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trop aifément, me direz-vous, ce que l'on craint vivement : & où font en effet ces preuves fi conftantes, ces juftes fondemens de l'accufation la plus odieufe, la plus injufte, fi Emilie eft toujours ce qu'elle nous a paru, l'ame la plus belle & la plus vertueufe? Quoi, de fimples délations pourront flétrir la plus pure vertu!... ô mon pere, je crois vous entendre me parler ainfi & par toutes ces réflexions j'aide tourà-tour à me flatter & à me tourmenrer moi-même. Il eft des inftans, où, rapprochant toutes les circonstances D toutes les preuves, je crois tout, & alors toutes les paffions me dévorent; jene refpire que haine, que vengeance, que fureur la rage, l'enfer eft dans mon cœur. Il en eft d'autres où plus tranquille, & je le deviens en m'entretenant avec vous, je m'accuse de trop de précipitation & d'emportement ; je me condamne; j'ai honte des tranfports qui m'agitent, des paffions qui

m'aveuglent, du délire où je fuis; je fufpends toute réfolution, & je crains autant de faire éclater des foupçons mal fondés, que j'appréhende d'être trop facile à les rejetter. Aina toujours balancé par des fentimens contraires je ne fais à quoi m'arrêter...... Ah! du moins puiffé - je être affez fage pour attendre des lumieres plus fures encore! Mais auffi, une fois convaineu,....fi Laufane, fi Emilie font coupables, ah! c'eft dans leur fang.... O mon pere! foyez touché du trifte état de votre malheureux fils. N'infultez point à fa douleur répandez fur des plaies trop vives pour un cœur fenfible, ce baume falutaire que vos Lettres y ont fait couler jufqu'ici. J'efpere que jusqu'à votre réponse j'aurai bien la force de contenir mes craintes & mes tranfports. Quoique j'aie pu vous dire dans Fivreffe de ma paffion & l'égarement de mon efprit, ne ceffez de me doner des confeils qui me deviennent plus

que jamais néceffaires; & parlez-moi toujours de cette Religion, dont les caracteres font en effet fi frappans, dont le dernier fur-tout me remplit d'étonnement, & que je commence fi vivement à admirer malgré moi, quoique fi pew difpofé encore à la fuivre.

LETTRE XLIV.

Du Marquis à fon Fils.

Mon fils, ô mon fils! que ne fuisprès de toi ! qne ta fituation présente me rend mon exil douloureux & pénible! Cher Valmont, je voudrois si bien être à portée de calmer tes craintes; & rien ne peut fufpendre les miennes. Ta Lettre me fait trembler. Ce n'eft point le défaut de réserve & de fageffe dans Emilie que je crains; c'est toi, c'est ta vivacité, ce font les difpofitions où je te vois. Cher ami, crois-en un pere qu'un long usage du monde a inftruit, & qu'aucune paffion ne transporte: crois-en un ami, tel que moi, & qui, fans risquer de fe tromper, fe fait garant de la fageffe de ton époufe. Il y a des femmes vertueuses Valmont, quoi qu'en difent le libertinage & la frivolité; & la tienne eft certainement de ce nombre. Je l'ai toujours fuivie dans fes démarches depuis fa plus

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tendre enfance; dans fes Lettres, depuis que je fuis loin de vous: l'hypocrifie n'a point cette marche conftante, uniforme, eette fimplicité noble & pure, qui font le caractére d'Emilie. Non, la fauffe vertu ne fe contrefait point ainsi. Ah! si tu favois toutes les allarmes que ta liaison avec le Baron lui a caufées dès le temps de mon départ; toutes les préventions," d'ailleurs fi bien fondées, qu'elle a toujours eues contre lui; toute la violence qu'elle s'eft faite pour le recevoir & pour t'obéir; tous les fecrets preffentimens dont elle me faifoit part, & qui ne fe vérifient que trop bien; tout ce qu'elle mettoit de circonfpection dans fes difcours & dans fa conduite; ô mon ami!tu la refpecterois autant que tu la chéris. Au nom de fa tendreffe & de fon amour pour toi, au nom de toute la mienne, modere les faillies d'une paffion trop ardente, & qui ne voit plus, qui n'entend plus que ce qui fert à multiplier & à groffir les phantômes qu'elle fe fait. N'ac→ cable point une époufe délicate & fenfi

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