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CHAPITRE IV

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Mort de saint Bernard.
Rodol-
Prospérité de l'Ordre cistercien.
phe I", abbé d'Hautecombe. - Dernières années de saint Amédée.

L'année 1453 vit partir de ce monde les deux plus illustres représentants de la catholicité à cette époque le religieux qui, de sa cellule, remuait le monde par sa parole et ses écrits; et son disciple, le pape Eugène III, qui, d'abord simple moine à Clairvaux, termina ses jours sur le trône de saint Pierre.

L'activité que saint Bernard manifesta toute sa vie paraissait un miracle continuel à ceux qui étaient admis dans son intimité. Sa santé délicate, usée par les austérités et les ardeurs de son âme, paraissait devoir défaillir chaque fois qu'une maladie clouait momentanément le saint religieux à son humble grabat, et cependant elle résistait aux fatigues des longs offices, des prédications, des fréquents Voyages qui s'opéraient alors au milieu de bien des difficultés. Elle permettait encore à ce moine, vêtu de bure, d'entretenir une correspondance avec tous les grands personnages de son siècle et de prêter son concours à toutes les œuvres tendant à la glorification de son Dieu et à la pacification des hommes. Cependant, dès le commencement de 1152, ses infirmités redoublèrent; de longs évanouissements présagèrent sa fin prochaine, et le ving

tième jour du mois d'août de l'année suivante, vers les neuf heures du matin, il rendit le dernier soupir dans sa chère retraite de Clairvaux, entouré de Gozevin, supérieur général de l'Ordre, de plusieurs autres abbés et prélats, et de l'immense foule de religieux que sa réputation avait groupés autour de lui. Il était âgé de 63 ans. Depuis quarante ans, il était consacré à Dieu, et il avait gouverné l'abbaye de Clairvaux pendant trente-huit ans.

Un biographe contemporain rapporte que, peu d'instants avant sa mort, entendant les gémissements de ses religieux, il s'écria: « Je ne sais auquel des deux il faut me rendre, ou à l'amour de mes enfants qui me pressent de rester ici-bas, ou à l'amour de mon Dieu qui m'attire en haut. » Ce furent ses dernières paroles. Elles témoignent de ce qu'il fut toute sa vie: une âme ardente vouée à Dieu, mais aimant passionnément ses frères de la terre.

On ne peut calculer le nombre de ses disciples. Combien y en eut-il qui moururent avant lui, et combien d'autres étaient, au moment de sa mort, disséminés dans les nombreux monastères de son Ordre? A Clairvaux seul, on en comptait alors sept cents; population de sept vastes monastères et qui n'offre d'exemple que dans les agglomérations monastiques des premiers siècles de l'Église. Parmi ses disciples, on en vit un devenir chef de la chrétienté, Eugène III; six, devenir cardinaux; cinq, archevêques; vingttrois, évêques; et un bien plus grand nombre refusèrent les hautes dignités auxquelles ils étaient appelés.

On comptait jusqu'à cent soixante monastères affiliés à Clairvaux. La moitié environ était l'œuvre directe de saint Bernard, qui les avait lui-même fondés ou adoptés. Le territoire de la France actuelle en possédait vingt-sept, dont

deux en Savoie Hautecombe et Aulps; l'Espagne, onze; l'Italie, onze; les Iles-Britanniques, dix; la Belgique, six; la Suisse, deux: Bonmont et Hautcrêt; l'Allemagne, la Hongrie, le Danemark et la Suède en comptaient aussi quelques-uns. Outre ces maisons, un nombre à peu près égal avait été agrégé à l'abbaye-mère de Clairvaux par les disciples de saint Bernard. Aussi l'annaliste de Citeaux les appelle les petites-filles ou arrière-petites-filles de cet illustre personnage.

Clairvaux n'était cependant qu'une branche de la grande famille cistercienne dont saint Bernard était la plus grande gloire, il est vrai, mais néanmoins un simple abbé, soumis à celui de Citeaux, supérieur général de l'Ordre. Aussi, l'Ordre tout entier comprenait-il environ cinq cents monastères disséminés dans toute l'Europe et plus tard il en compta jusqu'à quinze cents. Une multitude de couvents de femmes adoptèrent de bonne heure la règle nouvelle. L'auteur des Lys de Citeaux estime que, dans la suite, leur nombre atteignit six mille.

On le voit, l'influence de ce grand moine était immense. Chaque nation désirait avoir des religieux formés par ses soins ou au moins suivant la même règle. L'heureux résultat produit sur les mœurs publiques, dans ce siècle où la bonne foi, le culte du droit et toutes les vertus sociales n'étaient point à l'ordre du jour, n'a peut-être pas été assez apprécié. Les lettres de saint Bernard, dont plus de 450 ont été publiées, adressées au pape, à l'empereur,

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Peut-être devrait-on y ajouter Tamié, bien que cette abbaye fût une filiation de Bonnevaux, en Dauphiné. Dans tous les cas, ce monastère dépendit plus tard de Clairvaux.

1865.

Les Moines et leur influence sociale, par M. l'abbé Martin; Paris,

aux rois, aux princes, aux évêques, aux abbés, aux gentilshommes, à des moines, en un mot, à des personnes de toutes les classes, traitant les sujets les plus divers et toujours au point de vue religieux, permettent d'y étudier son époque et prouvent l'ascendant qu'il exerça. Elles forment la partie la plus intéressante de ses œuvres. Ses traités sur la Grâce et le libre Arbitre, sur la Considération et sur d'autres points de la doctrine catholique, l'ont fait proclamer docteur de l'Église 1.

Hautecombe, fille immédiate de saint Bernard, dut, plus que bien d'autres abbayes, en pleurer la perte; car, après avoir été transformée et affiliée à Clairvaux par ses soins, elle n'avait cessé d'être entourée de son affection. Nous en avons vu la preuve dans plusieurs de ses lettres et dans le choix de ses amis particuliers, pour diriger ce monastère.

Il paraît que l'abbé d'Hautecombe était alors Rodolphe, dont le nom nous a été transmis par un seul document authentique, daté de 1156, et sur lequel nous croyons devoir nous arrêter.

Les droits mal définis et enchevêtrés de l'évêque de Genève et du comte de Genevois amenèrent fréquemment des conflits, dont plusieurs furent terminés par de hauts arbitres. Guy de Faucigny, évêque de 1078 à 1120, fut très prodigue du patrimoine ecclésiastique envers les couvents et en faveur de la famille des comtes de Genevois, à laquelle l'unissait un second mariage de sa mère Tetberge. D'après Spon, il aurait donné au comte Aymon

'La collection de ses écrits a été publiée, entre autres, par Mabillon, en 2 vol. in-folio. De nos jours, il en a été imprimé des traductions françaises. Nous avons souvent consulté la récente édition de M. Victor Palmé, enrichie de notes et de pièces complémentaires.

plusieurs villages et châteaux de la mense épiscopale, entre autres, Bonmont et Hautecombe. Plusieurs autres terres avaient été violemment usurpées par les seigneurs voisins. Humbert de Grammont, ayant succédé à Guy, ne voulut point consentir à l'inféodation des biens concédés ou usurpés pendant l'épiscopat de son prédécesseur. De là, des discussions qui amenèrent une première conférence à Seyssel, ville située en dehors du comté de Genevois, mais dans le diocèse de Genève. Le comte s'y rendit, accompagné de ses principaux vassaux, et l'évêque de Genève y était assisté de l'archevêque de Vienne, son métropolitain, de saint Guérin, abbé d'Aulps, et de plusieurs autres dignitaires ecclésiastiques. Dans cette réunion, connue sous le nom d'Accord de Seyssel, furent réglés les droits respectifs de l'évêque et du comte. Celui-ci abandonna sans réserve à Humbert de Grammont tous les biens ecclésiastiques qu'il possédait.

Malgré les prescriptions claires et détaillées de cet acte important, Amédée Ier, successeur d'Aymon, tendant sans cesse à empiéter sur les droits réservés à l'Église, il fallut avoir recours à de nouveaux compromis. L'un d'eux eut lieu, en 1156, à Saint-Sigismond ou Saint-Simon'. Les archevêques de Vienne, de Lyon et de Tarentaise, ainsi que les évêques de Grenoble et de Belley, voulant rétablir la paix dans le diocèse de Genève, Étienne, archevêque de Vienne, convoqua, en présence des prélats susnommés, l'évêque de Genève et le comte de Genevois à Saint-Sigismond, près de Grésy, dit le document, paroisse située à l'extrémité du diocèse de Grenoble et confinant

'Saint-Simon, qui formait une paroisse jusqu'à la Révolution française, est aujourd'hui un hameau d'Aix-les-Bains.

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