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CHAPITRE III.

DES SOLDATS ET DE LA GUERRE.

La profession militaire était en grand honneur dans l'Égypte '. Après les familles sacerdotales, celles qu'on estimait les plus illustres étaient, comme parmi nous, les familles destinées aux armes. On ne se contentait pas de les honorer, on les récompensait libéralement. Les soldats avaient douze aroures, exemptes de tout tribut et de toute imposition. L'aroure était une portion de terre labourable, qui répondait à peu près à la moitié d'un de nos arpents. Outre ce privilége, on fournissait par jour à chacun d'eux 3 cinq livres de pain, deux livres de viande, et une pinte de vin 4. C'était de quoi nourrir une partie de leur famille. Par-là on les rendait plus affectionnés et plus courageux; et l'on trouvait, remarque Diodore 5, que c'eût été manquer contre les règles, non-seulement de la saine politique, mais du bon sens, que de confier la défense et la sûreté de l'État à des gens qui n'auraient eu aucun intérêt à sa conservation.

Quatre cent mille soldats 6, que l'Égypte entretenait continuellement, étaient ceux de ces citoyens qu'elle exerçait avec le plus de soin. On les préparait aux fatigues de la guerre par une éducation mâle et robuste. Il y a un art de former les corps aussi bien que les esprits. Cet art, que notre nonchalance nous a fait perdre, était bien connu des anciens, et l'Égypte l'avait trouvé. La course à pied, la course à cheval, la course dans les chariots, se faisaient en Égypte avec une adresse admirable; et il n'y avait point dans tout l'univers de

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meilleurs hommes de cheval que les Égyptiens. L'Écriture1 vante en plusieurs endroits leur cavalerie.

Les lois de la milice se conservaient aisément parmi eux, parce que les pères les apprenaient à leurs enfants; car la profession de la guerre passait de père en fils comme les autres. On attachait seulement une note d'infamie à ceux qui prenaient la fuite dans le combat 3, ou qui faisaient paraître de la lâcheté, parce qu'on aimait mieux les retenir par un motif d'honneur que par la crainte du châtiment.

Je ne veux pas dire pourtant que l'Égypte ait été guerrière 4. On a beau avoir des troupes réglées et entretenues, on a beau les exercer à l'ombre dans les travaux militaires et parmi les images des combats, il n'y a jamais que la guerre et les combats effectifs qui fassent des hommes guerriers. L'Égypte aimait la paix parce qu'elle aimait la justice, et n'avait de soldats que pour sa défense. Contente de son pays, où tout abondait, elle ne songeait point à faire des conquêtes. Elle s'étendait d'une autre sorte, en envoyant ses colonies par toute la terre, et avec elles la politesse et les lois. Elle régnait par la sagesse de ses conseils et par la supériorité de ses connaissances; et cet empire d'esprit lui parut plus noble et plus glorieux que celui qu'on établit par les armes. Elle a cependant formé d'illustres conquérants; et nous en parlerons dans la suite, quand nous traiterons de l'histoire de ses rois.

CHAPITRE IV.

DE CE QUI REGARDE LES SCIENCES ET LES ARTS.

Les Égyptiens avaient l'esprit inventif; mais ils le tournaient aux choses utiles. Leurs Mercures ont rempli l'Egypte d'in

Cant. I, 8, Isai. 36, 9. 2 [Herod. 2, § 166.]

3 Diod. p. 70.

4 Elle l'a certainement été à diverses époques, depuis les plus anciens temps; ce que prouve, outre l'histoire, la mul

titude de scènes guerrières et triomphales sculptées sur les monuments de Thèbes et de la Nubie, principalement ceux qui appartiennent aux rois de la 18e dynastie, les Amosis, les Thouthmosis, les Ramessés et les Menephtha.-L.,

ventions merveilleuses, et ne lui avaient presque rien laissé ignorer de ce qui pouvait contribuer à perfectionner l'esprit et à rendre la vie commode et heureuse. Les inventeurs de choses utiles recevaient, et de leur vivant, et après leur mort, de dignes récompenses de leurs travaux. C'est ce qui a consacré les livres de leurs deux Mercures, et les a fait regarder comme des livres divins. Le premier de tous les peuples où l'on voit des bibliothèques est celui d'Égypte. Le titre qu'on leur donnait inspirait l'envie d'y entrer et d'en pénétrer les secrets : on les appelait le trésor des remèdes de l'âme 1. Elle s'y guérissait de l'ignorance, la plus dangereuse de ses maladies et la source de toutes les autres.

Comme leur pays était uni, et leur ciel toujours pur et sans nuages, ils ont été des premiers à observer le cours des astres. Ces observations les ont conduits à régler le cours de l'année sur celui du soleil ; car chez eux, comme le remarque Diodore, dans les temps les plus reculés, l'année était composée de trois cent soixante-cinq jours et six heures.

Pour reconnaître leurs terres, couvertes tous les ans par le débordement du Nil, les Égyptiens ont été obligés de recourir à l'arpentage, qui leur a bientôt appris la géométrie 3. Ils

· Ψυχῆς ἰατρεῖον.

? On ne sera pas surpris que les Égyptiens, les plus anciens observateurs du monde, soient parvenus à cette connaissance, si l'on fait réflexion que l'année lunaire, dont se servaient les Grecs et les Romains, tout incommode et tout informe qu'elle paraît, supposait néanmoins la connaissance de l'année solaire, telle que Diodore de Sicile l'attribue aux Égyptiens. On verra du premier coup d'œil, en calculant leurs intercalations, que ceux qui avaient été les auteurs de cette forme d'année avaient su qu'aux 365 jours il fallait ajouter quelques heures pour se retrouver avec le soleil. Ils se trompaient seulement en ce qu'ils croyaient que c'était 6 heures juste, au lieu qu'il s'en faut de près de onze minutes.

On doit observer que les Égyptiens, dans l'usage ordinaire, ne se servaient que de l'année vague de 365 jours: elle était trop courte de 6 heures (d'après la

durée qu'ils supposaient à l'année). Le commencement de l'année rétrogradait donc tous les ans de 6 heures, ou '/4 de jour, et après une période de quatre fois 365 ans, ou de 1461 années vagues, qui ne faisaient que 1460 années juliennes de 365 jours 6 heures, l'année recommen çait à peu près au même point; c'est ce qu'on appelle la période caniculaire. L'usage de cette année vague subsista en Égypte bien longtemps après l'introduction de l'année julienne dans l'usage civil,

Il paraît certain, quoi qu'on en ait dit, que les prêtres de Thèbes et d'Héliopo. lis connaissaient et pratiquaient, avant l'arrivée des Romains, l'année bissextile de 365 jours 6 heures, avec l'intercalation d'un jour tous les quatre ans ; il l'est également que Jules César en fit l'année commune chez les Alexandrins. Cette

année commençait le 1er Thot, qui répond

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étaient grands observateurs de la nature, qui, dans un pays si serein, et sous un soleil si ardent, était forte et féconde. C'est aussi ce qui leur a fait inventer ou perfectionner la médecine.

On n'abandonnait point au caprice des médecins la manière de traiter les malades: ils avaient des règles fixes, qu'ils étaient obligés de suivre; et ces règles étaient les observations anciennes des habiles maîtres, qui étaient consignées dans les livres sacrés. En les suivant, ils ne répondaient point du succès : autrement, on les en rendait responsables, et il y avait contre eux peine de mort. Cette loi était utile pour réprimer la témérité des charlatans, mais pouvait être un obstacle aux nouvelles découvertes et à la perfection de l'art. Chaque médecin, si l'on en croit Hérodote, se renfermait dans la cure d'une seule espèce de maladie : les uns pour les yeux, d'autres pour les dents; et ainsi du reste.

Ce que nous avons dit des pyramides, du labyrinthe, de ce nombre infini d'obélisques, de temples, de palais, dont on admire encore les précieux restes dans toute l'Égypte, et dans lesquels brillaient à l'envi la magnificence des princes qui les avaient construits, l'habileté des ouvriers qui y avaient été employés, la richesse des ornements qui y étaient répandus, la justesse des proportions et des symétries qui en faisaient la plus grande beauté; ouvrages dans plusieurs desquels s'est conservée jusqu'à nous la vivacité même des couleurs, malgré l'injure du temps, qui amortit et consume tout à la longue : tout cela, dis-je, montre à quel point de perfection l'Égypte avait porté l'architecture, la peinture, la sculpture, et tous les autres arts 3.

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velles découvertes en Égypte ont fait connaître sur l'état de l'industrie et des arts chez les anciens Égyptiens.

Ils fabriquaient des toiles de lin aussi belles et aussi fines que les nôtres : on trouve, dans les enveloppes des momies, des toiles de coton d'une finesse égale à celle de notre mousseline, et d'un tissu très-fort; et l'on voit par quelques-unes de leurs peintures qu'ils savaient faire des tissus aussi transparents que nos gazes, nos linons, ou même que nos tulles.

L'art de tanner le cuir leur était par

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Ils ne faisaient pas grand cas ni de cette partie de la gymnastique, ou palestre, qui ne tendait point à procurer au corps une force solide et une santé robuste.'; ni de la musique, qu'ils regardaient comme une occupation non-seulement inutile, mais dangereuse, et propre seulement à amollir les esprits 2.

CHAPITRE V.

DES LABOUREURS, DES PASTEURS, DES ARTISANS.

Les laboureurs, les pasteurs, les artisans, qui formaient les trois conditions du bas étage en Égypte 3, ne laissaient pas

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Ils avaient porté fort loin l'art de vernir la beauté de la couverte de leurs poteries n'a point été surpassée, peutêtre même égalée par les modernes.

La peinture n'a jamais été très-perfec tionnée par eux; ils paraissent avoir toujours ignoré l'art de donner du relief aux figures par le mélange des clairs et de l'ombre; mais ils disposaient les couleurs avec intelligence; et le trait, dans leurs beaux ouvrages, est d'une hardiesse et d'une pureté extraordinaires. Du reste, ils n'entendaient rien à la perspective et presque tous leurs dessins ne présentent les objets que de profil: l'uniformité des attitudes et des poses montre assez qu'en peinture comme en sculpture les artistes égyptiens étaient forcés de ne point s'écarter d'un certain style de convention, qui s'est conservé jusque sous les derniers empereurs romains.

II en était de même de l'architecture; très-remarquable par la grandeur des masses, par la majesté de l'ensemble,

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· Τὴν δὲ μουσικὴν νομίζουσιν οὐ μόνον ἄχρηστον υπάρχειν, ἀλλὰ καὶ βλαβερὰν, ὡς ἄν ἐκθηλύνουσαν τὰς twv άvôρævuxás. (Diod. 1, § 81.)

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2 « Il faut entendre de même ce que << cet auteur (Diodore de Sicile) dit «< touchant la musique. Celle qu'il fait « mépriser aux Égyptiens, comme capa«ble de ramollir les courages était <<< sans doute cette musique molle et effé« minée qui n'inspire que les plaisirs et <«<< une fausse tendresse; car, pour cette « musique généreuse dont les nobles ac«< cords élèvent l'esprit et le cœur, les «< Égyptiens n'avaient garde de la mé<< priser, puisque, selon Diodore même, leur Mercure l'avait inventée, et avait << aussi inventé le plus grave des instru«<ments de musique. Dans la procession « solennelle des Egyptiens, où l'on por« tait en cérémonie le livre de Trismé« giste, on voit marcher à la tête le << chantre, tenant en main un symbole de « la musique (je ne sais pas ce que c'est) << et le livre des hymnes sacrés. >> Cette excellente observation de Bossuet modifie suffisainment ce que l'assertion de Rollin pouvait présenter de fautif. L. 3 Diod. 1. I, pag. 67-68.

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