faitement réconcilié avec Dieu. Or, une telle réconciliation suppose la conversion entière du cœur, le renoncement absolu au péché, ce qui n'arrive qu'aux pécheurs vraiment contrits et pénitents. « C'est par << là que l'on peut faire le discernement de ceux qui << les gagnent, d'avec ceux qui ne les gagnent pas. En « effet, on voit pendant le temps d'un jubilé, par <«< exemple, un nombre infini de chrétiens qui pour <«< avoir part à l'indulgence paraissent touchés de « contrition, en donnent des marques publiques, pra«tiquent les œuvres de la pénitence jusqu'à un cer<«<tain point, confessent leurs péchés, se frappent la « poitrine, versent même des larmes ; mais dans cette << foule et sous ces dehors spécieux y a-t-il beaucoup << de vrais pénitents? Vous le savez, mon Dieu, vous à << qui rien n'est caché, et qui pénétrez jusque dans le << fond des cœurs. Ce que je sais, c'est que vos mi« séricordes, quoique abondantes, sont, même dans « ce temps de salut, limitées et uniquement réservées << à ceux dont la contrition est sincère et solide; ce « que je sais, c'est que la fausse pénitence ne doit es« pérer de vous dans aucun temps ni gràce ni ré<< mission. Les vrais pénitents ce sont ceux qui ne se «< contentent pas de pleurer le péché, mais qui en re<< tranchent la cause, mais qui en quittent l'occasion, << mais qui en réparent les pernicieux effets, mais << qui en font cesser le scandale, mais qui en recher«< chent les remèdes, mais qui s'y assujettissent de << bonne foi. Voilà les preuves d'une contrition non << suspecte, et voilà les dispositions absolument re«quises pour l'indulgence. Or, combien peu s'ac<< quittent fidèlement, pleinement, exactement de tous «ces devoirs, et, par une suite nécessaire, combien sont trompés et se trompent eux-mêmes dans la << vaine confiance dont ils se laissent flatter d'avoir reçu le bienfait du Seigneur, et d'avoir pris pour « cela toutes les mesures convenables (1). » § II. L'intention; 2 condition. -- Pour gagner une indulgence il faut en avoir l'intention. Par conséquent celui qui sans le savoir, ou sans y avoir pensé en aucune façon, ferait une œuvre à laquelle une indulgence est attachée ne gagnerait pas cette indulgence. Pour prévenir des anxiétés de conscience, il y a ici une remarque importante à faire : c'est qu'il ne s'agit nullement de cette intention qu'on appelle actuelle. Un principe admis par tous les auteurs qui traitent de la morale chrétienne, c'est qu'on distingue deux espèces d'intentions, dont l'une se nomme actuelle et l'autre virtuelle. L'intention est actuelle lorsque la volonté, par un acte présent et réfléchi, fait une chose pour en obtenir une autre, sans perdre un instant de vue le but qu'elle se propose. L'intention est virtuelle lorsque, après s'être proposé de faire une chose pour un but déterminé, on fait cette chose sans penser actuellement au but que l'on veut atteindre. Citons un exemple de ces deux intentions. J'offre à Dieu le chapelet que je vais dire pour gagner l'indulgence, voilà une intention actuelle explicite et formelle. Le matin j'offre à Dieu, en vue de gagner des indulgences, tout ce que dans le cours de la journée je pourrai faire d'actes de piété capables de m'en procurer; je dis ensuite mon chapelet, sans me (1) Bourdaloue. rappeler ce premier dessein, voilà une intention virtuelle (1). Que les âmes timorées et scrupuleuses n'aillent pas se persuader que pour gagner l'indulgence il faille, par un effort suprême, que la pensée soit en quelque sorte rivée, immobile sur le même objet. Ni Dieu ni l'Église n'exigent un acte qui serait trop difficile à notre volage imagination. De l'aveu de tout le monde, pour assurer le gain de l'indulgence il suffit d'avoir une intention virtuelle, c'est-à-dire cette intention qui n'ayant pas été révoquée persévère, bien que par distraction on ne pense pas actuellement au motif qui fait agir. Vous désirez gagner une indulgence plénière attachée à telle fête : vous vous confessez et vous priez dans cette intention; puis, quand le moment de la communion est venu, vous allez à la sainte table sans vous souvenir de l'indulgence: vous pouvez être sans inquiétude, vous avez gagné l'indulgence. Cependant il ne suffit pas d'avoir l'intention de faire ce qui est commandé, il faut encore que cette intention soit pure, sainte, avouable. Donc il n'y aurait point d'indulgence acquise si dans l'accomplissement des œuvres commandées il se glissait une intention assez répréhensible pour les vicier substantiellement, c'est-à-dire pour faire qu'une action bonne en ellemême devienne mauvaise par les circonstances. Supposons qu'il s'agisse d'une aumône à laquelle une indulgence est attachée. L'indulgence est bien la cause occasionnelle de mon aumône; mais ce qui occupe exclusivement mon esprit et mon cœur, c'est un sentiment d'ostentation, de vaine gloire, c'est la pensée flatteuse que je vais passer pour un homme généreux, chari(1) Collet, Traité des Indul. table. Évidemment je n'ai pas gagné l'indulgence. Pourquoi? Parce que je n'ai pas fait ce qui était prescrit. Le souverain pontife demandait une œuvre de charité, et j'ai commis un acte de vanité, c'est-à-dire une action coupable! Or, il serait absurde de supposer que Dieu en vertu d'un nouveau péché va remettre les peines dues à des péchés antérieurs (1). Toutefois, gardons-nous de rien exagérer et de nous alarmer sans motif. Tout n'est pas perdu pour le mérite de l'action prescrite, et partant pour le gain de l'indulgence, parce que dans l'accomplissement des œuvres désignées il se sera glissé imperceptiblement, et presqu'à notre insu, une intention qui n'a pas toute la pureté désirable, ou toute autre circonstance défectueuse. S'il en était ainsi, où en serions-nous? Nul homme sur la terre, quelque juste qu'on le supposât, ne ferait jamais une action méritoire ! car quel est celui qui peut surmonter entièrement la fragilité humaine? << L'ennui, l'impatience, les distractions tant soit peu « volontaires, la sensualité dans les repas nécessaires « pour réparer les forces du corps, un petit senti<<ment de vaine gloire, je ne sais quelle secrète com plaisance dans le bien que l'on fait devant les autres, << toutes ces misères, contre lesquelles on ne veille pas << assez, gâteraient donc nos actions les plus saintes et « leur enleveraient tout ce qu'elles ont de bon ! A ce « compte il faudrait dire, non au sens de J.-C., mais « au sens des hérétiques, que nous sommes des servi«teurs inutiles, et que nos meilleures actions ne mé«ritent que des châtiments; ce qui serait renouveler l'impiété de Calvin (2). » (1) Collet, Monseigneur Bouvier, etc: (2) Collet, Traité des Indul. Lorsqu'on s'examine sous les yeux de Dieu, souvent on vient à découvrir ceci : une action avait été commencée avec l'intention la plus droite; mais pendant qu'elle s'accomplit arrive furtivement le désir de la gloire humaine, qui se joint à la première intention et marche de front avec elle, si même il ne finit point par la remplacer et dominer seul. « Certaine<«<<ment, dit saint Grégoire, si Dieu nous jugeait à << la rigueur dans toutes ces circonstances, quel es<< poir resterait-il sur la possibilité du salut? puis<< que nos actions criminelles sont mauvaises de tout « point, et que nos bonnes œuvres sont défectueuses << à tant d'égards (1). » Mais Dieu prend en pitié l'humaine faiblesse, parce qu'il est miséricordieux et qu'il aime l'ouvrage de ses mains. Il n'en résulte pas moins qu'il est de la dernière importance de dresser avec soin son intention, de la bien purifier, parce que les indulgences produisent plus ou moins de fruits, selon les dispositions et les intentions plus ou moins droites de ceux qui les gagnent. § III. Accomplissement exact des œuvres prescrites ; 3e condition. Commençons par un principe fondamental: << C'est qu'il faut s'en tenir exactement à l'acte « de concession; car dans cette matière tout dépend « de la volonté de celui qui accorde (2) ». Aucune raison, aucun prétexte, aucune excuse ne peuvent nous décharger de l'obligation de nous soumettre à ce qui a été ordonné. L'accomplissement entier des œuvres prescrites est tellement de rigueur, que l'omission involontaire, l'impuissance même de (1) Saint Grégoire, Moral., liv. I. (2) Monseigneur Bouvier, Traité des Indul. |