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trouvaient nécessairement obligés d'associer les autres à leurs travaux domestiques, ils les associaient aussi à leurs délibérations, et s'aidaient de leurs conseils dans les affaires. Ainsi tout se faisait de concert, et pour le bien commun.

Les lois que la vigilance paternelle établissait dans ce petit sénat domestique, étant dictées par le seul motif de l'utilité publique, concertées avec les enfants les plus âgés, acceptées par les inférieurs avec un libre consentement, étaient gardées avec religion, et se conservaient dans les familles comme une police héréditaire qui en faisait la paix et la sûreté.

Différents motifs donnèrent lieu à différentes lois. L'un, sensible à la joie de la naissance d'un fils qui, le premier, l'avait rendu père, songea à le distinguer parmi ses frères par une portion plus considérable dans ses biens et par une autorité plus grande dans sa famille. Un autre, plus attentif aux intérêts d'une épouse qu'il chérissait, ou d'une fille tendrement aimée qu'il voulait établir, se crut obligé d'assurer leurs droits et d'augmenter leurs avantages. La solitude et l'abandon d'une épouse, qui pouvait devenir veuve, toucha davantage un autre, et il pourvut de loin à la subsistance et au repos d'une personne qui faisait la douceur de sa vie. De ces différentes vues, et d'autres pareilles, sont nés les différents usages des peuples et les droits des nations, qui varient à l'infini.

A mesure que chaque famille croissait par la naissance des enfants et par la multiplicité des alliances, leur petit domaine s'étendait, et elles vinrent peu à peu à former des bourgs et des villes.

Ces sociétés étant devenues fort nombreuses par la succession des temps, et les familles s'étant partagées en diverses branches, qui avaient chacune leurs chefs, et dont les intérêts et les caractères différents pouvaient troubler l'ordre public, il fut nécessaire de confier le gouvernement à un seul, pour réunir tous ces chefs sous une même autorité, et pour maintenir le repos public par une conduite uniforme. L'idée qu'on conservait encore du gouvernement paternel, et l'heureuse expérience qu'on en avait faite, inspirèrent la pensée de choisir parmi les plus gens de bien et les plus sages celui en qui l'on reconnaissait

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davantage l'esprit et les sentiments de père. L'ambition et la brigue n'avaient point de part dans ce choix la probité seule et la réputation de vertu et d'équité en décidaient, et donnaient la préférence aux plus dignes 2.

Pour relever l'éclat de leur nouvelle dignité, et pour les mettre plus en état de faire respecter les lois, de se consacrer tout entiers au bien public, de défendre l'État contre les entreprises des voisins et contre la mauvaise volonté des citoyens mécontents, on leur donna le nom de roi, on leur érigea un trône, on leur mit le sceptre en main, on leur fit rendre des hommages, on leur assigna des officiers et des gardes, on leur accorda des tributs, on leur confia un plein pouvoir pour administrer la justice; et, dans cette vue, on les arma du glaive pour réprimer les injustices et pour punir les crimes,

Chaque ville 3, dans les commencements, avait son rọi, qui, plus attentif à conserver son domaine qu'à l'étendre, renfermait sou ambition dans les bornes du pays qui l'avait vụ naître 4. Les démêlés presque inévitables entre des voisins, la jalousie contre un prince plus puissant, un esprit remuant et inquiet, des inclinations martiales, le désir de s'agrandir et de faire éclater ses talents, donnèrent occasion à des guerres qui se terminaient souvent par l'entier assujettissement des vaincus, dont les villes passaient sous le pouvoir du conquérant, et grossissaient peu à peu son domaine. De cette sorte 5, une première victoire servant de degré et d'instrument à la seconde, ét rendant le prince plus puissant et plus hardi pour de nouvelles entreprises, plusieurs villes et plusieurs provinces, réunies sous un seul monarque, formèrent des royaumes plus ou moins étendus, selon que le vainqueur avait poussé ses conquêtes avec plus ou moins de vivacité 6.

Parmi ces princes, il s'en rencontra dont l'ambition, se trouvant trop resserrée dans les limites d'un simple royaume,

1 Justin. lib. 1, cap. I.

2 « Quos ad fastigium hujus majestatis non ambitio popularis, sed spectata inter bonos moderatio provehebat. » 3 Justin. lib. I, cap. I.

Fines imperii tueri magis quam proferre mos erat. Intra suam cuique pa

triam regna finiebantur. >>

5 Justin. ibid.

6 << Domitis proximis, quum accessione virium fortior ad alios transiret, et proxima quæque victoria instrumentum sequentis esset, totius Orientis populos subegit. >>

se répandit partout comme un torrent et comme une mèr, engloutit les royaumes et les nations, et fit consister la gloire à dépouiller de leurs États des princes qui ne leur avaient fait aucun tort, à porter au loin les ravages et les incendies, et à laisser partout des traces sanglantes de leur passage. Telle a été l'origine de ces fameux empires qui embrassaient une grande partie du monde.

Les princes usaient diversement de la victoire, selon la diversité de leurs caractères ou de leurs intérêts. Les uns, se regardant comme absolument maîtres des vaincus, et croyant que c'était assez faire pour eux que de leur laisser la vie, les dépouillaient eux et leurs enfants de leurs biens, de leur patrie, de leur liberté; les réduisaient à un dur esclavage; les occupaient aux arts nécessaires pour la vie, aux plus vils ministères de la maison, aux pénibles travaux de la campagne; et souvent même les forçaient, par des traitements inhumains, à creuser les mines, et à fouiller dans les entrailles de la terre pour satisfaire leur avarice; et de là le genre humain se trouva partagé comme en deux espèces d'hommes, de libres et de serfs, de maîtres et d'esclaves.

D'autres introduisirent la coutume de transporter les peuples entiers, avec toutes leurs familles, dans de nouvelles contrées, où ils les établissaient, et leur donnaient des terres à cultiver.

D'autres, encore plus modérés, se contentaient de faire racheter aux peuples vaincus leur liberté, et l'usage de leurs lois et de leurs priviléges, par des tributs annuels qu'ils leur imposaient; et quelquefois même ils laissaient les rois sur leur trône, en exigeant d'eux seulement quelques hommages.

Les plus sages et les plus habiles en matière de politique se faisaient un honneur de mettre une espèce d'égalité entre les peuples nouvellement conquis et les anciens sujets, accordant aux premiers le droit de bourgeoisie, et presque tous les mêmes droits et les mêmes priviléges dont jouissaient les autres; et par-là d'un grand nombre de nations répandues dans toute la terre, ils ne faisaient plus en quelque sorte qu'une ville, ou du moins qu'un peuple.

Voilà une idée générale et abrégée de ce que l'histoire du

genre humain nous présente, et que je vais tâcher d'exposer plus en détail en traitant de chaque empire et de chaque nation. Je ne toucherai point à l'histoire du peuple de Dieu, ni à celle des Romains. Les Égyptiens, les Carthaginois, les Assyriens, les Babyloniens, les Mèdes et les Perses, les Macédoniens, les Grecs feront le sujet de l'ouvrage que je donne au public. Je commence par les Égyptiens et par les Carthaginois, parce que les premiers sont fort anciens, et que les uns et les autres sont plus détachés du reste de l'histoire, au lieu que les autres peuples ont plus de liaison entre eux, et quelquefois même se succèdent.

LIVRE PREMIER.

HISTOIRE ANCIENNE DES ÉGYPTIENS.

Je diviserai en trois parties ce que j'ai à dire sur les Égyptiens. La première renfermera un plan abrégé et une courte description des différentes parties de l'Égypte, et de ce qu'on y trouve de plus remarquable. Dans la seconde, je parlerai des coutumes, des lois et de la religion des Égyptiens. Enfin, dans la troisième, j'exposerai l'histoire des rois d'Égypte.

PREMIÈRE PARTIE,

description de l'Égypte eT DE CE QUI S'Y TROUVE DE PLUS REMARQUABLE.

L'Égypte, dans une étendue assez bornée, renfermait autrefois un grand nombre de villes, et une multitude incroyable d'habitants 3.

1 Herod. lib. 2, cap. 177.

2 On marque que sous Amasis il y avait en Égypte vingt mille villes habitées. Il est certain que le mot ñóλɛis, dans Hérodote, doit s'entendre de tous les lieux habités, quelle que fût leur importance. L.

3 La population de l'ancienne Égypte n'a rien d'incroyable. Seulement il faut distinguer, dans les textes anciens qui en font mention, ceux qui donnent un renseignement positif, de ceux qui n'offrent que des circonstances vagues dont on croit pouvoir conclure la population de ce pays.

Diodore de Sicile dit qu'autrefois, et de son temps, l'Égypte contenait sept millions d'habitants (I, § 31).

Josèphe, environ un siècle après, porte la population de ce pays à sept millions cinq cent mille àmes, sans compter celle d'Alexandrie (Jos. Bell. Jud. II, c. 16, §4), qui était, selon Diodore, de trois cent mille âmes.

Il résulte de ces deux passages clairs et positifs que, depuis les temps anciens jusqu'au règne de Titus, la population de l'Égypte était constamment restée audessous de huit millions d'habitants.

Comme la surface habitable de ce

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