« divisèrent plus tôt. Mais à Rome le pape saint Gré« goire témoigne que jusqu'à son temps on ne tou« chait pas aux reliques des saints; on se contentait « d'envoyer des linges qui avaient été mis en contact «< avec leur sépulcre. Chaque peuple était jaloux de «< conserver ses reliques, comme des gages de la pro<< tection des saints et d'une bénédiction particulière << de Dieu sur la ville et sur la province (1). » § II. Pèlerinages les plus anciens et les plus célèbres. Lorsque la paix et la liberté eurent été rendues à l'Église, le concours des peuples aux lieux où reposaient les corps des martyrs et des saints augmenta encore : car chacun pouvait alors donner un libre essor à sa piété. De tous ces lieux de pèlerinage le premier par l'antiquité et la vénération des fidèles a toujours été, et à juste titre, le pèlerinage de Jérusalem. 1o Pèlerinage de Jérusalem. Dès la naissance de l'Église les chrétiens se montrèrent désireux de visiter les lieux qui avaient été les témoins de la vie et de la mort du Sauveur du monde. Au commencement du troisième siècle le pèlerinage de Jérusalem était déjà très-fréquenté, et l'on y venait de fort loin. Quand saint Alexandre, sur un avertissement du ciel, fut fait coadjuteur de saint Narcisse, évêque de Jérusalem, il était venu de Cappadoce visiter les saints lieux, conformément à l'ordre qu'il en avait reçu d'en haut dans une révélation. Mais ce fut surtout après que la liberté eut été accordée à la religion chrétienne et que « sainte Hélène «<eut mis tous ses soins à honorer les saints lieux de « Jérusalem et de toute la Terre Sainte, que les pèle(1) Mœurs des Chrétiens. << rinages y furent depuis encore plus fréquents qu'au« paravant. Lorsqu'une croix de lumière parut en « plein midi à Jérusalem, sous l'empereur Constan<«< tin, il y avait une infinité de pèlerins de tous les << pays du monde qui furent témoins de ce miracle. « Saint Jérôme, témoin oculaire, assure qu'en tout << temps on voyait un grand concours de toutes les « nations, même des docteurs et des évêques (1). » Cet empressement des fidèles à se rendre au saint sépulcre du Sauveur s'explique de lui-même quand on pense à la piété et à la ferveur de ces anciens temps. Quelle impression ne devait pas faire sur des hommes à croyance forte et naïve la vue de ces lieux où le Verbe fait chair avait vécu, prêché, fait des miracles? Ils se convainquaient par leurs propres yeux de la vérité des récits évangéliques. Quelles émotions tendres ils éprouvaient, en examinant chaque endroit signalé par quelque action de Jésus! Avec quelle foi, quel religieux respect ils baisaient cette terre bénie qu'avaient foulée les pas de l'homme-Dieu! Il leur semblait que les échos de Jérusalem et des alentours devaient redire encore les accents du Fils de Jéhovah! Les récits qu'ils faisaient, à leur retour, de ce qu'ils avaient vu et ressenti enflammaient ceux qui les entendaient du désir de faire ce voyage. Leur piété n'enviait pas d'autre bonheur sur la terre que de voir les lieux saints. Après leurs désirs satisfaits, ils se seraient volontiers écrié comme le saint vieillard : C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez partir en paix votre serviteur, puisque mes yeux ont vu le salut de Dieu. Les natures les plus indomptables ne pouvaient se (1) Mœurs des Chrétiens. 1. défendre de ces émotions: témoin les croisés, ces rudes guerriers qui, sous la conduite de Godefroy de Bouillon, brisèrent les fers de Jérusalem. A peine furent-ils maîtres de la ville, « qu'ils quittèrent leurs armes et << leurs habits pleins de sang, et marchèrent nu-pieds, << en gémissant et répandant des larmes pour visiter «<les saints lieux, particulièrement l'église du Saint« Sépulcre.... « C'était un spectacle merveilleux de voir avec << quelle dévotion les croisés visitaient et baisaient les « vestiges des souffrances du Sauveur. Ce n'étaient que « larmes et cris de joie; ce n'étaient qu'actions de «graces de voir leur pèlerinage si heureusement ac«< compli et goûter le fruit de leurs travaux; les plus << spirituels se représentaient la félicité de la Jérusalem « céleste par le plaisir qu'ils ressentaient de voir la « terrestre. Les uns confessaient leurs péchés avec << vœu de n'y plus retomber; les autres répandaient de << grandes libéralités sur les pauvres vieux et infirmes, << s'estimant trop riches d'avoir vu cet heureux jour; <<< d'autres visitaient les lieux saints à genoux nus; «< chacun s'efforçait de renchérir sur la piété des « autres (1). » Ce fut ce respect, cet amour, cet enthousiasme pour le saint-sépulcre qui enfantèrent les croisades. La bouillante valeur de nos pères, stimulée encore par leur foi, ne pouvait supporter la pensée de savoir les lieux saints au pouvoir des infidèles. Leurs idées religieuses étaient vivement froissées au récit des profanations de ces lieux vénérés et des outrages dont les pèlerins étaient abreuvés; mais surtout leur fier courage s'en indignait. Enfin, n'y tenant plus, (1) Hist. Eccl.· l'Occident se leva pour se ruer sur l'Orient! La conséquence de ce choc terrible fut la délivrance de Jérusalem, au moins pour un temps. Les sensations émouvantes que la vue des lieux saints de la Palestine faisait éprouver à ces anciens chrétiens ne se sont pas affaiblies avec les siècles, tant sont profondes, indélébiles, les traces que le passage de l'homme-Dieu a laissées sur cette terre des miracles. Les pèlerins modernes en parcourant ces plages désolées éprouvent encore tout ce qu'éprouvèrent leurs devanciers. Écoutez plutôt l'immortel auteur du Génie du Christianisme : « Je conçois maintenant ce que les <<< historiens et les voyageurs rapportent de la surprise « des croisés et des pèlerins à la première vue de « Jérusalem », « O bon Jésus! s'écrie un de ces his«toriens, dès que nos armées aperçurent les murs de « cette terrestre Jérusalem, quels torrents de larmes « s'écoulèrent de leurs yeux! Mais bientôt, se pros<«<ternant à terre, ils saluèrent votre saint sépulcre « par leurs acclamations et l'attitude de leurs corps <«< inclinés. Et vous, qui avez été couché dans ce «< sépulcre, ils vous adorèrent comme assis à la droite « de votre Père et comme devant venir juger tous les « hommes (1). » Pour moi, continue Châteaubriand, je <«<< restai les yeux sur Jérusalem, mesurant la hauteur « de ses murs, recevant à la fois tous les souvenirs de « l'histoire depuis Abraham jusqu'à Godefroy de << Bouillon, pensant au monde entier changé par la <«< mission du Fils de l'homme, et cherchant vainement a ce temple dont il ne reste pas pierre sur pierre. « Quand je vivrais mille ans, jamais je n'oublierai (1) Ce passage du moine Robert est cité par Châteaubriand, mais seulement en marge et dans le texte latin. « ce désert, qui semble respirer encore la grandeur << de Jéhovah et les épouvantements de la mort. » - 2o Pèlerinage de Rome. Le pèlerinage de Rome aux tombeaux des martyrs, et surtout des apòtres saint Pierre et saint Paul, n'est ni moins ancien ni moins célèbre. L'empereur Julien l'apostat avoue qu'avant la mort de saint Jean les tombeaux de ces apôtres étaient déjà très-fréquentés. Ce concours ne fit que s'accroître dans la suite : de toutes parts les peuples accouraient en foule. Les plus grands saints, les évêques les plus illustres, les docteurs les plus en renom, ne formaient qu'un vœu, aller à Rome vénérer les restes augustes du prince des apôtres. Au souvenir des tombeaux de Pierre et de Paul, l'éloquent patriarche de Constantinople entrait dans un saint transport, et, ne pouvant maîtriser les tressaillements de son cœur, il faisait éclater l'enthousiasme et l'ardeur de ses désirs par ces magnifiques paroles: « Qui me donnera de coller mes lèvres sur « le marbre qui renferme les corps de Pierre et de « Paul? J'aime Rome, j'admire cette glorieuse cité, « non pour son or, pour ses colonnes fastueuses et << tout le luxe qui l'embellit, mais parce qu'elle pos« sède les deux colonnes de l'Église. Je pourrais exal« ter la vaste étendue de son enceinte, la beauté de <«< ses édifices, la multitude de ses habitants, sa puis<<< sance, ses richesses, ses hauts faits dans la guerre. << Mais non; je dédaigne ces avantages vulgaires. « Si donc je proclame Rome la reine des cités, ce <<< n'est point pour toutes ces choses, mais parce << que c'est dans ses murs que les deux plus grands << apôtres ont fini leur vie. De même qu'une personne « d'une beauté accomplie, Rome a deux yeux brillants |