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colomini et Jean de Vert, était déjà maîtresse de la campagne qui s'étend jusqu'à l'Oise. Mais Richelieu était là, il dissipa les alarmes. Il créa ou plutôt il improvisa en quelques jours une armée de cinquante mille hommes. Le comte de Soissons et l'armée de Champagne se réunirent à La Fère. La maison du roi, celle du cardinal, quittèrent leur quartier pour marcher au-devant de l'ennemi.

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Cependant la ville de Paris présentait un spectacle curieux le cardinal avait fait appel au patriotisme des Parisiens et à leur dévouement pour la famille royale. Les corps de métiers avaient été convoqués pour fournir des hommes et des armes. Les gentilshommes et les vieux militaires avaient reçu l'ordre de se présenter tout armés à l'hôtel du duc de la Force. Une proclamation lue, le soir, aux flambeaux, dans les rues de Paris, enjoignait, selon l'usage féodal du ban, à tous les hommes exempts d'impôt, de se réunir en compagnies dans la plaine de Saint-Denis, comme armée de réserve pour résister à l'invasion. Bientôt une véritable armée sortit de la capitale et se porta sur Corbie. Les Espagnols ne l'attendirent point. Ils évacuèrent la Picardie.

En Allemagne, nos armées n'avaient pas eu plus de succès. Le comte de Mansfeld, qui envahissait l'Alsace au nom de l'empereur, était à la tête de forces si considérables que le duc de Weymar n'avait pu arrêter sa marche; il s'était réfugié dans la Lorraine.

Les succès obtenus dans la Savoie et dans la Valteline étaient de faibles compensations à ces désastres, et la France était exposée à une double invasion, au nord par les troupes impériales, au midi par les troupes espagnoles, qui s'étaient emparées des îles Sainte-Marguerite.

Mais ce fut là le terme des succès des ennemis de la France.

L'Espagne, qui, depuis Charles-Quint, exerçait une si grande influence sur les destinées de l'Europe, commençait à s'affaiblir sous l'action incessante de la politique de Richelieu. Les gigantesques entreprises de Philippe II; l'indépendance de la Hollande; les mesures impolitiques de Philippe III, qui, en chassant les Maures de l'Espagne, se priva de grandes ressources; l'insurrection de la Catalogne; l'indépendance du Portugal; les dépenses énormes de toutes les guerres que lui suscitait Richelieu, et surtout les victoires des Français, achevèrent de lui porter les derniers coups.

Au début de la guerre de Trente ans, les forces militaires de la France s'élevaient à deux cent vingt-huit mille hommes, dont soixante-deux mille de cavalerie. Ces forces étaient divisées en six armées, réparties de la manière suivante :

1° Celle des Pays-Bas, sous les ordres du duc de La Meilleraie;

2o Celle du Luxembourg', dirigée par Feuquières;

3o Celle entre la Champagne et la Lorraine, sous le maréchal de Châtillon;

4° Celle du Languedoc, sous les ordres du prince de Condé;

5° Celle du Piémont, sous les ordres du cardinal de Lavalette;

6° Celle de la Franche-Comté, confiée au duc de Weymar.

C'était un beau spectacle que celui de ces six armées obéissant à l'impulsion

que lui donne le génie puissant du cardinal de Richelieu. Elles effrayèrent l'Europe entière, en lui révélant pour la première fois le secret de la grandeur et de la puissance de la France.

La marine française aussi s'était considérablement augmentée, grâce aux efforts du cardinal et au zèle de l'archevêque de Bordeaux, Sourdis, un de ses amiraux les plus distingués. La noblesse des grandes côtes de l'Océan et de la Méditerranée commençait à se livrer aux courses nautiques et au commandement des flottes. Les matelots bretons et provençaux, sous la conduite des Forbin, des Pontève, allaient parcourir les mers des Indes et de l'Amérique. La marine française se composait alors de deux sortes de navires: les galères aux mille rames et les gros bâtiments à voile dont la forme était imitée de celle des Hollandais.

D'après un état dressé par Richelieu, on comptait dans nos ports de Marseille, de Toulon, de Bordeaux, de Brest et du Havre deux cent soixante-dix galères et cent soixante-dix flûtes, ou bâtiments à voile armés de gros canons. -Les galères étaient commandées par un général, et les flûtes par un amiral. Les forces que l'Espagne allait engager sur cet immense théâtre de la guerre étaient plus considérables encore; mais les troupes qui composaient les armées espagnoles étaient moins nationales que les nôtres. A part les grandes bandes qui depuis Charles-Quint faisaient la gloire et la puissance de l'Espagne, toutes les autres troupes tirées de Naples, de la Sicile, du Milanais ou de la Franche-Comté, ne subissaient qu'avec répugnance la discipline sombre et répressive de l'Espagne. - Cependant leur organisation était plus militaire qu'en France. Les soldats étaient longtemps exercés avant d'aller au combat. Les officiers, Teniente-major alferez, passaient plusieurs années à l'étude de la tactique, et suivaient les traditions du duc d'Albe. Les campagnes se faisaient comme au temps de Renty et de Saint-Quentin. Chaque soldat portait une arquebuse et le bâton fourchu qui la soutenait. Les camps espagnols ressemblaient à des villes, avec les tentes alignées, les chariots et les canons qui les entouraient. La marche des troupes espagnoles était lente et serrée; leur retraite était admirable d'ordre.

Quant à leurs flottes, elles étaient nombreuses et puissantes; on les appelait armada, et elles sillonnaient toutes les mers, ne redoutant que les tempêtes, selon leur fière expression nationale.

Dans les Pays-Bas et dans l'Artois, les troupes françaises eurent des succès presque continuels. La prise d'Hesdin par la Meilleraie couronna la campagne de 1639; il y reçut le bâton de maréchal de France.

Feuquières fut battu à Thionville par Piccolomini; mais le maréchal de Châtillon l'empêcha de profiter de sa victoire, lui fit lever le siége de Mouson, et s'empara d'Ivry (1639). Bientôt les trois maréchaux de Châtillon, de Chaulnes et de la Meilleraie se réunissent dans les murs d'Arras, et s'emparent de cette ville, après un long siége où l'artillerie française fit des prodiges (1640).

Partout sur la vaste frontière du Nord et de l'Est, le succès couronne les

efforts des généraux français. Ils prennent Aire, Donchery, Bar-le-Duc, Épinal, Lens, la Bassée, Bapaume, etc.

Le cardinal de Lavalette avait succédé à Créqui dans le commandement de l'armée d'Italie. Il assiégea la place de Chivas. Les Espagnols marchèrent pour attaquer ses lignes. Lavalette fit élever de formidables batteries et força les Espagnols à la retraite. Après ce succès, le cardinal de Lavalette voulut secourir Verceil; arrivé devant les retranchements ennemis, il passa la Sesia et résolut de les attaquer; mais ses généraux s'y opposèrent; il fut obligé de repasser la rivière et d'abandonner la garnison de la ville de Verceil, qui fut prise. Cette défaite amena la conquête du Piémont par les Espagnols (1). Richelieu, qui avait mis l'Europe en feu, et dont l'oeil embrassait à la fois tous les théâtres de la guerre, et qui voulait dominer la fortune sur tous les points, y envoya le comte d'Harcourt avec la mission de vaincre les Espagnols et de reprendre le Piémont. Ce général arriva en Italie en 1640, força pour son début les lignes de Casal et de Quiers, prit Turin, délivra Chivas, et battit les Espagnols près d'Yvrée. C'était, comme on le voit, s'acquitter glorieusement de sa mission. Pendant cette courte et décisive campagne, le grand Turenne révéla les talents militaires qui devaient l'élever si haut. Mais ces succès ne suffisaient pas à Richelieu. Les drapeaux espagnols flottaient encore dans le Piémont. Il prescrivit à ses généraux de vaincre encore, et la victoire obéissant à cette inflexible et puissante volonté, le Montferrat et le Piémont furent complétement délivrés des armées étrangères.

L'armée de Franche-Comté, sous les ordres du duc de Weymar, gagna la bataille de Rheinfeld et s'empara de Brissac. Le digne lieutenant de GustaveAdolphe mourut après ce succès; mais il avait sous ses ordres un maréchal de France, Guébriant, qui lui succéda dans le commandement de ses troupes et remporta à son tour les deux victoires de Wolfenbuttel et de Kempen (1641). En Allemagne, Banier et Torstenson, à la tête des Suédois, faisaient également triompher la politique de Richelieu.

L'armée des côtes d'Espagne remportait des avantages plus décisifs encore. La prise de Salins (1639), d'Elme en Roussillon (1641), par le prince de Condé; la prise de Constantin en Catalogne par Lamotte-Hodencourt; la défaite qu'il fait éprouver aux Espagnols devant Taragone (1641); la campagne du Roussillon par le maréchal de la Meilleraie; l'indépendance de la Catalogne favorisée par les armes de la France, et dont le maréchal de Brézé est nommé vice-roi; enfin, les victoires du Var, de Villefranche, de Lérida, etc.; les succès de nos armées navales sur les côtes de la Méditerranée, et la reprise des îles SainteMarguerite et Saint-Honoré par l'archevêque de Bordeaux, le vaillant Sourdis, furent des coups terribles et successifs portés à la puissance de l'Espagne.

(1) Le cardinal de Lavalette en mourut de chagrin. Ce prélat, fils du duc d'Épernon, homme d'épée s'il en fut, combattit avec succès à la tête de nos armées. - Le pape Urbain VIII l'avait menacé de l'interdire s'il continuait ce métier de sang, si contraire aux lois de l'Église; mais le cardinal brava les foudres du Vatican. Il se fit enterrer la mitre en tête, l'épée au côté, les brassards et la cuirasse sur sa chape d'or.

Richelieu, l'œil sans cesse fixé sur cette vaste monarchie espagnole, dont l'armorial écartelé comme un échiquier était composé de tant de peuples divers, détachait ainsi pièce à pièce les nations inféodées à l'empire de Charles-Quint. La mort vint interrompre son œuvre (1642). En ce moment il dominait réellement l'Europe. Nos armées triomphaient à la fois en Allemagne, dans le nord de la France, sur le Rhin, en Italie et dans les Pyrénées. Et comme conséquences de sa politique, la Lorraine et la Savoie avaient été annulées, les Pays-Bas espagnols envahis, la Catalogne momentanément réunie à la France, le Portugal séparé de l'Espagne. C'étaient de beaux résultats.

Le cardinal de Richelieu avait accompli le rêve politique et militaire de Henri IV.

Louis XIII mourut peu de temps après Richelieu. L'un haï et admiré, dit Voltaire, l'autre déjà oublié.

Louis XIV, âgé de cinq ans, succédait à Louis XIII, et le cardinal de Mazarin à Richelieu. Le nouveau ministre suivit la politique extérieure de son maître et continua les guerres entreprises.

En 1643, la France avait encore six armées sur pied:

1° Celle de Flandre, sous les ordres du duc d'Enghien, fils du prince de Condé; 2o Celle d'Allemagne, sous les ordres de Guébriant, dans laquelle servaient les maréchaux de Turenne et de Gassion;

3° L'armée des Pays-Bas, sous les ordres du duc d'Orléans;

4° Celle d'Italie, sous les ordres des maréchaux de la Meilleraie et Du Plessis-Praslin ;

5° L'armée de Catalogne, sous les ordres du maréchal de Lamothe, et plus tard de Schomberg;

6° Enfin, l'armée toute navale, composée de flottes et de galères aux ordres de Brézé, famille d'amiraux aux côtes de Guienne.

Malheureusement de nouveaux troubles intérieurs replongèrent la France. dans l'état d'anarchie d'où l'avait retirée la violente énergie de Richelieu; mais ces troubles n'eurent aucune influence sur les opérations militaires, qui continuèrent à devenir plus brillantes et plus glorieuses. En Flandre, le duc d'Enghien remporte la victoire de Rocroi. En Allemagne, Jean de Vert et Mercy surprennent le camp des Français; mais Turenne arrête les conséquences de cette défaite. - Dans les Pays-Bas, le duc d'Orléans prend Gravelines et Courtrai; en Catalogne, le maréchal de Lamothe remporte plusieurs avantages; le maréchal Du Plessis-Praslin prend Roze; mais le comte d'Harcourt échoue devant Lérida; en Italie, la Meilleraie s'empare de Piombino; et Dreux-Brézé livre à la flotte espagnole une bataille navale, où il meurt d'un coup de canon, à vingt-sept ans.

Bientôt le théâtre de la guerre et le nombre des armées diminuent. Deux grands capitaines, Condé et Turenne, conduisent toutes les opérations importantes, et résument à eux seuls toute la gloire de la France pendant un demisiècle. Par une circonstance singulière, et qui peint bien les mœurs de cette

époque, tous deux, entraînés par l'esprit de parti, passèrent à leur tour sous les drapeaux de l'Espagne, et, rivaux éternels, luttèrent l'un contre l'autre avec un égal succès; car le vainqueur du jour était le vaincu du lendemain. La défaite d'Arras répondait à celle de Rhetel, et Cambrai à Saint-Guilain.

Mais avant de suivre dans leur carrière ces deux grands capitaines, nous croyons qu'on ne lira pas sans intérêt le parallèle suivant, moins connu qu'il ne mérite de l'être, et qui a été tracé par un écrivain philosophe et homme de guerre :

<«<Vous trouverez, dit Saint-Évremont, dans M. le Prince (Condé), la force du génie, la grandeur du courage, une lumière vive, nette, toujours présente. >> M. de Turenne a les avantages du sang-froid, une grande capacité, une longue expérience, une valeur assurée.

» L'activité du premier se porte au delà des choses nécessaires pour ne rien oublier qui puisse être utile.

>> L'autre, aussi agissant qu'il faut l'être, ne fait rien de superflu.

>> M. le Prince, fier dans le commandement, également fier et estimé.

>> M. de Turenne, plus indulgent, et moins obéi par l'autorité qu'il se donne que par la vénération qu'on a pour lui.

>> M. le Prince, plus agréable à qui lui sait plaire, plus fâcheux à qui lui déplaît, plus sévère quand on manque, plus touché quand on a bien fait.

>> M. de Turenne, plus concentré, excuse les fautes sous le nom de malheurs, et réduit souvent le plus grand mérite à la simple louange de bien faire son devoir.

>> M. le Prince s'anime avec ardeur aux grandes choses, jouit de sa gloire. sans vanité, reçoit la flatterie avec dégoût.

>> M. de Turenne va naturellement aux grandes et aux petites choses, suivant le rapport qu'elles ont à ses desseins.

>> Quelques troupes que vous donniez à M. le Prince, il a toujours la même assurance dans le combat; vous diriez qu'il sait inspirer ses propres qualités à toute l'armée; sa valeur, son intelligence, son action, semblent lui répondre de celles des autres.

» Avec beaucoup de troupes, dont M. de Turenne se défie, il cherche ses sûretés; avec peu de bonnes qui ont gagné sa confiance, il entreprend aussi ce qui paraît impossible.

>> Pour M. le Prince victorieux, le plus grand éclat de la gloire; pour M. le Prince malheureux, jamais de honte, peut-être un préjudice aux affaires, jamais à sa réputation.

>>> La réputation de M. de Turenne est plus attachée au bien des affaires; ses actions n'ont rien de particulier qui les distingue pour être égales et continues. Tout ce que dit, tout ce qu'écrit, tout ce que fait M. de Turenne a quelque chose de trop secret pour ceux qui ne sont pas assez pénétrants. La nature lui a donné le grand sens, la capacité, le fond du mérite, et lui a dénié le feu du génie, cette ouverture, cette liberté d'esprit qui en fait l'éclat et

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