Milanais depuis nos dernières guerres d'Italie, cherchait à s'emparer de la Valteline, petite province appartenant aux ligues grises. La France, la Savoie, la république de Venise et le pape, s'opposaient à cette invasion. On négociait depuis longtemps à Rome à ce sujet. Richelieu, en arrivant au pouvoir, trancha la difficulté en écrivant à son ambassadeur : Le roi a changé de conseil et le ministère de maxime; on enverra une armée dans la Valteline, ce qui rendra le pape moins incertain et les Espagnols plus traitables.

En effet, en 1625, une armée française, conduite par le marquis de Cœuvres, entra dans la Valteline, renversa les drapeaux du pape et affranchit le pays de la domination autrichienne. Ce fut là le premier événement qui rendit à la France sa considération à l'étranger.

Dans le même temps, le duc de Lesdiguières pénétrait en Italie, et de concert avec le duc de Savoie, soumettait plus de cent soixante places sur la rivière de Gênes. Créqui, de son côté, illustrait les armes de la France par son énergique défense de Verue. La paix de Monçon mit un terme aux hostilités

et arrêta le succès de nos armes (1626). Richelieu, en négociant avec l'Espagne, dans de telles circonstances, n'avait d'autre but que de gagner le temps nécessaire qu'il lui fallait pour écraser les protestants. A peine, en effet, la Rochelle fut-elle tombée dans ses mains qu'il déploya de nouveau les forces de la France contre la maison d'Autriche, et que nos armées parurent à la fois en Allemagne, en Italie, en Flandre et en Espagne.

L'Allemagne gémissait sous l'oppression des catholiques et sous l'ambition de Ferdinand. Gustave-Adolphe, le héros de la Suède (1), prince aux idées nobles et généreuses, accepta la mission d'y rétablir la liberté politique et religieuse. Richelieu s'empressa de seconder ses efforts, et pendant qu'il combattait le calvinisme en France, il prêtait aux réformés allemands des troupes et des subsides. C'est durant cette guerre que Gustave-Adolphe révéla ses grands talents militaires et jeta les fondements de sa gloire en régularisant et en perfectionnant toutes les institutions militaires. Ayant à combattre des armées supérieures en nombre, il sentit qu'il ne pouvait chercher sa force que dans l'organisation et le bon emploi de sa faible armée. Les soins de ce prince embrassèrent toutes les parties de l'art des combats, depuis les plus vastes opérations jusqu'aux détails les plus minutieux. Le résultat de ses efforts fut le développement de l'action par le feu. Les longues marches, les actions rapides et vigoureuses formèrent la base de son système. Son armée, modèle admirable d'ordre et de discipline, campait, manoeuvrait, combattait avec un ensemble, une vigueur, une rapidité inouïe jusqu'alors.

En 1631, Gustave pénètre dans la Poméranie, et prenant pour sa base d'opération le pays compris entre l'Elbe et l'Oder, il s'empare des places de Stettin, etc.; puis, marchant sur Berlin, il enlève Francfort, force l'électeur de Brandebourg à lui livrer Spandau, remporte un premier avantage sur l'armée catholique de Tilly à Demmin, et l'écrase complétement à la mémorable

(1) En 1611, Gustave-Adolphe, âgé de dix-sept ans, monta sur le trône de Suède. Le royaume était toujours agité par les discordes entre les nobles, le clergé, les paysans. Ces trois États ne savaient s'accorder que pour restreindre la puissance royale, arrêter la prospérité de la Suède. A l'extérieur, les Danois, les Russes et les Polonais, comptant sur ces troubles intérieurs et sur la faiblesse d'un jeune roi, attaquaient la Suède de tous côtés.

Gustave, par son habileté, sa sagesse et sa fermeté, maintint les partis intérieurs, établit la tranquillité et la prospérité, augmenta ses ressources par le commerce et l'industrie; cela fait, il travailla à se débarrasser des ennemis extérieurs. Le Danemark, sous Christian IV, était devenu fort; ses armées, bien pourvues d'artillerie, menaçaient plus directement la Suède, et avaient déjà conquis quelques parties du royaume. Gustave, trop faible alors pour soutenir la lutte, acheta la paix par des traités. La Russie, plongée dans une grande anarchie, ne pouvait déployer de grandes forces; aussi Lagardie, avec une petite armée suédoise, avait eu de grands succès et s'était-emparé de plusieurs places. Gustave-Adolphe, sous la direction de ce vaillant capitaine français, poursuivit ses conquêtes; avec une bonne artillerie il s'empara de plusieurs places importantes, accula une armée russe dans une île de la Msta, et enfin imposa un traité onéreux à la Russie.

Débarrassé du Danemark et de la Russie, Gustave concentra tous ses efforts contre la Pologne, le plus puissant et le plus acharné de ses ennemis. Puis il entra en Allemagne, où il s'immortalisa par les grandes victoires de Leipsick et de Lutzen.

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