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son cours naturel, les remonte sur ses eaux tranquilles et paisibles. C'est Sénèque qui fait ce récit, et les voyageurs modernes en parlent de même.

Causes du débordement.

Les anciens ont imaginé plusieurs raisons subtiles du grand accroissement du Nil, que l'on peut voir dans Hérodote ', Diodore de Sicile, et Sénèque. Ce n'est plus maintenant une matière de problème, et l'on convient presque généralement que le débordement du Nil vient des grandes pluies qui tombent dans l'Éthiopie, d'où ce fleuve tire sa source. Ces pluies le font tellement grossir, que l'Éthiopie et ensuite l'Égypte en sont inondées, et que ce qui n'était d'abord qu'une grosse rivière devient comme une petite mer, et couvre toutes les campagnes.

Strabon 2 remarque que les anciens 3 avaient seulement conjecturé que le débordement du Nil était causé par les pluies qui tombent abondamment dans l'Éthiopie; et il ajoute que plusieurs voyageurs s'en sont assurés depuis par leurs propres yeux, Ptolémée Philadelphe, qui était fort curieux pour tout ce qui regarde les arts et les sciences, ayant envoyé exprès sur les lieux d'habiles gens pour examiner ce qui en était, et pour constater la cause d'un fait si singulier et si considérable.

Temps et durée du débordement.

Hérodote 4, et après lui Diodore de Sicile, et plusieurs autres, marquent que le Nil commence à croître en Égypte au solstice d'été, c'est-à-dire vers la fin de juin, et continue d'augmenter jusqu'à la fin de septembre, vers lequel temps environ il s'arrête et va toujours depuis en diminuant pendant les mois d'octobre et de novembre, après quoi il rentre dans son lit, et reprend son cours ordinaire. Ce calcul, à peu de chose près, est conforme à ce qu'on lit sur ce sujet dans toutes les relations des modernes, et il est fondé en effet sur la cause naturelle du dé

Herod. 1. 2, cap. 19-27. Diod., lib. I , pag. 35-39. — Senec. Nat. Quæst. 1. 4, cap. I et 2.

2 Lib. 17, pag. 789.

3 Par ces anciens, Strabon parait en

tendre Eudoxe, Aristote (EUSTATH. ad Odyss. p. 1505, 1. 18) et Callisthène (STRAB. 17, p. 790). - L.

4 Herod. 1. 2, cap. 19.- Diod. lib. I pag. 32.

bordement, savoir les pluies qui tombent dans l'Éthiopie. Or, selon le témoignage constant de ceux qui ont été sur les lieux, ces pluies commencent à y tomber au mois d'avril, et continuent pendant cinq mois jusqu'à la fin d'août et au commencement de septembre. La crue du Nil en Égypte doit donc naturellement commencer trois semaines ou un mois après que les pluies ont commencé en Abyssinie; et aussi les relations des voyageurs marquent-elles que le Nil commence à croître dans le mois de mai, mais d'une manière peu sensible d'abord, en sorte apparemment qu'il ne sort point encore de son lit. L'inondation marquée n'arrive que vers la fin de juin, et dure les trois mois suivants, comme Hérodote le dit.

Je dois avertir ceux qui consultent les originaux, d'une contradiction qui se rencontre ici entre Hérodote et Diodore d'un côté, et de l'autre, Strabon, Pline et Solin. Ces derniers abrégent de beaucoup la durée de l'inondation, et supposent que le Nil laisse les terres libres après l'espace de trois mois ou de cent jours. Et ce qui augmente la difficulté, c'est que Pline semble appuyer son sentiment sur l'autorité d'Hérodote: in totum autem revocatur ( Nilus) intra ripas in Libra, ut tradit Herodotus, centesimo die. Je laisse aux savants le soin de concilier cette contradiction'.

Il n'y a nulle contradiction entre ees auteurs: il paraît que Rollin ne s'est point assez pénétré du sens de leurs textes. Strabon n'a parlé que du temps employé par le Nil à rentrer dans son

lit.

Hérodote dit : « Le Nil commence à << grossir à partir du solstice d'été, et continue ainsi durant cent jours. >> C'est à peu près ce qu'on lit dans Diodore de Sicile : « Le Nil commence à a croître au solstice d'été, et s'arrête à « l'équinoxe d'automne (1, § 36). » Sénèque dit la même chose, excepté que, selon lui, l'inondation se prolonge au delà de l'équinoxe: «< At Nilus ante ortum Caniculæ augetur mediis æstibus, ultra æquinoctium (Quæst. Natur.., IV, 2, 1). Cela est plus conforme à ce que dit Hérodote, et à ce que les voyageurs ont observé car la crue s'étend assez ordinairement jusqu'au 30 septembre, et même jusqu'au 3 ou 4 octobre.

Voilà pour la crue du Nil; quant à sa décroissance, Hérodote ajoute : « Il ré« trograde et rentre tout à fait dans son «lit après le même nombre de jours. » Πελάσας δ ̓ ἐς τὸν ἀριθμὸν τουτέων, τῶν ἡμερέων, ὀπίσω ἀπέρχεται ἀπολεínov Tò péɛ0ov. Car c'est là le vrai sens de ce passage, entrevu par Laurent Valla et Wesseling, et que M. Larcher n'a point saisi, s'étant trompé sur le sens de πελάσας. ( SCHWEIGH, ad. h. loc. Herod.) Hérodote veut dire que le Nil ayant mis cent jours à croitre, met cent autres jours à rentrer tout à fait dans son lit. Nous lisons la même chose dans Strabon: « Le Nil, parvenu à sa « plus grande hauteur, reste station<< naire pendant plus de 40 jours de l'été; << puis il baisse peu à peu, comme il « s'était élevé; et 60 jours après le sol « est entièrement découvert, et même « séché (lib. 17, pag. 789). » Il s'é

Mesure du débordement.

I

La juste grandeur du débordement, selon Pline, est de seize coudées. Quand il n'y en a que douze ou treize, on est menacé de famine; et quand l'inondation passe les seize, elle devient dangereuse. Il faut se souvenir qu'une coudée est un pied et demi. L'empereur Julien 2 marque, dans une lettre à Ecdice préfet d'Égypte, que la hauteur du débordement du Nil s'était trouvée de quinze coudées le 20 septembre ( en 362). Les anciens ne conviennent point entièrement sur la mesure du débor

coule donc cent jours, comme dit Hérodote, entre le point de la plus grande hauteur et celui où le fleuve rentre dans son lit. Diodore de Sicile (1, § 36), et Aristide (tom. II, pag. 338), mettent la même égalité dans la durée de la crue et de la décroissance. Enfin Pline luimême, au milieu de quelques erreurs légères, finit par dire, d'après Hérodote, qu'au bout du centième jour le Nil est rentré dans son lit; c'est le sens du passage cité par Rollin la seule difficulté est dans les mots in Libra, qui ne sont point dans Hérodote, et qui d'ailleurs sont une grave erreur: car, le Nil croissant jusqu'après l'équinoxe, c'est-à-dire jusqu'au temps où le soleil entre dans la Balance; lorsqu'il est rentré dans son lit, cent jours après, le soleil doit se trouver dans le signe du Capricorne. L'erreur de Pline consiste donc en ce que, citant le témoignage d'Hérodote, il a ajouté mal à propos in Libra, puisque ce signe correspond au commencement, et non à la fin de la décroissance des eaux du Nil. Ou l'auteur lui-même a fait la faute par précipitation, ce qui lui arrive souvent; ou les mots in Libra sont une note marginale qui a passé dans le texte. La première supposition est plus probable, attendu que ces mots se trouvent dans tous les manuscrits de Pline, dans Solin, qui a copié cet auteur, et dans un passage de l'Irlandais Dicuil, qui écrivait au neuvième siècle.

A cette difficulté près, qui me paraît nulle au fond, les textes anciens d'Hérodote, de Strabon, de Diodore, d'Aristide, de Pline, s'accordent, sans exception, sur la durée de l'inondation du Nil.

Je remarquerai, dans tous les cas, que les crues présentent de grandes différences entre elles. Ainsi, par exemple,

celle de 1799 s'éleva à la plus grande hauteur le 23 septembre; et celle de 1800 n'y parvint que le 4 oct. (GIRARD, sur l'exhaussement de la vallée du Nil, p. 10). - L.

« Justum incrementum est cubitorum XVI. Minores aquæ non omnia rigant ampliores detinent tardius recedendo. Hæ serendi tempora absumunt solo madente: illæ non dant sitiente. Utrumque reputat provincia. In duodecim cubitis famem sentit, in tredecim etiamnum esurit : quatuordecim cubita hilaritatem afferunt, quindecim securitatem, sexdecim delicias. (PLIN. lib. V, c. 9.)

Ce passage (de même que celui d'Hérodote) s'applique sans doute à l'Égypte moyenne. Les 16 coudées, d'après le module du nilomètre d'Éléphantine, valent.. 8m 432

15 coudées..

14..

13.

12.

En 1779, la crue fut, au
Caire, de.

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6 857

En 1800, seulement de. . . . Donc le terme moyen est. . 7 419 Il est digne de remarque que cette quantité est égale à celle de 14 coudées, que Pline semble donner comme la crue moyenne. Ce fait, et d'autres qu'on pourrait citer, prouvent que rien n'est changé en Égypte relativement inondations du Nil, depuis les plus anciens temps. Le sol de l'Egypte s'est élevé graduellement; mais comme le lit du fleuve s'est élevé dans la même proportion, le rapport entre le niveau des basses eaux et celui des hautes.est resté à peu près le même. — L.

2 Juli. ep. 50.

aux

dement, ni entre eux, ni avec les modernes : mais la différence n'est pas fort considérable, et elle peut venir 1° de celle des mesures anciennes et modernes, qu'il est difficile d'évaluer sur un pied fixe et certain; 2° du peu d'exactitude des observateurs et des historiens ; 3° de la différence réelle de la crue du Nil, qui était moins grande lorsqu'on approchait de la mer 1.

Comme la richesse de l'Égypte dépendait des débordements du Nil 2, on en avait étudié avec soin toutes les circonstances et les différents degrés de ses accroissements; et par une longue suite d'observations régulières qu'on avait faites pendant plusieurs années, l'inondation même faisait connaître quelle devait être la récolte de l'année suivante. Les rois avaient fait placer à Memphis une mesure où ces différents accroissements étaient marqués; et de là on en donnait avis à tout le reste de l'Égypte, qui par ce moyen était avertie de ce qu'elle avait à craindre ou à espérer pour la moisson. Strabon 3 parle d'un puits bâti sur le bord du Nil, près de la ville de Syène, pour le même usage4.

Encore aujourd'hui au grand Caire la même coutume s'observe. Il y a dans la cour d'une mosquée une colonne où l'on marque les degrés de l'accroissement du Nil, et chaque jour des crieurs publics annoncent dans tous les quartiers de la ville de combien il est cru 5. Le tribut que l'on paye au grand-seigneur pour les terres est réglé sur l'inondation. Le jour qu'elle est parvenue à un certain degré, il se fait dans la ville une fête extraordinaire, accompagnée de festins, de feux d'artifice, et de toutes les marques publiques de réjouissance; et, dans les temps

'Nous lisons dans le faux Plutarque (de Isid. et Osirid. pag. 368, B), et dans Aristide (tom. II, pag. 361, ed. Gebb.) que l'inondation était de 28 coudées (grecques) à Éléphantine, de 21 à Coptos, de 14 à Memphis, de 7 à Mendès. L.

2 Diod. lib. I, pag. 35. 3 Lib. 17, pag. 817.

Ce puits n'existe plus; on n'a trouvé à Éléphantine qu'un escalier qui descend au Nil, et sur les parois duquel sont gravées des échelles qui marquent les diverses bauteurs du fleuve, indiquées en coudées. Des inscriptions grecques indiquent l'époque de quelques grandes inon

dations. La longueur de cette coudée est le module dont je me sers pour l'évaluation des mesures égyptiennes. L.

5 Il s'agit ici du Mékyaz, situé à l'extrémité méridionale de l'île de Roudah, vis-à-vis le Caire. Ce nilomètre fut construit, vers 847 de notre ère, par le calife El-Mozouatel. La pièce principale consiste en une colonne de marbre blanc, érigée au milieu d'un réservoir quadrangulaire qui communique par un canal avec le Nil. Cette colonne est divisée, depuis sa base jusqu'à son chapiteau en seize coudées de 24 doigts, ayant chacune mètre 541 millimèt. de lon gueur.

L.

les plus reculés, l'inondation du Nil a toujours causé une joie universelle dans toute l'Égypte, dont elle faisait le bonheur.

Les païens attribuaient à leur dieu Sérapis l'inondation du Nil; et la colonne qui servait à en marquer l'accroissement était gardée religieusement dans le temple de cette idole. L'empereur Constantin l'ayant fait transporter dans l'église d'Alexandrie, ils publièrent que le Nil ne monterait plus, à cause de la colère de Sérapis; mais il déborda, et s'accrut à l'ordinaire les années suivantes. Julien l'Apostat, protecteur zélé de l'idolâtrie, fit remettre cette colonne dans le même temple, d'où elle fut encore retirée par l'ordre de Théodose2.

Canaux du Nil. Pompes.

La Providence divine, en donnant un fleuve si bienfaisant à l'Égypte, n'a pas prétendu que ses habitants demeurassent oisifs, ni qu'ils profitassent d'une si grande faveur sans se donner aucune peine. On comprend sans peine que, le Nil ne pouvant pas de lui-même couvrir toutes les campagnes, il a fallu faire de grands travaux pour faciliter l'inondation des terres, et pratiquer une infinité de canaux pour porter les eaux de tous côtés. Les villages, qui sont en fort grand nombre sur les bords du Nil, dans des lieux élevés, ont chacun des canaux qu'on ouvre à propos pour faire couler l'eau dans la campagne, Les villages plus éloignés en ont ménagé d'autres jusqu'aux extrémités de ce royaume. Ainsi les eaux sont conduites successivement dans les lieux les plus reculés. Il n'est pas permis de couper les tranchées pour y recevoir les eaux, jusqu'à ce que le fleuve soit à une certaine hauteur, ni de les ouvrir toutes ensemble, parce qu'il y aurait en ce cas-là des terres qui seraient trop inondées, et d'autres qui ne le seraient pas assez. On commence par les ouvrir dans la haute Égypte, ensuite dans la basse, et cela suivant un tarif dont on observe exactement toutes les mesures. Par ce moyen, on ménage l'eau avec tant de précaution, qu'elle se répand dans toutes les terres. Les pays que le Nil inonde sont

Socrat. 1. I, cap. 18.- Sozom. 1. 5,

cap. 3.

2 En 389. Son édit marque l'époque de la destruction définitive du paganisme

en Égypte, excepté à Philes, où le culte d'Isis subsista jusqu'au règne de Jus tinien. — L.

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