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CHAPITRE VI.

Du jubilé extraordinaire.

Tout jubilé autre que celui qui s'accorde tout les vingt-cinq ans, et que l'on nomme jubilé de l'année sainte ou le grand jubilé, est un jubilé extraordinaire.

Les souverains pontifes accordent de ces sortes de jubilés à tous les fidèles pour des causes générales, et, dans de pressants besoins, à de certaines contrées pour des causes qui leur sont particulières.

§ I. Quelques exemples de jubilés extraordinaires. -L'histoire de l'Église rapporte plusieurs exemples de ces jubilés extraordinaires. Léon X est le premier pape qui ait accordé une indulgence de cette nature, en 1518. Il fit cette concession en faveur de la Pologne, afin d'exciter les Polonais à se liguer contre les Turcs.

Pie IV publia un jubilé extraordinaire en 1560, pour l'heureuse continuation du concile de Trente, qui venait de reprendre le cours de ses sessions, interrompu depuis huit ans.

Saint Pie V, vers l'an 1571, donna aussi un jubilé pour implorer le secours de Dieu contre les Turcs, qui semblaient être sur le point d'asservir l'Europe, et qui, avec deux cent soixante vaisseaux, venaient de faire trembler Malte, le rempart de l'Italie.

Paul V en 1617 et Urbain VIII en 1629 publièrent chacun un jubilé universel pour obtenir la cessation des maux dont l'Église était affligée. Ce dernier prorogea le même jubilé l'année suivante, pour remercier Dieu d'avoir fait cesser une partie des fléaux dont on avait demandé à être délivré.

Clément XI eut deux fois recours à ce puissant moyen de fléchir le ciel : la première fois, lorsqu'il accorda en 1706 un jubilé extraordinaire qui regardait spécialement la France, et avait pour fin d'obtenir la paix entre les princes chrétiens; la seconde fois, en 1715, lorsqu'il publia un autre jubilé pour faire échouer, par la protection divine, les projets des Turcs, dont les armements formidables inquiétaient justement la république de Venise. « On sait que Dieu eut << égard aux prières de son peuple, et que, l'empereur « s'étant ligué avec les Vénitiens, l'armée ottomane « fut défaite l'année suivante à Péterwaradin, et que « Témeswar, la dernière place que les infidèles pos<< sédassent dans la Hongrie, revint à ses anciens <<< maîtres (1). »

Le 9 avril 1802 le cardinal Caprara, légat a latere, publia, au nom de Pie VII, une indulgence plénière en forme de jubilé, pour remercier Dieu du rétablissement de la religion catholique en France. On avait trente jours pour gagner cette indulgence. Les peuples qui venaient d'échapper à la tourmente révolutionnaire, pendant laquelle ils avaient été sans culte, sans autel, sans pasteur, sentaient le besoin de se réconcilier avec Dieu et de lui rendre grâce. Aussi les vit-on de toutes parts se hâter de mettre ordre à leur conscience afin de profiter de l'indulgence qui leur était offerte. Cet empressement plein de foi fut pour les nouveaux pasteurs le sujet d'une grande consolation. Ils furent amplement dédommagés de toutes leurs fatigues par le succès inouï dont leur zèle fut partout couronné.

§ II. Jubilés des papes à leur exaltation. - Sixte

(1) Collet.

Quint, à qui l'État ecclésiastique dut sa sûreté, « Rome « une partie de sa magnificence, la religion des mo<<numents dignes d'elle et dignes de ce pontife, fut le

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premier qui accorda un jubilé à son avénement au

pontificat (1) ». Il fut publié à Rome le 25 mai 1585. On avait quinze jours pour le gagner. Le pape en donnant ce jubilé se proposait d'obtenir du ciel la force de porter dignement le fardeau redoutable du gouvernement de toutes les Églises et les lumières nécessaires pour bien conduire « les agneaux et les « brebis, les petits et les mères (2) ».

Sixte-Quint a été imité par la plupart de ses successeurs; car presque tous ont accordé à leur avénement sur la chaire de saint Pierre un jubilé extraordinaire et universel, afin d'attirer les bénédictions du ciel sur leur administration.

Pie VI, ayant été élu au commencement de 1775, se contenta de publier le jubilé séculaire. Pie VII et Léon XII ne donnèrent pas non plus de jubilé particulier à leur avénement. Le premier en fut empêché par les guerres, qui, promenant leurs ravages dans toute l'Europe, ne permirent pas même de célébrer le jubilé séculaire de 1800; le second parce qu'au moment de son exaltation on touchait presqu'à l'année sainte.

Mais Pie VIII, Grégoire XVI et Pie IX, se trouvant dans des circonstances plus favorables, ouvrirent les trésors de l'Église, à l'occasion de leur avénement, comme l'avaient fait leurs prédécesseurs lorsqu'ils ne rencontrèrent point d'obstacle.

(1) Collet.
(2) Bossuet.

CHAPITRE VII.

Conditions à remplir pour gagner le jubilé.

Les grâces du jubilé se répandent sur les fidèles par l'intermédiaire des évèques; ce sont eux qui le publient dans leurs diocèses. Le pape accorde le jubilé et prescrit ordinairement les œuvres à faire; puis les évêques déterminent la manière de les accomplir. Donc pour gagner le jubilé il faut remplir exactement les conditions prescrites par le pape; car au fidèle accomplissement des œuvres ordonnées est attachée l'indulgence. De plus, on doit se conformer aux mesures arrêtées par les évêques, et même ces mesures deviennent des conditions essentielles lorsque le saintsiége laisse aux évêques le soin de régler ce qu'il faudra faire pour gagner le jubilé.

A cette observation générale il est nécessaire d'ajouter quelques considérations pratiques :

1° D'après ce que l'on vient de dire, la règle à suivre pour recueillir la grâce du jubilé est fort simple: accomplir exactement et à la lettre tout ce qui est ordonné.

Cette règle ne diffère en rien de celle tracée pour gagner les autres indulgences (1). C'est que dans les deux cas tout dépend de la volonté libre de l'autorité qui accorde les grâces. A elle, par conséquent, appartient de déterminer les conditions qu'elle met à ses faveurs, le temps et la manière de les remplir.

2o Or, c'est dans les bulles qui promulguent le jubilé que se trouvent indiquées la volonté du supérieur et les conditions qu'il impose pour participer à cette indulgence. L'essentiel est donc d'entrer dans le vrai (1) Voir première partie, p. 118.

sens de la bulle. Pour arriver là les fidèles ont une voie courte et sûre, c'est de s'en tenir à l'interprétation de leurs évêques, qui dans un mandement pour la publication du jubilé expliquent les bonnes œuvres que demande le souverain pontife.

3o Les œuvres exigées doivent être faites dans des sentiments de piété et de religion qui les rendent dignes de Dieu, à qui elles sont offertes. Donc l'esprit de pénitence et de componction doit animer toutes ces œuvres, puisque, par une espèce de compensation, elles nous doivent tenir lieu d'une plus ample et plus sévère pénitence.

Nous apporterons donc dans l'exécution de ce qui est ordonné recueillement et ferveur.

Recueillement. Nous ne devons pas nous contenter de l'extérieur de la dévotion, du matériel des œuvres un esprit intérieur de piété doit animer, sanctifier tout cela. Le cœur doit prier, et non pas seulement les lèvres. Ce qui paraît au dehors suffit pour satisfaire l'homme; mais Dieu, qui sonde les reins et les cœurs, .s'enquiert de ce qui se passe au dedans de l'âme.

Ferveur. Dieu déteste ceux qui font son œuvre négligemment; soyons donc fervents, disait l'apòtre, puisque nous servons le Seigneur. C'est cette ferveur qui donne du prix aux œuvres du jubilé. « Ces œuvres, <«< dit un ancien auteur, sont comme des satisfactions « abrégées; il faut, pour ainsi dire, récompenser par la « piété et la ferveur la durée et la sévérité de la péni<< tence que nos péchés auraient méritée dans le cours << ordinaire de la justice de Dieu. »

4° Il faut qu'elles s'accomplissent toutes dans le temps marqué. Ainsi à Rome on a un an pour a complir les œuvres du grand jubilé ; l'année suivante,

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