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gers de la cour impériale, troublait la sérénité de son àme. Il suppliait le Dieu auquel il s'était consacré de ne point permettre que cet enfant bien-aimé oubliat les préceptes qu'il lui avait enseignés et dont il était lui-même la vivante réalisation.

Ses vœux furent comblés. Quatre années s'étaient à peine écoulées depuis l'arrivée d'Amédée à la cour d'Allemagne, que l'empereur vint à mourir. «Instruit alors dans les lettres divines et humaines, » pour parler le langage de ses biographes, et parvenu à l'âge requis pour entrer en religion, Amédée quitta la cour pour le cloître et alla demander, cette même année, son admission au noviciat de Clairvaux. Il fut accueilli avec joie et honneur, et prit d'abord l'habit religieux.

C'est là que le futur abbé d'Hautecombe passa les premières années de sa vie religieuse sous la conduite de saint Bernard. Ses rapides progrès dans la perfection chrétienne lui attirèrent bientôt une grande réputation de science et de sainteté. Aussi, avant d'atteindre sa trentième année, il quitta Clairvaux pour prendre le gouvernement de l'abbaye d'Hautecombe.

Vivian, rebuté par la rudesse des habitants voisins et par l'étroitesse des terrains occupés par sa colonie, arrivé à un àge où son courage faiblissait et où le calme du cloître sous la direction de saint Bernard était l'objet de tous es vœux, se démit de ses fonctions pour se rendre à Clairvaux. Saint Bernard, comprenant les difficultés que le nouveau monastère avait à surmonter, choisit pour remplacer son ancien ami, le jeune profès Amédée, plein de vie, de doctrine et de sainteté. Ce choix, fait du con

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Henri V, né en 1081, succéda a son père Henri IV, en 1106. Par sa mort, arrivée en 1125, se termina la Maison de Franconie et la prétention des Allemands au nom de Francs ou de Français. Sismondi.

sentement de tous les religieux de Clairvaux, comblait les vœux de la communauté des rives du lac du Bourget, qui avait demandé cet abbé.

C'était en 4439: l'état de l'abbaye d'Hautecombe devait changer notablement sous l'administration d'Amédée. Il paraît qu'il voulut tout d'abord régulariser et s'assurer par titre la possession des terres occupées par les moines, et qu'à cet effet, il demanda au comte Amédée III la confirmation de cette occupation. Tel fut vraisemblablement le motif qui amena le pieux comte de Savoie à signer cette charte que l'on regarde comme la charte de fondation de l'abbaye d'Hautecombe, bien qu'elle ne fit que confirmer un état de choses préexistant.

L'original n'en a pas été conservé. Deux anciens auteurs l'ont publiée, Delbene et Guichenon; le premier la donne telle qu'il l'a lue dans les archives d'Hautecombe, sans se permettre aucune correction. Guichenon, qui écrivit l'histoire de la Maison de Savoie trois quarts de siècle plus tard, a reproduit cette charte avec quelques variantes dans le texte et en y ajoutant la date erronée de 1125, comme nous l'avons vu. Voici la traduction de la leçon de Delbene, que nous reproduisons textuellement aux Documents, no 3:

<< Moi, Amédée, comte de Savoie, avec le suffrage de mon épouse, je donne à Dieu et à la bienheureuse Marie, à Amédée, abbé d'Hautecombe, et à ses frères du même lieu, tant présents que futurs, sans aucune restriction frauduleuse, la terre allodiale que j'ai ou que j'ai le droit d'avoir, sur la rive du lac de Châtillon, comprenant prés,

1 De Origine familiæ cistercianæ et Altecombe; Chambéry, 1594. Lettre déjà citée.

Suprà, p. 33 et 34.

champs, arbres fructifères et infructifères, etc., appelée autrefois Charaïa et Exendilles et actuellement Hautecombe. Les autres possesseurs de droits sur cette terre les ont abandonnés aux frères susdits et ont signé le présent acte pour confirmer cet abandon. Si, par hasard, quelqu'un de nos héritiers ou toute autre personne venait à attaquer cette donation et tentait de la violer de quelque manière que ce soit, qu'il soit maudit. Et de même qu'Adam fut chassé du paradis pour avoir désobéi au Seigneur, qu'il soit retranché de la société des fidèles, que l'entrée du ciel lui soit fermée à jamais, que les portes de l'enfer s'ouvrent pour lui et qu'il y soit tourmenté éternellement avec le démon; et qu'ainsi cette donation reste incommutable jusqu'à la fin des siècles. »

Suivaient les nombreuses signatures des témoins et celles des seigneurs ayant des droits sur les terres cédées. Oblitérées par le temps, Delbene n'a pu lire que celles de Bernard de Chevelu, Torestan, Villelme Soffred, Arbussa et ses fils, Soffred Cibons et son épouse, Jehan Ruffus1.

Cette donation, à laquelle prirent part tous ces personnages marquants de l'époque, reçut ensuite l'approbation d'Arducius, évêque de Genève. Aucun de ces deux actes

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1 Il y avait peut-être encore celle de Nantelme Atanulfus, qui, vers cette époque, de concert avec ses fils, abandonna à l'abbaye tous ses droits sur la montagne de Charaia et d'Exendilles (Bibliothèque de l'auteur, Titres retrouvés dans le dossier d'un procès entre l'abbaye et différentes communes des Beauges); celle du comte de Genève (ibid.); celle d'un Berlion de Chambéry ou de son père Gauthier, car l'un des deux << fut présent, l'an 1144, à une confirmation que fit Amé <de Savoie de plusieurs biens à l'abbaye d'Hautecombe, qu'il avait < précédemment donnés à divers particuliers.» (LEYAT, op. cit.) Cette dernière allégation viendrait corroborer l'opinion émise précédemment que cette charte ne fit que consacrer en faveur du monastère des droits dont il était déjà en possession. L'année 1144 serait-elle la véritable date de la Charte de fondation d'Hautecombe?

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ne porte de date; mais, nous le répétons, il faut les reporter entre les années 1139 et 1144'.

Les tristes conditions de ce nouvel établissement, qui avaient abattu le courage de l'abbé Vivian, nous sont retracées dans le récit de la visite du seigneur d'Hauterive à son fils, que nous trouvons dans les annales de Citeaux. Ce vieux gentilhomme, rentré à Bonnevaux depuis le départ du jeune Amédée de la cour d'Allemagne, suivait toujours de son affection son fils doublement chéri. Joyeux de l'avoir vu choisir par saint Bernard, préférablement à tant d'autres plus expérimentés, pour gouverner une abbaye récemment fondée, il demanda et obtint l'autorisation de venir le voir à Hautecombe. A la vue de cette communauté menacée de mort avant d'avoir pu naître, obligée de vivre sur une bande de terre resserrée entre

Voir l'acte de confirmation d'Arducius aux Documents, no 4.

Le monastère d'Hautecombe se trouvait sur les confins du vaste diocèse de Genève. La limite de ce diocèse sur le sol savoisien, après avoir franchi le Rhône entre Lucey et Chanaz, suivait la crête du Mont-du-Chat jusqu'au col où passe actuellement la route de Chambéry à Yenne et où se rencontraient les trois diocèses de Belley, Grenoble et Genève. Du col, elle descendait la montagne en ligne droite, laissant le village de Bourdeau au diocèse de Grenoble, traversait le lac, venait aboutir à la base méridionale du Corsuet, côtoyait les paroisses de Saint-Sigismond et de Pugny appartenant au diocèse de Grenoble, rejoignait les montagnes d'Azi et de Nivolet, en laissant au même diocèse les paroisses de Saint-Michel des Déserts, Thoiry, Puisgros, atteignait la crête de la montagne qui ferme la vallée de l'Isère au-dessus de Saint-Jean de la Porte, puis suivait cette sommité jusqu'à la gorge de Tamié. De ce point, où se réunissaient les diocèses de Grenoble, de Tarentaise et de Genève, et où l'on voyait, à une lieue de distance, celui de Maurienne, elle rejoignait le mont Bisanne entre Ugine et Beaufort. puis le massif du Mont-Blanc, et de là aboutissait à Saint-Gingolph, en suivant la crête des Alpes qui séparent le Valais de la Haute-Savoie. (Voir le Régeste genevois.)

une apre montagne et un lac, ne pouvant communiquer avec ses frères que par eau ou en gravissant des sentiers perdus dans des bois épais, n'ayant pour voisins que des gens pillards et féroces, à cette vue, disons-nous, le religieux de Bonnevaux conseilla à son fils de quitter cette localité si détestable :

<< Votre communauté, lui dit-il, ne peut demeurer plus longtemps ici. Dès que, par un travail de tous les jours, vous avez pu faire produire quelques fruits à cette terre stérile, vous les verrez enlever par vos voisins rapaces. Retournez à Clairvaux et choisissez un autre lieu. »><

Mais l'abbé d'Hautecombe, parlant le langage qu'il avait appris à l'école de saint Bernard, lui répondit : « S'ils nous enlèvent nos biens temporels, ils ne peuvent point nous priver des biens éternels que nos travaux nous procurent; et puisque ce sont ces biens éternels que nous cherchons, nous ne trouverons aucun lieu ni aucune population plus favorables 1. »

Il resta courageusement à son poste et bientôt ses vertus et celles des religieux, formés par son exemple, attirérent au couvent les biens temporels et un grand nombre de novices, car, si l'on croit la tradition, il y aurait eu, à Hautecombe, du vivant de saint Bernard, deux cents moines. Suivant un de ses anciens biographes, le seigneur d'Hauterive, après être resté quelque temps à l'abbaye, où il était venu pour instruire son fils, s'en alla au contraire après avoir été instruit 2.

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1 Vie d'Amédée d'Hauterive, le père, par un anonyme, insérée dans les Annales de Citeaux, 1, 378.

'Amédée le père avait paru, en 1132, avec l'abbé, le prieur et quelques autres moines de Bonnevaux, à l'acte de fondation de l'abbaye de Tamié. (BESSON, Mémoires ecclésiastiques, p. 351.) L'auteur regretté de l'intéressante histoire de cette maison religieuse a confondu Amédée le père avec son fils. l'abbé d'Hautecombe.

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