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Le plan d'attaque adopté fut celui-ci : Condé, avec son corps d'armée, devait attaquer le front de la gauche ennemie, pendant que Turenne, avec ses huit mille hommes et ses vingt pièces de canon, tournerait cette gauche par l'étroite vallée dont nous avons parlé.

Le 3 août, au point du jour, l'armée se mit en mouvement. L'infanterie était composée de six bataillons de huit cents hommes chacun. Le comte d'Espenan fut chargé de commencer l'attaque avec deux bataillons. Le comte de Tournon devait la soutenir avec les régiments de Conti et de Mazarin.

Le maréchal de camp de Paluau devait protéger le mouvement des bataillons avec la cavalerie du régiment d'Enghien. La gendarmerie fut postée à l'entrée de la plaine pour empêcher les ennemis de prendre en flanc l'infanterie pendant son attaque.

Le prince de Condé avait sous ses ordres le maréchal de Grammont et le comte de Marsin.

Les troupes françaises marchèrent avec beaucoup d'ardeur, bien qu'elles fussent obligées, pour aller aux ennemis, de monter une côte fort escarpée, à travers des lignes, dans lesquelles il y avait, d'espace en espace, des murailles de quatre pieds de haut, et que dans leur marche elles eussent à essuyer un feu très-vif et très-meurtrier. Mais elles ne purent forcer les retranchements sans se rompre. L'impétueux Condé résolut alors de faire une seconde attaque par le milieu de la ligne; mettant pied à terre, il conduisit lui-même deux régiments qui formaient sa réserve, et les soldats, électrisés par sa présence, escaladèrent les retranchements et chassèrent les Bavarois des redoutes. Mais le fort tenait encore et la nuit approchait. Turenne, embarrassé par son artillerie, et ayant été obligé de faire un grand détour dans une route qui n'avait pas été reconnue et au milieu d'obstacles de toute espèce, ne put commencer son attaque que vers la nuit, encore se passa-t-elle en escarmouches. Telle fut la première journée de Fribourg.

Le prince de Condé résolut alors de marcher le lendemain par les hauteurs contre le camp bavarois, afin de les obliger à venir contre lui avec une partie de leurs forces, et de faciliter ainsi au maréchal de Turenne l'entrée de la plaine. Mais le général bavarois pénétra le dessein de son adversaire; il abandonna le fort et fit retirer ses troupes sur la montagne près de Fribourg, où elles se retranchèrent.

La nouvelle ligne de Mercy appuyait sa gauche à une montagne très-élevée. Sept pièces de canon défendaient cette partie. La ligne se déployait ensuite sur un long et étroit plateau, dont la crête était bordée de retranchements défendus par quelques canons; à l'extrémité droite du plateau, était une batterie de dix pièces, qui flanquait l'étroite vallée entre ce plateau et Fribourg. Des retranchements, garnis de cinq canons, barraient cette vallée; enfin, les grosses pièces de Fribourg flanquaient parfaitement toute la droite de la position.

Condé, ayant opéré sa jonction avec Turenne, résolut de forcer vigoureusement la gauche des ennemis, pendant que la cavalerie et une partie de l'artillerie observeraient la droite, qui était un véritable gouffre de feu, et que l'on

ferait une fausse attaque sur le centre. Les préparatifs de cette nouvelle tentative occupèrent toute la journée du 4 et permirent aux troupes de se reposer. Le lendemain, 5 août, le prince de Condé, accompagné des maréchaux de Turenne et Grammont, était monté sur un des points culminants de la montagne pour reconnaître les derrières de l'ennemi, en attendant l'arrière-garde, qui n'avait pu rejoindre à cause du mauvais état des chemins, lorsqu'un événement imprévu l'obligea à changer ses dispositions et décida du sort de la journée. Le maréchal de bataille de l'Échelle, qui commandait mille mousquetaires, avait reçu l'ordre de ne commencer l'attaque de son côté que lorsque aurait eu lieu la fausse attaque sur le centre. D'Espenan, qui commandait l'infanterie du prince, ayant détaché quelques hommes pour enlever une petite redoute qui était en avant de la position des ennemis, un combat s'engagea insensiblement de part et d'autre. Les Bavarois soutinrent leurs soldats; d'Espenan renforça les siens, et bientôt l'escarmouche devint si vive, que le maréchal de bataille de l'Échelle crut qu'il était temps d'agir. Ce mouvement déconcerta les plans de Condé. Dès que le prince s'en fut aperçu, il accourut en toute hâte vers ce point; mais il trouva son maréchal de bataille tué et les troupes dans le plus grand désordre. Sa présence les ranima; elles retournèrent au combat avec la plus vive ardeur. Deux bataillons bavarois, qui soutenaient le retranchement, commençaient à plier; mais ceux qui le bordaient firent de si furieuses décharges, que les Français furent obligés de reculer encore une fois. Condé fit cesser l'attaque sur ce point. Le prince courut de grands dangers dans cette circonstance et y fit preuve du plus intrépide sang-froid; car il resta presque toujours à cheval à trente pas des retranchements. Les vingt officiers de sa suite qui l'accompagnaient furent tous blessés; Condé lui-même eut le pommeau de la selle de son cheval emporté d'un coup de canon, et le fourreau de son épée rompu d'une balle de mousquet.

Il dut aussitôt changer ses dispositions. Abandonnant alors l'attaque de la gauche des ennemis, il laissa quelques troupes sur ce point, et prenant ce qui lui restait de forces disponibles, il alla rejoindre sa cavalerie dans la plaine et tomba sur la droite des ennemis.

Alors commencèrent de terribles combats sous le feu d'une nombreuse artillerie qui tira sans relâche. Les Français y firent de prodigieux efforts; mais tout fut inutile, les ennemis conservèrent leur position.

Condé, désespérant de l'enlever de vive force, forma le projet de couper les communications aux ennemis, de Fribourg à Willengen, ville située au débouché des montagnes, du côté de la Souabe.

Mercy, ayant deviné le projet du prince de Condé, se mit en retraite aussitôt, en faisant défiler son artillerie en avant, pendant que les troupes bordaient les montagnes latérales. - Mercy eut alors à repousser les charges énergiques des escadrons français que le général français lança à sa poursuite, et il fut contraint de se jeter dans les défilés, abandonnant six canons et deux mortiers. Telles furent les quatre journées de Fribourg, journées sanglantes où l'infanterie française fit des prodiges de valeur, d'audace et d'énergie, et fut

presque entièrement anéantie. Nous avons expliqué les causes qui paralysèrent au début la manœuvre si décisive de Turenne et occasionnèrent une si grande perte en hommes. Condé ne dut la victoire qu'à son invincible opiniâtreté et au courage de son infanterie. Le général Mercy se montra dans cette circonstance digne de ses deux célèbres adversaires dans la conduite générale de sa défense et dans l'admirable parti qu'il sut tirer de sa position.

Turenne fut chargé de poursuivre les Bavarois. Ce grand capitaine, qui comptait à peine onze mille hommes de troupes et quinze canons, pénétra dans la Souabe au cœur de l'hiver, en chassa les Bavarois et les poussa dans la Franconie. Cédant enfin aux sollicitations de ses troupes harassées par cette rude campagne, il prit des cantonnements à Mariendal, garda auprès de lui l'infanterie et l'artillerie; mais il commit la faute de trop disperser sa cavalerie. Le général Mercy, habile à profiter de cette faute, surprend cette cavalerie avant qu'elle ait pu se former et la culbute. Turenne fait amener en toute hâte son infanterie et son artillerie; mais ces troupes, arrivant irrégulièrement, sont repoussées à leur tour. Telle fut la journée de Mariendal. Toutefois, comme cette bataille est la seule que le grand Turenne ait perdue à la tête des troupes françaises, il n'est pas sans intérêt d'en faire connaître les détails. La cavalerie, ainsi que nous l'avons dit, allait établir ses quartiers du côté de Mariendal. Le colonel Rose, envoyé en éclaireur, ne s'était point aperçu que les ennemis, qui se retiraient à l'approche des Français, avaient rebroussé chemin dès qu'il avait cessé de les observer. Le 5 mai 1645, Turenne fut informé à cinq heures du matin que le général Mercy s'avançait avec toute son armée. Turenne se lève, ordonne de rassembler ses quartiers à une lieue et demie de Mariendal, commande à Rose de s'y rendre pour recevoir les troupes à mesure qu'elles arriveraient. Le colonel y court, et voyant une vaste plaine propre aux manœuvres de la cavalerie, au delà d'un bois de cinq à six cents pas de longueur, il fait passer le bois à la tête de l'avant-garde et range dans la plaine ses escadrons. Turenne accourait à grands pas pour appuyer le mouvement de sa cavalerie; mais déjà les ennemis étaient arrivés dans la plaine et avaient engagé l'action. Voyant qu'il ne peut éviter la bataille, il se forme en toute hâte; il compose sa droite de toute l'infanterie qu'il place à l'entrée du petit bois à droite, la fait soutenir par deux escadrons seulement; forme sa gauche de toute la cavalerie qu'il met sur une seule ligne, excepté deux escadrons dont il fait une espèce de réserve. Ces dispositions n'étaient pas encore terminées, et l'infanterie, qui arrivait au pas de course, n'était pas encore tout entière sur le champ de bataille, quand Mercy commença son attaque sur le petit bois. Pendant ce temps, Turenne, à la tête de sa cavalerie, se précipitait sur la droite des ennemis, rompait leurs escadrons, ébranlait même la seconde ligne, et s'emparait de douze étendards; mais Mercy, vainqueur à son tour sur la droite des Français, et s'étant emparé du petit bois, après avoir rejeté l'infanterie qui le défendait, rallie ses escadrons dispersés, et, par un mouvement oblique, cherche à envelopper le corps de cavalerie que commande Turenne. -L'habile général, voyant ce mouvement, cesse de combattre et fait sonner

la retraite. Admirable surtout dans les circonstances difficiles, il fait rallier son infanterie et la dirige vers Philisbourg. II fait passer à sa cavalerie le Thauber et le Mein, se place à l'arrière-garde, repasse le bois, manœuvre sous le feu violent de l'artillerie, et soutient lui-même à la tête des derniers escadrons tous les efforts des impériaux. A la sortie du bois, un gros corps de cavalerie lui bouche le chemin de Mariendal. Il n'y a pas moyen de reculer. Turenne s'élance contre les cavaliers, s'ouvre un passage l'épée à la main. L'ennemi cesse alors de l'inquiéter, et il achève tranquillement cette retraite presque aussi glorieuse qu'une victoire.

Interrogé longtemps après sur les causes qui lui avaient fait perdre la bataille de Mariendal et celle de Rhetel, ce grand homme de guerre répondit : Je les ai perdues par ma faute.

Si je voulais, ajouta-t-il, me faire justice un peu sévèrement, je dirais que l'affaire de Mariendal est arrivée pour m'être laissé aller mal à propos à l'importunité des Allemands (1), qui demandaient des quartiers, et que celle de Rhetel est venue pour m'être trop fié à la lettre du gouverneur, qui promettait de tenir quatre jours la reille même qu'il se rendit. Je fus dans ces occasions trop crédule et trop facile; mais quand un homme n'a pas fait de fautes à la guerre, il ne l'a pas faite longtemps !

Belle leçon de modestie que Turenne seul était capable de donner aux capitaines de tous les temps et de toutes les nations; car les gens du métier prétendent qu'il n'avait jamais mieux déployé les ressources de son génie que dans ces deux occasions. Et quel autre que lui n'eût point cherché à pallier ce qu'il appelait ses deux fautes, et à se justifier aux yeux de l'histoire!

Cependant la bataille de Mariendal avait ouvert encore une fois les portes de la France aux ennemis. Condé, l'homme des grandes circonstances, est envoyé pour réparer cette défaite. — Il accourt, et livre dans les plaines de Nordlingen, au milieu de la Franconie, une nouvelle bataille qui fut un des derniers grands événements de la guerre de Trente-Ans (4 août 1645).

La plaine à laquelle la ville de Nordlingen donne son nom est une des plus vastes de la Franconie. Vers le milieu elle est coupée par deux collines à quelques cents toises l'une de l'autre. La première, appelée Vineberg, est assez haute et escarpée; la seconde, connue sous le nom d'Allerheim, est fortifiée par un château. Entre ces deux collines règne un vallon qui aboutit à un village plus avancé vers Nordlingen d'environ trois cents pas. Le terrain qui sépare la colline d'Allerheim est uni, mais traversé dans toute son étendue par un fossé également large et profond. Le chemin qui conduit de ce même. village au Vineberg est rude et escarpé. C'est dans ce poste que l'habile Mercy, l'heureux vainqueur de Mariendal, s'était établi, et avec sa prévoyance ordinaire, n'avait rien négligé pour rendre cette formidable position plus formidable encore. Il avait fait élever sur presque toute l'étendue de son front des retranchements qu'il était difficile de forcer.

(1) On doit se souvenir que Turenne avait recueilli les débris de l'armée allemande de Weymar, et que ces troupes faisaient partie de son corps d'armée.

L'armée impériale était forte de quinze mille hommes, tous vieux soldats; elle avait vingt-huit canons de parc. Le général Gleen commandait la droite, établie sur le Vineberg, et composée des régiments impériaux; la gauche, retranchée sur le sommet de la colline d'Allerheim, obéissait à Jean de Vert, général célèbre, qu'on plaçait, avant cette bataille, sur la même ligne que Mercy. Quant au centre, qui remplissait le vallon d'une colline à l'autre, le général en chef s'en était réservé le commandement. Il avait placé l'élite de son infanterie dans le village quise trouvait devant lui; son artillerie était disposée le long des lignes dont il avait couvert le village et les deux collines.

L'armée française comptait dix-sept mille hommes; elle avait vingt-huit canons de parc. Condé disposa ainsi son armée. Turenne commandait la gauche, il le plaça près de la Warnitz avec seize escadrons et six bataillons; le comte de Marsin commandait le centre, il prit position en face d'Allerheim. La droite, sous les ordres du duc de Grammont, s'appuyait à l'Éger.-Ce corps d'armée avait en seconde ligne une réserve de six escadrons et de quatre bataillons. Condé ne prit point de poste, il s'était réservé de marcher avec le marquis de la Moussaie, maréchal de camp, partout où sa présence serait nécessaire.

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Avant la bataille, le prince de Condé, suivi du maréchal de Turenne, était allé reconnaître la position des ennemis. A la vue de ces retranchements et de la position de Mercy, Turenne disait qu'il y aurait témérité à attaquer. L'impétueux Condé fut d'avis qu'il fallait combattre et vaincre.

L'action commença par le village d'Allerheim. Le général de Mercy, qui avait vu avec une vive joie les Français se disposer à l'attaque, parcourait le front de ses troupes en leur annonçant la victoire. On dit qu'au moment du (1) LÉGENDE: A. Armée française. B. Armée espagnole.

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