temporelle plus ou moins longue, selon la grièveté, le nombre de leurs péchés et les dispositions de leur âme. Cette vérité est attestée par saint Augustin et saint Grégoire le Grand : « Non, mon Dieu, disait le pre«<mier, jamais vous ne laissez les péchés impunis, « mème ceux que vous pardonnez!... » « Ne croyez << pas, ajoutait le second, que Dieu flatte le péché ou le pécheur. Non! aucun péché n'est remis sans satisfac«tion. » Cette peine, ils doivent la subir pendant le pèlerinage de la vie présente ou dans le lieu d'expiation de la vie future; ils ne peuvent échapper à cette alternative, car c'est une dette imprescriptible. S'ils ne payent point par les satisfactions de cette vie, ils payeront par les expiations de la vie à venir; mais pour la justice divine, elle ne se relâchera en rien de ses droits. C'est à ce surplus, à ce reliquat de nos dettes, si l'on peut s'exprimer ainsi, que s'applique le bienfait des indulgences. C'est uniquement pour combler ce déficit qu'elles existent : c'est là leur raison d'être. Supposez un instant que la peine soit toujours remise avec la coulpe, de ce moment l'indulgence reste sans fondement, sans application, sans but. C'est une superfétation, et contrairement à la décision de l'Église, les indulgences sont inutiles aux fidèles. Mais il n'en est pas ainsi. De son autorité infaillible, le concile de Trente a déclaré « qu'il est entièrement « faux, et contraire à la parole de Dieu, que le Sei« gneur ne remet jamais le péché sans faire grace éga<«<lement de toute la peine; car on trouve dans les « saintes lettres d'illustres et éclatants exemples qui, « sans parler de la divine tradition, réfutent manifes«tement cette erreur (1). » (1) Concile de Trente, sess. 14, ch. vi. C'est donc parce que telle a toujours été la conduite de Dieu dans l'œuvre de la justification des pécheurs, que l'usage des indulgences a de tout temps existé dans l'Église. Et certes il suffit de connaître la fragilité humaine et l'inflexible sévérité de la justice divine, pour que le besoin de ces saintes largesses se fasse impérieusement sentir. En effet, qui pourra compter la multitude des péchés accumulés pendant de nombreuses années de désordre, ou seulement d'une vie en désaccord avec l'esprit de l'Évangile? Que d'actes coupables, de grâces négligées, de temps perdu! En un mot, que de fautes de pensées, de désirs, d'actions, d'omissions! Il est vrai de dire avec le psalmiste que le nombre de nos péchés surpasse celui des cheveux de notre tête (1). Dieu nous a pardonné, direz-vous. Sans doute; mais chaque péché pardonné laisse une certaine quantité de peine temporelle à expier. Calculez ce que ces quantités partielles peuvent faire en total! Donc chaque jour la dette s'accroît, le déficit augmente. I augmente d'autant plus, que nos satisfactions sont presque nulles ou de nulle valeur. Voilà pourquoi l'Église accorde si largement des indulgences. Elle nous ouvre un crédit, à nous débiteurs insolvables, afin que nous puissions faire honneur aux engagements que nous avons contractés avec la justice divine. C'est-à-dire que l'indulgence est établie pour remettre totalement ou en partie la peine temporelle << qui est due à nos péchés, et dont l'exacte « mesure ne pourrait sans cela être remplie par nos « satisfactions (2). » C'est donc avec une grande raison que le concile de Trente a défini « que l'usage des in (1) Ps. 39. (2) Bourdaloue. a dulgences est très-salutaire au peuple chrétien, et qu'il doit être conservé dans l'Église. » CHAPITRE VII. Le purgatoire. § I. Son existence est un article de notre foi. — Jamais on ne peut invoquer le bénéfice de la prescription contre les droits de la justice divine. Une peine temporelle reste après que le péché a été pardonné; de quelque manière que ce soit, il faut que cette peine s'expie. Si le pécheur réconcilié manque de temps ou de courage pour subir sa peine sur la terre, qu'il ne pense pas échapper, au moins par la mort, à la nécessité de payer sa dette. Non! la justice divine est là qui l'attend au sortir de la vie. Elle le saisit aussitôt, et le précipite au milieu des flammes expiatrices du purgatoire. Il ne sortira pas de cette prison de feu qu'il n'ait payé jusqu'à la dernière obole! Il y a donc un purgatoire, c'est-à-dire un lieu dans lequel les âmes des justes qui ont quitté la vie, sans avoir suffisamment satisfait à la justice divine pour leurs fautes pardonnées, achèvent de les expier avant d'être admises à jouir du bonheur éternel. Pour un chrétien fidèle et croyant, l'existence du purgatoire n'est pas une question à discuter, c'est un dogme à croire. Enfants de l'Église, écoutez donc la voix de votre mère, cette voix toujours si douce à vos cœurs. Voici ce qu'elle vous enseigne touchant le purgatoire : « Si quelqu'un dit qu'en recevant la « grâce de la justification la coulpe est si parfaitement « effacée à tout pécheur repentant et la peine éter « nelle si complétement remise, qu'il ne reste aucune << peine temporelle à expier en ce monde, ou dans le << monde futur, en purgatoire, avant que l'entrée « dans le royaume des cieux puisse lui être ouverte, « qu'il soit anathème (1). » Deux vérités ressortent de cette décision doctrinale. Première vérité: après la rémission de la coulpe du péché et de la peine éternelle, il reste encore une peine temporelle à subir. Seconde vérité: Si l'on n'y satisfait pas dans cette vie, il faut y satisfaire dans la vie future, en purgatoire. - Dans un décret sur le purgatoire, placé en tête de la 25 session, le même concile rappelle sommairement << que l'Église catholique instruite par l'esprit « saint, par les saintes lettres et l'antique tradition « des Pères, a toujours enseigné dans les conciles, et << tout récemment dans le présent concile œcuménique, << qu'il y a un purgatoire, et que les âmes qui s'y << trouvent détenues sont soulagées par les suffrages « des fidèles, mais surtout par le sacrifice propitia<< toire de l'autel. » C'est tout ce que le concile nous propose de croire touchant le purgatoire. Quant aux questions qu'on peut soulever relativement au lieu où est relégué le purgatoire, à la nature, à la durée, à la rigueur des tourments qu'on y endure, et autres choses semblables, rien n'a été décidé par l'Église : chacun peut avoir son opinion à cet égard. Seulement le concile demande une grande retenue sur toutes ces questions subtiles, ardues et stériles pour la piété. Autrement on court risque de propager ce qui est incertain et présente une apparence de fausseté. (1) Conc. de Trente, sess. 6, can. 30. § II. Rigueurs des peines qu'on y endure. — Quoique l'Église n'ait pas voulu se prononcer sur la rigueur et le genre des peines que les âmes souffrent dans ce lieu de purification, cependant il est certain que les Pères en parlent communément comme d'un feu qui dévore les victimes soumises à son action! Mais ce qu'il y a d'indubitable, c'est que les âmes retenues en purgatoire sont privées pour un temps de la vision intuitive, c'est-à-dire de la vue béatifique de Dieu. En outre, à s'en tenir à la doctrine des anciens Pères, tout porte à croire que ces âmes souffrent dans leurs facultés des tortures dont rien n'approche sur la terre, et dont rien par conséquent ne peut nous donner une idée! Cependant, soit paresse, soit immortification, les chrétiens ne montrent aucun empressement à satisfaire aux peines temporelles pendant la vie, laissant à Dieu le soin de les leur faire subir après la mort. Ah! fidèles, que vous changeriez de pensées et de langage si vous compreniez avec quelle rigueur la justice divine sévit contre les pécheurs qui sortent de ce monde sans avoir entièrement satisfait pour leurs péchés. La pensée qui tranquillise souvent les chrétiens, même ceux qui ont une foi éclairée, c'est que dans le purgatoire le salut n'est pas en péril. On sera sauvé, dit l'apôtre, comme en passant par le feu. On s'arrête à l'idée consolante d'être sauvé : on oublie ce mot terrible de feu! Parce que le feu qui brûle en purgatoire ne brûlera pas toujours, il semble qu'il ne soit pas à redouter. Ah, funeste erreur! « Ce feu, << bien que passager, est cependant dévorant à ou<< trance; car il surpasse tout ce que l'homme a jamais << souffert et tout ce qu'il peut souffrir en cette vie (1). » (1) Saint Augustin. |