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indiquer avec autant de précision, au scribe rédacteur du document, les confronts de la vigne de Bertrand de Saissac et les noms des propriétaires voisins? Qui aurait pu, si ce n'est lui, donner au même scribe, avec autant d'exactitude, les noms des Sœurs de Prouille, jusqu'au point de spécifier parmi ces Soeurs deux ou trois portant le même nom?

Saint Dominique était donc à Lavaur, avec Montfort et Foulques de Toulouse; c'est de leurs mains amies, qu'au bénéfice de son humble et pieux couvent, le Pauvre du Christ, qui n'eût rien accepté pour lui-même, reçut les témoignages de leur affection reconnaissante, consignés dans les actes du 15 mai 1211.

Douze jours auparavant, après un pénible et long siège, l'armée croisée, en la fête de l'Invention de la sainte Croix, venait de livrer un suprême assaut à la ville de Lavaur. Pendant l'attaque, où de part et d'autre on se battit avec acharnement, tout le clergé, dit Pierre de Vaux-Cernay, chanta avec une dévotion intense le Veni, Creator. Assurément le B. Dominique mêla ses supplications ardentes à ces appels de la grâce de l'Esprit-Saint, et c'est surtout de lui que le même historien a pu dire: << En les entendant et en les voyant, l'ennemi, par une disposition de Dieu, fut frappé de stupeur et n'eut plus la force de résister, craignant davantage ceux qui priaient ainsi que ceux qui combattaient. »

Ce concours pacifique, mais puissant, donné par le saint à cette lutte de la prière, en faveur de l'armée de la foi, dut être, il nous semble, l'un des motifs qui déterminèrent les donations de Sauzens et de Bram.

Pendant le siège de Lavaur, Simon de Montfort rencontra un autre puissant auxiliaire dans la confrérie blanche, que l'évêque Foulques avait organisée naguère à Toulouse. C'était une espèce de ligue défensive et offensive, ayant pour but d'extirper l'hérésie et d'abolir l'usure,

qui dévorait la substance des catholiques et les tenait en servitude. L'évêque de Toulouse avait donné à cette milice des étendards solennellement bénits, et pour la diriger, il avait établi quatre bayles ou chefs: deux chevaliers et deux bourgeois notables. A ceux qui s'enrôlaient, on remettait la croix et on promettait l'indulgence de la croisade; et ils se liaient par un serment de fidélité à l'Église et aux bayles de la confraternité. Ceux-ci s'étant mis en devoir de citer et de faire comparaître les hérétiques et les usuriers, tout aussitôt une autre milice se constitua, sous le nom de confrérie noire. On en vint aux mains. A la fin les blancs demeurèrent maîtres de la cité et il ne resta aux noirs que le bourg dit de Saint-Cyprien (1).

Il advint donc qu'à la demande de l'évêque Foulques et de l'Abbé de Citeaux, légat du Saint-Siège, cinq mille de ces croisés de la confrérie blanche, malgré le comte de Toulouse qui s'efforçait en vain de les arrêter, ayant passéla Garonne au gué de Bazacle, partirent, enseignes déployées, pour le camp de Lavaur, et ils concoururent brillamment au succès définitif du siège. Or, c'est une opinion soutenue par de graves auteurs, que saint Dominique fut le coopérateur influent et zélé de l'évêque de Toulouse dans l'or. ganisation de cette confraternité; à ce point qu'ils y ont vu l'origine du Tiers-Ordre Dominicain, ou Milice de Jésus-Christ (2). S'il en est ainsi, on s'explique de plus en plus pourquoi, à l'issue du siège de Lavaur, le comte et

(1) Cf. P. de Vaux-Cernay et Guill. de Puy-Laurens (Hist. de Fr., t. XIX), Danzas (Etudes, t. V), P. Meyer (Chanson de la Croisade). A ce sujet, M. Meyer fait cette remarque ; « On sait que presque toutes les villes du Midi se composent 1° de la cité, l'ancienne ville, généralement entourée de murs; 2° d'un bourg formé de maisons peu à peu construites en dehors de l'enceinte. »

(2) Touron, Vie de saint Dominique; Mamachi, Annal. O. P., p. 233. Bien plus, Mamachi, comme Touron, essaie à cette occasion d'établir que Simon de Montfort s'était engagé dans la Milice de Jésus-Christ, ou Tiers-Ordre, fondé par saint Dominique.

l'évêque se montrèrent reconnaissants envers le Bienheureux fondateur de Prouille.

Enfin, au cours du mois de février 1211, la naissance d'une fille était venue réjouir le cœur de Simon de Montfort, et le noble comte avait voulu qu'elle fût baptisée par saint Dominique. Ne serait-ce pas là une autre cause déterminante de la donation du domaine de Sauzens? Le saint donna à l'enfant, qui devenait sa fille spirituelle, le nom de Pétronille. Née en février 1211, elle n'avait que sept ans quand Montfort fut tué devant Toulouse. La veuve, Alix de Montmorency, ramena l'orpheline dans sa terre de Montfort-l'Amaury.

Lorque Pétronille eut onze ans, sa mère la confia non pas au monastère de Prouille, où elle ne pouvait plus revenir, mais au monastère cistercien de SaintAntoine, fondé au commencement du siècle, dans un faubourg de Paris. En l'y plaçant, par un acte authentique qui existe encore aux Archives nationales, elle promit une pension annuelle de dix livres parisis; et elle déclara que si à l'âge de douze ans révolus, sa fille voulait être religieuse dans ce monastère, on toucherait chaque année vingt livres pour sa pension. Pétronille se consacra en effet de bonne heure au service de Dieu, dans l'abbaye de Saint-Antoine (1). Elle y grandit en piété et en vertu, sous la conduite d'Agnès de Cressonsocq, sœur de Robert Mauvoisin, principal lieutenant de Montfort et l'un des bienfaiteurs insignes de Prouille (2). Pétronille de Montfort vit encore aujourd'hui (1254), dit la

(1) Dans l'abbaye, supprimée à l'époque de la grande révolution, on a installé à Paris le vaste hôpital dit de Saint-Antoine, et l'église paroissiale qui y est attenante était une dépendance de l'église abbatiale.

(2) Robert Mauvoisin, au moment de partir pour la croisade des Albigeois, avait fondé une chapelle dédiée à saint Fierre dans l'église de Saint-Antoine et il y eut sa sépulture.

Chronique d'Humbert, à Saint-Antoine de Paris; elle y est Prieure et c'est une religieuse d'une grande sainteté (1). » Saint Dominique lui a porté bonheur.

(1) Voir pour tous ces renseignements Mamachi (App. chronique d'Humbert), et surtout Arch. nation. de Paris, S. 4373, n°1 à 16.

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Le miracle des épis, d'après un tableau de l'église de Montréal.

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