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Et sous un doigt léger présentent, chaque jour, Des dons pour l'amitié, des présents pour l'amour; Et d'un art inventif l'élégante merveille

S'en va rendre plus pure ou la bouche ou l'oreille: Le chef-d'œuvre imprévu charme les

yeux surpris, Et l'art de la matière a surpassé le prix.

Chaque heure a son emploi ; ces simples bagatelles.
Vont charmer les amis, les amants et les belles ;
Et le bonheur oisif, en dépit des verroux,

De l'adresse captive est lui-même jaloux.

Ainsi souvent les arts, de l'ennui sont l'ouvrage,
Et l'esprit inventeur est né de l'esclavage;

Le captif solitaire est soulage par lui;

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et l'ennui.

N

trompe la douleur, et le temps, Tout prêt à s'échapper par des routes nouvelles, Dédale en sa prison se fabriqua des ailes En arma son enfant, et, libre de ses fers Nocher audacieux, navigua dans les airs; Mais, avant de quitter ses lugubres demeures, Combien sur lui du temps pesaient les lentes heures! Le travail l'abrégeait, et son cœur désolé,

Avant

que d'être heureux, fut du moins consolé.

Ah! sous le poids des fers si l'esprit peut s'éteindre, Combien l'égarement est encor plus à craindre

Pour un ami des arts, de qui l'esprit ardent
Veut dans le monde entier errer indépendant,
Et de qui l'ame fière, ombrageuse et sauvage,
S'effarouche et s'irrite au seul nom d'esclavage!
Tel fut ce Pélisson, dont la constante foi
Brava, pour un ami, le courroux d'un grand roi;
Digne élève des arts, sa généreuse audace
De l'illustre Fouquet embrassa la disgrace;
Et, tandis
que dans Vaux, aux Naïades en pleurs,
La Fontaine faisait répéter ses douleurs, (→
Pélisson dans les fers suivit cette victime:
Aimer un malheureux, ce fut là tout son crime,
Trop souvent du pouvoir les agents détestés
Joignent à ses rigueurs leurs propres cruautés.
Du triste Pélisson pour combler la misère,
On avait retranché, de son toit solitaire,
Ses livres, ses travaux, et l'art consolateur
Qui confie au papier les sentiments du cœur.
Déjà, dans les langueurs de sa mélancolie,
Il sentait par degrés s'approcher la folie.
Pour tromper ses chagrins il invente un secret,
Frivole en apparence, et puissant en effet.
Des milliers de ses dards, dont les pointes légères
Fixent le lin flottant sur le sein des bergères,

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Jetés sur ses lambris, ramassés tour à tour,
Trompaient dans sa prison les longs ennuis du jour;
Mais bientôt ce vain jeu ne fut qu'un soin pénible :
L'être qui sent, lui seul, console un cœur sensible.
Au défaut des humains, souvent les animaux
De l'homme abandonné soulagèrent les maux;
Et l'oiseau qui fredonne, et le chien qui caresse,
Quelquefois ont suffi pour charmer sa tristesse.
L'infortune n'est pas difficile en amìs :
Pélisson l'éprouva. Dans ces lieux ennemis
Un insecte aux longs bras, de qui les doigts agiles
Tapissaient ces vieux murs de leurs toiles fragiles,
Frappe ses yeux: soudain, que ne peut le malheur!
Voilà son compagnon et son consolateur ! (23 ·
Il l'aime ; il suit de l'œil les réseaux qu'il déploie;
Lui-même il va chercher, va lui porter sa proie.
Il l'appelle, il accourt, et, jusque dans sa main
L'animal familier vient chercher son festin.
Pour prix de ces secours il charme sa souffrance;
Il ne s'informe pas,
dans sa reconnaissance,
Si de ce malheureux, caché dans sa
caché dans sa prison,

Le soin intéressé naît de son abandon.
Trop de raisonnement mène à l'ingratitude:

Son instinct fut plus juste; et, dans leur solitude.

!

Défiant et barreaux, et grilles, et verroux,

Nos deux reclus entre eux rendaient leur sort plus doux;
Lorsque, de la vengeance implacable ministre,

Un geolier au cœur dur, au visage sinistre,
Indigné du plaisir que goûte un malheureux,
Foule aux pieds son amie, et l'écrase à ses yeux :
L'insecte était sensible, et l'homme fut barbare!
Ah! tigre impitoyable et digne du tartare,
Digne de présider au tourment des pervers,
Va, Mégère t'attend au cachot des enfers!
Et toi, de qui Pallas punit la hardiesse,
Et qui par ton bienfait reconquit ta noblesse,
Dont peut-être l'instinct, dans ce mortel chéri,
Devinait des beaux-arts l'illustre favori,

Arachné, si mes vers vivent dans la mémoire,
Ton nom de Pélisson partagera la gloire;
On dira ton bienfait, ses vertus, ses malheurs,
Et ton sort avec lui partagera nos pleurs.

FIN DU SIXIÈME CHANT,

NOTES

DU CHANT SIXIÈME

1) PAGE 76, VERS 7.

Et comme Raphaël nous a peint les Amours,
Caressant tour à tour ou battant leur chimère,
Ce
que font ces enfans, la raison doit le faire.

ALLUSION à ces jolies arabesques, où l'on voit des amours montés sur des chimères, les uns les battent, les autres les caressent et les couronnent de fleurs. On a retrouvé des images semblables dans quelques peintures antiques des Bains de Titus à Rome, dans celles d'Herculanum, et dans d'autres endroits. Plusieurs savants ont fait de profondes recherches pour expliquer le sens allégorique de ces peintures, qui ne sont peut-être qu'un caprice de l'art et un jeu de l'imagipation.

2) PAGE 78, VERS 23.

Du festin de la vie, où l'admirent les dieux,
Ayant goûté long-temps les mets délicieux,
Convive satisfait, sans regret, sans envie,
S'il ne vit pas, du moins il assiste à la vie.

On reconnaît ici cette pensée si philosophique de Lucrèce :

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