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jure, hérétique, excommunié et séparé du commerce des catholiques (1).

Ce n'était pas une vaine menace! Selon le droit, quiconque était, devant l'évêque ou son official, juridiquement convaincu d'avoir mérité d'être traité de la sorte, pouvait se voir condamner à la perte de ses biens et à des peines plus graves. Toutefois, en terminant, le Saint, dans ses lettres testimoniales, n'oublie pas qu'il n'est qu'un simple mandataire de l'Église et il a soin, dans son humilité et son obéissance, de faire cette réserve: que les prescriptions qu'il édicte ne seront obligatoires qu'autant que l'abbé de Cîteaux, légat du Saint-Siège, qui l'a délégué, ne jugera pas expédient d'en disposer autrement!

Ainsi, dans cet important document, nous apparaît le prêtre et ministre de Jésus-Christ, saint Dominique, « un promoteur, un zélateur fidèle, de la grande œuvre de la foi et de la paix, » comme le dépose l'abbé de Saint-Papoul dans le procès de sa canonisation. A cette fin, déclare en la même circonstance maître Arnaud de Campragna, « il n'a pas redouté de s'exposer à tous les périls. » « Tout le monde l'aimait,» ajoute frère Jean de Navarre, le compagnon de ses courses apostoliques, excepté les hérétiques et les ennemis de l'Église qu'il convainquait d'erreur dans la prédication et les discussions publiques, et cependant il les exhortait avec une ardente charité à faire pénitence. » << Plus il était bon, moins, dit encore le B. Jourdain, l'œil du sectaire pouvait supporter le rayon pur et lumineux de son regard» et « li adversaire de vérité li moquoient getant boë, espuement et des vilz choses et li lioient la paille par derrière le dos (2). » Mais les ignominies et les

(1) C'était la formule usitée déjà en pareil cas, et les inquisiteurs la maintinrent plus tard dans leurs sentences judiciaires.

(2) Maître Mathieu de Feurs. -Les ennemis de la vérité se moquaient de lui, lui jetant de la boue, des crachats et des choses viles et ils lui attachaient de la paille derrière le dos. » Cf. B. Jourdain, Constantin d'Orviète, B. Humbert, Thierry d'Apolda, Bernard Gui, etc. V. plus haut, Introd. p. 124.

affronts pour glorifier Dieu et sauver des âmes étaient son ambition et sa joie. Lorsqu'il était seul en cause, il se laissait outrager à plaisir. Une fois, un homme coupable de semblables méfaits vint se confesser à lui, et, comme s'exprime le trouvère picard dans le chapitre de son poème: « de la grant pacience ke saint Dominikes monstra as bougres. »

1. Cil ardemment se repentoit
2. Avec ses pechiés qu'il disoit.
3. Sire, fait-il, je vous geitai
4. Une fois ke je bien le sai,

5. Plain mon poing de fiens ou visage,
6. Por pechié et por fol usage;
7. Et a vostre roube pendi
8. Une torche d'estrain aussi,

9. Pour con cou se gabast de vous.
10. Quand li preudoms ot escouté
11. Tout con ke cil li voloit dire
12. Si se commenca à despire
13. Ha Dieu! dist il, je n'ai pasfait
14. Si bones oeuvres ne tel fait,
15. Q'dignes soie de martire! (1).

Le martyre en effet était son rêve! Un jour qu'il montait de Prouille à Fanjeaux, par un chemin creux et rapide, << pressentant quelqu'embûche, dit le B. Jourdain, il chan tait d'allégresse et il marchait intrépide et alerte. Des satellites de l'Antechrist l'attendaient pour le tuer » à quelques cents mètres de Prouille. « Surpris de son ardeur joyeuse et de sa sécurité, en le voyant, ils lui crient: N'as-tu donc point peur de la mort? Qu'aurais-tu fait si nous t'avions pris? Je vous aurais supplié, leur

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(1) 1. Cet (homme) se repentait ardemment. 2. des péchés qu'il accusait. 3. Sire, lui dit-il, je vous jetais. 4. une fois que je sais bien. 5. plein ma main de fiente au visage. 6. par péché et fol usage. 7. et à votre robe je pendis. 8. un torchon d'étoupe aussi. 9. pour que l'on se moquât de vous, 10. quand le prud'homme eut écouté. 11. tout ce qu'il voulait dire. 12. il commença à soupirer. 13. Ah! Dieu, dit-il, je n'ai pas fait. 14. de si bonnes œuvres ni d'ac tions. 15. que je sois digne du martyre!

ཤུག་ཀ།

répond Dominique sans hésiter, de ne pas me porter incontinent des blessures qui m'eussent tué d'un seul coup, mais de prolonger mon martyre, en me tranchant les membres l'un après l'autre; vous en auriez mis les morceaux sous mon regard; puis vous m'auriez arraché les yeux et enfin vous eussiez laissé ce tronc informe, respirant encore, baigner dans mon sang; ou bien vous l'auriez achevé à votre gré. J'aurais de la sorte obtenu une plus belle couronne! Ces paroles les frappèrent de stupeur et les désarmèrent. A quoi bon, se dirent-ils, faire son jeu? Ne seraitce pas le servir et seconder ses vifs désirs, plutôt que lui nuire? Désormais donc ils s'abstinrent de lui tendre des pièges (1). »

Tel, encore un coup, s'est montré, vis-à-vis de l'hérésie, celui qui avait mis sur son sceau un agneau divin portant sa croix et autour cette légende: Jésus-Christ et la prédication.

(1) Au dix-septième siècle, Percin écrivait : Le souvenir de cet événement s'est perpétué dans la tradition du pays. Le chemin,où l'on tendit au saint une embuscade, est entre Fanjeaux et Prouille. Il s'appelle encore le chemin du sicaire: via sicarii, parce que les hérétiques cherchèrent à le tuer en cet endroit. Le prieur de Fanjeaux, le Père Louis Bordonnier, a fait ériger en ce lieu une croix de pierre. « Un manuscrit de la Bibliothèque nationale de Paris dit encore : Saint Dominique, venant de Prouille à Fanjeaux, fut attaqué par des mécréants, entre la vigne qui appartient à Jean Rolland, menuisier (dix-huitième siècle) et le champ de la confrérie et au petit coin qui est entre d'eux, résolus de le poignarder... Il faut remarquer que depuis cette attaque ce lieu s'appelle sicari, du latin sicarius, ou bien a sica, poignard. »>

VI

L'archidiacre de Carcassonne, Isarn d'Aragon, au nom de Bérenger, archevêque de Narbonne, met, en la personne de Frère Guillaume Claret, la Prieure et les Moniales de Prouille en possession corporelle de l'église de SaintMartin de Limoux et du territoire de Taix, avec tous droits, dîmes et offrandes, dont, le 17 avril 1207, donation avait été faite au monastère par l'archevêque de Narbonne.

Limoux (?), 19 mars 1209.

Notum sit' cunctis hæc audientibus, quod ego Isarnus de Aragone, mandato et authoritate venerabilis Patris nostri Domini B. Narbonensis archiepiscopi, tradidi priorissæ et monialibus conversis, monitis et exemplis fratris Dominici sociorumque ejus, commorantibus et in perpetuum commoraturis in castro Phanijovis et in ecclesia beato Mario de Pruliano Tholosance diocesis, ecclesiam sancti Martini de Limoso, Narbonensis diocesis, quæ est in Redesio, cum omnibus juribus et pertinentiis suis, ac decimis, primitiis totius territorii beati Martini de Limoso et territorii de Taxo eidem contigui, et oblationibus et omnibus obventionibus; et, nomine dictarum monialium fratrem Willelmum Clareti in corporalem possessionem misi; ut dicto Priorissa et moniales dictam ecclesiam habeant et possideant in perpetuum, cum decimis et primitiis supra nominatis.

Actum est hoc in præsentia Domini B. Raimundi' Electi

Sedis ecclesice sancti Nazarii Carcassonce et Arnaldi capellani de Villaflorano et Raimundi Seguini et B. de Pulchrofacto, et Guillelmi Ferrioli, et Bertrandi Gairaldi, et Raimundi Arnaldi et Raimundi Clerici in Redesio archipresbyteri, et Raimundi de Callavo notarii publici Carcassonce, qui hoc scripsit, quinta feria decimo quarto kalendas aprilis, rege Philippo regnante, anno millesimo ducentesimo octavo, incarnationis dominica; et, quia sigillum meum non porto, sigillo Magistri Isarni de Conchis, qui ad hoc præsens fuit, præsentem cartam sigillavi.

Copie Bibl. nat., Paris, ms. Doat, t. XCVIII, f 27, dans un vidimus des évêques de Toulouse et de Carcassonne en 1264. Rome, Arch. de l'Ordre, t. Y (copie défectueuse). Bibl. publ., Toulouse, ms. 497. où l'acte est mentionné par Bernard Gui, à peu près dans les mêmes termes que ci-dessus.

COMMENTAIRE

I. Nous avons vu qu'en avril 1207 l'archevêque de Narbonne, Bérenger, alors présent à Carcassonne, avait donné à saint Dominique et à Frère Guillaume Claret, en faveur de l'œuvre de Prouille, l'importante église de Limoux, avec ses droits et redevances, ainsi que les revenus du territoire de Taix qui lui était voisin. La charte authentique de cette donation avait été délivrée devant témoins, et cependant, après deux années presque entières écoulées, le monastère de Prouille n'était pas encore entré en possession réelle et effective, ou, comme on disait alors, en possession corporelle de ce qui en était l'objet. D'où vint ce retard dans l'exécution d'engagements aussi solennellement contractés? Doit-on l'attribuer à l'opposition persistante des moines de l'abbaye de Saint-Hilaire, ou plutôt à un changement dans les dispositions de l'archevêque qui variait au gré des événements? Les légats, en 1208, après le meurtre de Pierre de Castelnau, avaient forcément aban

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