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manifeste les véritables causes, et les ressorts cachés des victoires et des défaites des armées, de l'agrandissement et de la décadence des peuples, de l'élévation et de la ruine des États; et, ce qui est le principal fruit de l'histoire, c'est elle qui nous apprend le jugement que Dieu porte et des princes et des empires, et qui fixe par conséquent l'idée que nous devons nous en former.

I

Pour ne point parler de l'Égypte, qui d'abord servit comme de berceau à la nation sainte; qui se changea ensuite pour elle 1 en une dure prison et en une fournaise ardente, et qui devint enfin le théâtre des plus étonnantes merveilles que Dieu ait opérées en faveur d'Israël : les grands empires de Ninive et de Babylone nous fournissent mille preuves de la vérité que j'établis ici.

Leurs plus puissants rois, Théglathphalasar, Salmanasar, Sennacherib, Nabuchodonosor, et plusieurs autres, étaient entre les mains de Dieu comme autant d'instruments dont il se servait pour punir les prévarications de son peuple. Il les appelait, selon Isaïe, d'un coup de sifflet des extrémités de la terre pour venir prendre ses ordres; il leur mettait fui-même l'épée en main; il réglait leur marche jour par jour; it remplissait leurs soldats de courage et d'ardeur, rendait leurs troupes infatigables et invincibles, répandait à leur approche la terreur et l'effroi.

La rapidité de leurs conquêtes aurait dû leur faire entrevoir la main invisible qui les conduisait; mais, dit l'un d'entre eux au nom de tous les autres : « C'est par la force « de mon bras que j'ai fait ces grandes choses, et c'est ma ⚫ propre sagesse qui m'a éclairé. J'ai enlevé les anciennes « bornes des peuples, j'ai pillé les trésors des princes, et, «< comme un conquérant, j'ai arraché les rois de leurs tro«nes. Les peuples les plus redoutables ont été pour moi

« Educam vos de ergastulo Egyptiorum (Exod. 6, 6). De fornace ferrea

Egypti. » ( Deuteronom. 4, 20.)
2 Isai. 5, 25-30, 10, 28-34, 13, 4 et 5.

« comme un nid de petits oiseaux qui s'est trouvé sous ma main. J'ai réuni sous ma puissance tous les peuples de la terre, comme on ramasse quelques œufs ( que la mère a abandonnés); et il ne s'est trouvé personne qui osât seu⚫lement remuer l'aile, ni ouvrir la bouc, ni faire le moindre son.. »

«

Mais ce prince si grand et si sage à ses propres yeux, qu'était-il à ceux de Dieu? Un ministre subalterne, un serviteur mandé par son maître, une verge et un bâton dans sa main': Virga furoris mei et baculus ipse est. Le dessein de Dieu était de corriger ses enfants, et non de les exterminer. Mais Sennacherib avait résolu de tout perdre et de tout détruire: Ipse autem non sic arbitrabitur, sed ad conteren dum erit cor ejus. Que deviendra donc cette espèce de combat entre les desseins de Dieu et ceux de ce prince? Lorsqu'il se croyait déjà maître de Jérusalem3, le Seigneur d'un souffle seul dissipe toutes ses pensées fastueuses, fait périr en une nuit cent quatre-vingt-cinq mille hommes de son armée, et, lui 4 mettant un cercle au nez et un mors à la bouche, comme à une bête féroce, le ramène dans ses Etats, couvert d'opprobre, à travers ces mêmes peuples qui l'avaient vu un peu auparavant plein d'orgueil et de fierté.

Nabuchodonosor, roi de Babylone, paraît encore plus visiblement régi par une Providence qu'il ignore, mais qui préside à ses délibérations, qui détermine toutes ses démarches.

Arrivé avec son armée à la tête de deux chemins ', dont l'un conduit à Jérusalem, l'autre à Rabbath, capitale des Ammonites, ce prince, incertain et flottant, délibère le

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quel il prendra, et jette le sort: Dieu le fait tomber sur Jérusalem, pour accomplir les menaces qu'il avait faites à cette ville de la détruire, de brûler le temple, et d'emmener son peuple en captivité.

Des raisons seules de politique' semblaient déterminer ce conquérant au siége de Tyr, pour ne pas laisser derrière soi une ville si puissante et si bien fortifiée. Mais le siége de cette place était ordonné par une volonté supérieure. Dieu voulait, d'un côté, humilier l'orgueil d'Ithobal, son roi, qui, se croyant plus éclairé que Daniel, dont la réputation était répandue dans tout l'Orient, n'attribuant qu'à sa rare prudence l'étendue de son domaine et la grandeur de ses richesses, se considérait en lui-même comme un dieu; de l'autre, il voulait aussi punir le luxe, les délices, l'arrogance de ces fiers négociants, qui se regardaient comme les princes de la mer et les maîtres des rois mêmes ; et surtout cette joie inhumaine de Tyr qui lui faisait trouver son agrandissement dans les ruines de Jérusalem sa rivale. C'est par ces motifs que Dieu lui-même conduisit Nabuchodonosor à Tyr, lui faisant exécuter ses ordres sans qu'il les connût : IDCIRCO ecce EGO ADDUCAM ad Tyrum Nabuchodonosor.

Pour récompenser ce prince, qu'il tenait à sa solde, du service qu'il vient de lui rendre à la prise de Tyr (c'est Dieu lui-même qui s'exprime ainsi), et pour dédommager les troupes babyloniennes, épuisées par un siége de treize ans, il leur donne toutes les contrées de l'Égypte, comme des quartiers de rafraîchissement, et leur en abandonne les richesses et les dépouilles 3.

Le même Nabuchodonosor 4, plein du désir d'immortaliser son nom par toutes sortes de voies, voulut ajouter à la gloire des conquêtes celle de la magnificence, en embellis

Ezech. cap. 26, 27 et 28.

2 Ezech. 29, 18-10.

3 Ce fait est plus détaillé dans l'his

toire des Égyptiens sous le règne d'Amasis. [p. 169. ]

4 Dan. c. 4, vers. 1-34.

1

sant la capitale de son empire par de superbes bâtiments, et par les ornements les plus somptueux; mais pendant qu'une cour flatteuse, qu'il comblait de richesses et d'honneurs, fait retentir partout ses louanges il se forme un sénat auguste des esprits surveillants, qui pèse dans la balance de la vérité les actions des princes, et prononce sur leur sort des arrêts sans appel. Le roi de Babylone est cité à ce tribunal, où préside le Juge souverain, qui réunit une vigilance à qui rien n'échappe, et une sainteté qui ne peut rien souffrir contre l'ordre : vigil et sanctus. Toutes ses actions, qui faisaient l'objet de l'admiration publique, y sont examinées à la rigueur; et l'on fouille jusqu'au fond de son cœur pour en découvrir les pensées les plus cachées. Où se terminera ce redoutable appareil ? Dans le moment même où Nabuchodonosor, se promenant dans son palais, et repassant avec une secrète complaisance ses exploits, sa grandeur, sa magnificence, se disait à lui-même: N'est-ce pas là cette grande Babylone dont j'ai fait le siége de mon royaume, que j'ai bátie dans la grandeur de ma puissance et dans l'éclat de ma gloire? c'est dans ce moment précis où, se flattant de ne tenir que de lui seul sa puissance et son royaume, il usurpait la place de Dieu, qu'une voix du ciel lui signifie sa sentence, et lui déclare que son royaume va lui être enlevé, qu'il sera chassé de la compagnie des hommes, et réduit à la condition des bêtes, jusqu'à ce qu'il reconnaisse que le Très-Haut a un pouvoir absolu sur les royaumes des hommes, et qu'il les donne à qui il lui plaît.

Ce tribunal, toujours subsistant quoique invisible, a prononcé le même jugement sur ces fameux conquérants, sur ces héros du paganisme, qui se regardaient, aussi-bien que Nabuchodonosor, comme les seuls artisans de leur haute

« In sententia vigilum decretum cst, et sermo sanctorum et petitio, etc. »> ( Dax. 4, 14. )

fortune, comme indépendants de toute autre autorité, et comme ne relevant que d'eux-mêmes.

Si Dieu faisait servir des princes à l'exécution de ses vengeances, il en a rendu d'autres les ministres de sa bonté. Il destine Cyrus à être le libérateur de son peuple, et, pour le mettre en état de soutenir diguement un si noble ministère, il le remplit de toutes les qualités qui forment les grands capitaines et les grands princes, et lui fait donner cette excellente éducation que les païens ont tant admirée, mais dont ils ne connaissaient point l'auteur ni la véritable cause.

On voit dans les historiens profanes l'étendue et la rapidité de ses conquêtes, l'intrépidité de son courage, la sagesse de ses vues et de ses desseins, sa grandeur d'âme, sa noble générosité, son affection véritablement paternelle pour les peuples, et, du côté des peuples, un retour d'amour et de tendresse qui le leur faisait regarder moins comme leur maftre que comme leur protecteur et leur père. On voit tout cela dans les historiens profanes; mais on n'y voit point le principe secret de toutes ces grandes qualités, ni le ressort caché qui les mettait en mouvement.

Isaïe nous le montre, et s'explique en des termes dignes de la grandeur et de la majesté du Dieu qui le faisait parler*. Il le représente, ce Dieu des armées tout-puissant, qui prend Cyrus par la main, qui marche devant lui, qui le conduit de ville en ville et de province en province, qui lui assujettit les nations, qui humilie en sa présence les grands de la terre, qui brise pour lui les portes d'airain, qui fait tomber les murs et les remparts des villes, et lui en abandonne toutes les richesses et tous les trésors.

1 « Hæc dicit Dominus christo meo Cyro, cujus apprehendi dexteram, ut sub jiciam ante faciem ejus gentes, et dorsa regum vertam, et aperiam coram eo januas, et portæ non claudentur. Ego ante te ibo, et gloriosos terræ humiliabo por

tas æreas conteram, et vectes ferreo confringam. Et dabo tibi thesauros abs conditos, et arcana secretorum; ut scia quia ego Dominus, qui voco nomen tuum Deus Israel. Isa. 45, 1-3.)

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