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Sans vous que feroit la beauté?
C'eЯt par les graces qu'elle attire;
C'est vous qui la faites fourire;
Vous tempérez l'austérité
Et la rigueur de fon empire.
Sans votre charme si vanté,

Qu'on fent, et qu'on ne peut décrire
Sa froide régularité

Nuiroit à la vivacité

Des défirs ardens qu'elle infpire.

Le Dieu d'amour n'eft qu'un enfant;

Il craint la fierté de ces Belles

Qui foulent d'un pied triomphant
Les fleurs qui naiffent autour d'elles.
Par vous, l'Amant ofe espérer
De faifir l'inftant favorable.
C'est vous qui rendez adorable
L'objet qu'on craignoit d'adorer.
Qu'il eft doux de trouver aimable
Ce qu'on eft contraint d'admirer!
Les Belles qui fuivent vos traces,
Nous ramènent à leurs genoux.
Junon, après mille disgraces,
Après mille transports jaloux,
Enchaine fon volage époux
Avec la ceinture des Graces.
L'air, la démarche, tous les traits,
L'éfprit, le coeur, le caractère,
Ont emprunté de vos attraits
Le talent varié de plaire.

La Nymphe qui craint un regard,

Et qui pourtant en eft émue;

La Nayade, qui, par hazard,

Nous laiffe entrevoir qu'elle eft nue;

La Vendangeufe qui fourit

Au jeune Sylvain qu'elle enivre,
Et lui fait fentir que, pour vivre,
L'enjouement vaut mieux que l'ésprit;
De l'amour, victime rebelle,
'La boudeufe qui, dans un coin,

Sem

Semble fuir l'Amant qu'elle appelle,

Bernis.

Qui, plus fenfible que cruelle,
Gémit de fentir le béfoin

De fe laiffer approcher d'elle;
La Réveufe, dont la langueur
La rend encore plus touchante,
Qui fe plaint d'un mal qui l'enchante,
Dont le remede eft dans fon coeur;
La Coquette qui nous attire,
Quand nous croyons la dédaigner,
Et qui, pour fûrement regner,
Semble renoncer à l'Empire;
L'Amante, qui, dans fon ardeur,
A de l'amour fans indécence,
Et qui fçait, à chaque faveur,
Faire revivre l'innocence;

La Beauté dont les yeux charmans
Donnent les defirs fans ivrefle;
Qui, fans refroidir fes amans,
Leur fait adorer fa fagefle;
La fineffe fans faufleté,
La fageffe fans pruderie,
L'enjoûment fans étourderie,
Enfin la douce volupté,
Et la touchante rêverie,

Un gefte, un fourire, un regard,
Ce qui plait fans peine et fans art,
Sans excès, fans airs, fans grimaces,
Sans gêne, et comme par hazard,
Eft l'ouvrage charmant des Graces.

Ceffez donc de vous allarmer,
Vous à qui la nature avare
Accorda le bienfait d'aimer,
Et refufa le don plus rare,
Le don plus heureux de charmer:
De l'amour touchante victime,
O vous qu'il blefle et fuit toujours,
Les Graces offrent leur fecours
Aux coeurs malheureux qu'il opprime.

Allez

Bernis. Allez encenfer les autels

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De ces charmantes Immortelles;
A votre retour, les Mortels
Vous compteront parmi les Belles;
Et les Amours les plus cruels
Vous ferviront fouvent mieux qu'elles.
On f'accoutume à la laideur,
L'efprit nous la rend fupportable;
Et les Graces, pour leur honneur,
Placent fouvent notre bonheur
Dans les bras d'une laide aimable.
De même on plait en tous les tems;
Les Graces fuivent tous les âges;
Elles réparent leurs outrages,
Et fement les fleurs du printems
Sur l'hiver paisible des Sages.
Ainfi le vieux Anacréon
Orna fa brillante vieilleffe
Des graces, que dans la jeunesse
Chantoit l'amante de Phaon.
De leurs célebres bagatelles
Le monde encore eft occupé;
La Mort, de l'ombre de fes aîles,
N'a point encore enveloppé
Leurs chanfonnettes immortelles;
Le feul efprit et les talens.
N'éternifent pas nos merveilles.
L'oubli, qui nous fuit à pas lents,
Fait périr le fruit de nos veilles.
Rien ne dure que ce qui plait,
L'utile doit être agréable;
Un Auteur n'est jamais parfait,
Quand il néglige d'être aimable.

Enfans illuftres de Clio,

Vous, dont la plume infatigable
Nous enrichit et nous accable;
Voyez de vos in-folio
Quel eft le fort inévitable.

Dans l'abime immense du tems

Tom

Bernis.

Tombent ces recueils importans
D'Hiftoriens, de Politiques,
D'Interpretes, et de Critiques,
Qui tous, au mépris du bon fens,
Avec les livres Germaniques *)
Se perdent dans la nuit des ans.
La mort dévore avec furie
Les grands monumens d'ici-bas;
Mais le plaifir qui ne meurt pas,
Abandonne à fa barbarie
Les annales des Potentats,
Et tout bon livre qui l'ennuie,
Pour fauver et rendre à la vie,
L'heureux chantre de Ménélas,
Et le tendre amant de Lesbie.
La mort n'épargna dans Varron
Que le titre de fçavant homme;
Mais les graces de Cicéron
Tirerent des cendres de Rome
Et fes ouvrages et fon nom.
Je ne fçais par quelle avanture
Quelques ouvrages de pédant
Ont pû percer la nuit obfcure
Où tombe tout livre excédant.
Mais je fçais bien, en attendant,
Que c'est toujours contre nature
Qu' arrive un pareil accident.
Les Graces feules embelliffent
Nos efprits, ainfi que nos corps;
Et nos talens font des refforts
Que leurs mains légeres poliffent.
Les Graces entourent de fleurs
Le fage compas d'Uranie,

Donnent les charmes des couleurs
Au pinceau brillant du génie ;

En

1

» Hoffentlich waren die Grazien mit den von ihnen eins
gegebenen Werken des deutschen Geschmacks besser, als
der Dichter bekannt, um ihm hier nicht beizustimmen.

Bernis. Enteignent la route des coeurs
A la touchante mélodie,

Et prêtent des charmes aux pleurs
Que fait verfer la Tragédie.
Malheur à tout efprit groffier,
A l'ame de bronze et d'acier,
Qui les méprife et les ignore.
Le coeur qui les fent, les adore,
Et peut feul les apprécier.
Mais vous, filles de la nature,
Qui fites l'amour des mortels,
Ne fouffrez pas qu'on défigure
Vos ouvrages fur vos autels.
Paroiflez aux yeux des impies,
Qui, fans craindre votre courroux,
Nous offrent des froides copies
Qu'ils nous font adorer pour vous.
Venez diffiper l'imposture,

Daignez reparoitre au grand jour;
Nous apprendrons votre retour,
par le cri de la nature,

Et

Et par les tranfports de l'amour.

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