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dition sur cette terre; et l'acte même que nous produirons pour accomplir le précepte de la charité, ne devra pas être essentiellement dépouillé de tout rapport à notre bonheur, il suffira d'y faire entrer le sentiment de l'amour de Dieu, à cause de ses perfections infinies. On croit que Bossuet est allé trop loin, en disant impossible même un seul acte de cet amour désintéressé. Car on conçoit que dans des transports de grande ferveur, des âmes généreuses puissent s'élever à cette pureté, à ce désintéressement, en aimant le Seigneur pour ses amabilités infinies, sans s'occuper de leur propre félicité, en combattant même cette pensée de bonheur personnel, si elle se présente à leur esprit. Au reste, dans la pratique, nous ne pouvons mieux faire que d'aimer par cet attrait si puissant, que Jésus-Christ lui-même nous offre dans son Evangile : Celui qui garde mes comman— dements, est celui qui m'aime; il sera aimé de mon Père, et je l'aimerai moi-même. (Joan. 14.)

LE D. Vous avez dit qu'il n'y avait plus au ciel ni foi, ni espérance, proprement dites; en est-il de même de la charité?

LE TH. Non. Selon saint Paul cette charité reste dans les bienheureux. Elle sera plus intense, plus goûtée; mais toujours ce sera la charité, telle que nous la spécifions par les infinies amabilités de Dieu. L'apôtre l'enseignait aux Corinthiens, par ces paroles si claires : La charité ne finira jamais. (1a. 13. )

LE D. Cette charité du ciel me paraît cepen

dant différente; car celle de la terre est réglée par la foi; tandis que la vision intuitive forme la charité de la patrie céleste. De plus, l'une est libre, et l'autre nécessaire. Vous conviendrez que des règles si diverses, des conditions si opposées doivent faire produire des actes de vertus bien différentes.

LE TH. Un peu d'attention suffira pour résoudre cette dernière difficulté. Sachez donc que l'amour tire sa spécification, non pas de l'objet contemplé ou invisible, possédé ou non possédé, mais seulement du motif qui le fait aimer, et vous concevez que ce motif peut exister, et il existe réellement dans la charité sur la terre, comme dans celle du ciel. Il en est de même de la nécessité et de la liberté de l'amour. Ces états différents ne peuvent le spécifier; il faut toujours recourir au motif, lequel est assurément le même, et dans l'amour nécessaire, tel qu'il est chez les saints, et dans l'amour libre, tel que nous l'éprou vons dans la charité sur la terre.

LE D. Permettez-moi cette dernière question commune aux trois vertus théologales; sont-elles susceptibles d'accroissement?

LE TH. Vous vous en convaincrez, lorsque nous examinerons la gràce et les sacrements. Dans ce moment, je me bornerai à vous citer ces paroles du concile de Trente: « L'Eglise demande cette augmentation de justice par cette prière : Seigneur, augmentez en nous la foi, l'espérance et la charité, » ( S. 6a, C. 10.

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DIX-NEUVIÈME ENTRETIEN.

LES VERTUS MORALES.

LE D. Vous vous êtes engagé à traiter de suite les vertus théologales et morales, pour mettre plus d'ordre dans cette importante question. Maintenant que nous avons vu ce qui regarde les premières, nous allons sans doute nous occuper des secondes. Dites-moi donc ce qu'on entend par vertus morales; et combien on en compte?

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LE TH. On appelle vertus morales des qualités qui portent à régler les moeurs d'une manière conforme à la raison. On en compte un grand nombre, que nous pouvons grouper autour de ces quatre nommées cardinales ou principales la prudence, la justice, la force et la tempérance; elles nous sont indiquées dans ce passage de la Sagesse : C'est elle qui enseigne la tempérance, la prudence, la justice et la force, qui sont les choses du monde les plus utiles à l'homme. (8.)

La prudence dirige nos actes d'une manière conforme à la raison, dans la pratique des autres

vertus dont elle est, pour ainsi dire, l'œil et la règle. Avec elle doivent se trouver l'intelligence, la docilité, la diligence, la prévoyance et la circonspection. Car on ne peut reconnaître une véritable prudence en celui qui n'aurait pas l'intelligence morale de l'acte qu'il va opérer; qui manquerait de docilité pour suivre des conseils utiles, ou de promptitude à profiter du moment opportun pour agir; qui serait sans prévoyance. sur le résultat des moyens employés, et enfin sans circonspection pour éloigner les circonstances capables de compromettre le succès de son ac

tion.

Deux sortes de vices sont opposés à cette vertu, les uns par défaut, les autres, par excès. Parmi les premiers, on signale l'inconsidération, la précipitation, l'inconstance, la négligence; et parmi les seconds, la prudence de la chair, l'astuce, le dol, la fraude, et enfin la trop grande sollicitude des choses temporelles pour l'avenir.

LE D. Ce que vous venez de dire sur la prudence, me suggère une idée que vous accepterez dans mon intérêt, j'en suis bien convaincu. Vous vous bornez à nommer les différentes vertus, dans la persuasion d'être assez compris, sans entrer dans aucun développement. Je dois Vous avouer que nous n'avons pas dans le monde des notions claires, positives, sur ces questions de morale qui vous paraissent si simples. Veuillez donc me fixer sur le sens que les théologiens attachent à ces différentes qualités ;

et sur la nature des défauts opposés à ces ver

tus.

LE TH. Vous avez signalé le motif qui m'empêchait d'entrer dans ces explications; mais puisque vous le désirez, je vous les donnerai avec bien du plaisir. Aux qualités qui doivent accompagner la prudence, nous ajouterons le souvenir du passé qui met devant les yeux la réussite ou l'insuccès d'affaires analogues à celles que l'on va traiter. L'intelligence consiste dans la connaissance approfondie de l'objet dont on veut s'occuper. La prévoyance est la considération des effets qui pourront résulter de ce qu'on entreprend. La docilité porte à recevoir des conseils utiles, et à s'y conformer. Enfin, par la circonspection, on recherche attentivement si un projet est accompagné de toutes les circonstances qui peuvent le conduire à bonne fin.

Voici une notion des défauts opposés à ces diverses qualités. La précipitation fait commencer une entreprise avant d'en avoir suffisamment examiné les moyens. C'est ordinairement par inconsidération et trop de promptitude à juger, que l'on tombe dans ce défaut. L'inconstance fait changer de sentiment sans motif suffisant. Par la négligence enfin, on omettra d'employer la diligence nécessaire, soit pour préparer un projet, soit pour le mettre à exécution. Il est facile de remarquer que ces vices sont opposés à la prudence, par défaut, c'est-à-dire, qu'on ne fait point assez pour remplir les conditions de la véritable pru

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