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à l'autre. Baharam propofa un expédient qui fut ap prouvé des deux partis; à fçavoir, que l'on mettroit la couronne royale entre deux lions affamés, & enfermés dans un lieu choifi exprès, & que celui des deux Princes, qui la pourroit enlever de ce lieu-là, feroit jugé le plus digne de la porter, & reconnu pour en être le légitime poffeffeur. Le jour destiné pour ce fameux combat étant arrivé, les deux Princes concur➡ rens fe préfenterent fur le champ. Alors Baharam dit à Kefra: « Avancez courageufement, & enlevez la » couronne. Je fuis en poffeffion du thrône, dit » Kefra; c'est à vous, qui en êtes le prétendant, de » retirer la couronne du lieu où elle eft. » Baharam fans répliquer ni héfiter, se jetta auffi-tôt fur les lions, avec la furie & l'impétuofité d'un tigre ; &, ne fe fervant d'autres armes que de fes propres bras, il les tua tous deux, & arracha de leurs griffes la couronne qu'il mit fur fa tête. Il comparut, en cet état, devant les feigneurs Perfans, accourus de toutes parts à un fpectacle fi extraordinaire; & Kefra fut le premier qui l'embraffa, & le jugea digne de la couronne qu'il venoit d'acquérir par fon intrépide valeur.

14. Alexandre le Grand avoit fait bâtir une ville fur les bords de l'laxarte. Le roi des Scythes, qui habi toient au-delà de ce fleuve, voyant que c'étoit un joug qu'on lui impofoit, envoya de nombreuses troupes pour la démolir, & pour en chaffer les Macédoniens. En même tems, il députa vers Alexandre des ambaffadeurs, au nombre de vingt, felon la coutume dua pays, qui traverferent le camp à cheval, demandant à parler au Roi. Alexandre, les ayant fait entrer dans fa tente, les pria de s'affeoir. Ils furent long-tems à le regarder fixement, dans un profond filence, furpris apparemment de ne pas trouver que fa taille répondit à la grandeur de fa renommée. Enfin le plus ancien de la troupe, prenant la parole, adreffa ce difcours au conquérant de l'Afie: «Si les Dieux t'avoient donné » un corps proportionné à ton ambition, tout l'univers »feroit trop petit pour toi. D'une main tu toucherois l'Orient, & de l'autre l'Occident: que dis-je? tu vou

drois fuivre le foleil dans fa courfe rapide; tu voudrois fçavoir où cet aftre radieux va cacher fa lu» miere. Homme petit & foible! tu afpires où tu ne » fçaurois atteindre. De l'Europe, tu paffes dans l'A» fie; &, quand tu auras fubjugué tout le genre hu» main, tu feras la guerre aux rivieres, aux forêts, aux »bêtes fauvages. Ne fçais-tu pas que les grands arbres » font long-tems à croître, & qu'il ne faut qu'une » heure pour les arracher? que le lion fert quelque » fois de pâture aux petits oifeaux? que le fer, mal» gré fa dureté, eft confumé par la rouille? qu'enfin » il n'eft rien de fi fort que les chofes les plus foibles ne » puiffent détruire? Qu'avons-nous à démêler avec » toi? Jamais nous n'avons mis le pied dans ton pays. » N'est-il pas permis à ceux qui vivent dans les bois » d'ignorer qui tu es, & d'où tu viens? Nous ne vou

lons ni commander ni obéir à perfonne; &, afin » que tu fçaches quels hommes font les Scythes, nous » avons reçu du Ciel, comme un riche préfent, un » joug de bœufs, un foc de charrue, une flèche, un

javelot, & une coupe : c'eft de quoi nous nous fer»vons & avec nos amis, & contre nos ennemis. A » nos amis, nous leur donnons du bled provenu du » travail de nos bœufs: avec eux, nous offrons du vin » aux Dieux dans la coupe; &, pour nos ennemis » nous les combattons de loin à coups de flèches, & » de près avec le javelot : c'eft avec quoi nous avons n dompté autrefois les peuples les plus belliqueux nvaincu les rois les plus puissans, ravagé toute l'Afie, » & pénétré jusques dans l'Egypte. Mais toi, qui te vantes de venir pour exterminer les voleurs, tu es toi-même le plus grand voleur de la terre. Tu as pillé » & faccagé toutes les nations que tu as vaincues; tu as pris la Lydie, envahi la Syrie, la Perfe, la Bac»triane: tu fonges à pénétrer jufqu'aux Indes; & tu » viens ici pour nous enlever nos troupeaux. Tout ce » que tu as ne fert qu'à te faire defirer plus ardemment » ce que tu n'as pas. Ne vois-tu pas combien il y a » de tems que les Bactriens t'arrêtent? Pendant que tu » domptes ceux-ci, les Sogdiens fe révoltent; & la

victoire n'est pour toi qu'une femence de guerre » Paffes feulement l'laxarte, & tu verras l'étendue de » nos plaines. Tu as beau fuivre les Scythes; je te dé »fie de les atteindre. Notre pauvreté fera toujours plus » agile que ton armée chargée des dépouilles de tant » de nations; &, quand tu nous croiras bien loin, tu » nous verras tout d'un coup tomber fur ton camp; » car c'est avec la même vîteffe que nous poursuivons

& que nous fuyons nos ennemis, J'apprends que les » Grecs font passer en proverbe & en raillerie, les folitudes des Scythes. Oui, nous aimons mieux nos dé»ferts, que vos grandes villes & vos fertiles campa»gnes, Crois-moi, la fortune eft gliffante; tiens-la » bien, de peur qu'elle ne t'échappe. Mets un frein à » ton bonheur, fi tu veux en demeurer maître. Si tu » es un Dieu, tu dois faire du bien aux mortels, & » non pas leur ravir ce qu'ils ont fi tu n'es qu'un » homme, fonges toujours à ce que tu es. Ceux que laifferas en paix, feront véritablement tes amis "parce que les plus fermes amitiés font entre les pervfonnes égales; & ceux-là font eftimés égaux, qui

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n'ont point éprouvé leurs forces l'un contre l'autre, Mais ne t'imagines pas que ceux que tu auras vaincus » puiffent t'aimer il n'y a jamais d'amitié entre le I maitre & l'efclave; & une paix forcée est bientôt »fuivie de la guerre. Au refte, ne penfes pas que les » Scythes, pour contracter une alliance, faffent aucun » ferment ils n'ont point d'autre ferment que de garder la foi fans la jurer. De telles précautions con»viennent aux Grecs, qui fignent les traités, & ap»pellent les Dieux à témoins. Pour nous, nous ne »nous croyons religieux, qu'autant que nous avons » de bonne-foi. Qui n'a pas honte de manquer de pa» role aux hommes, ne craint point de tromper les » Dieux. Et de quoi te ferviroient des amis à qui tu ne » te fierois pas ? Confideres que nous veillerons pour

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toi à la garde de l'Europe & de l'Afie, Nous nous » étendons jufqu'à la Thrace; & la Thrace, à ce que » l'on dit, confine à la Macédoine, Il ne s'en faut que » la largeur de l'laxacte, que nous ne touchions à la

Bactriane: ainfi nous fommes tes voifins des deux » côtés. Vois lequel tu aimes le mieux, de nous avoir » pour amis ou pour ennemis. »

15. Durant la guerre du Péloponnèfe, Philoclès, l'un des généraux Athéniens, avoit fait porter un dé cret qui ordonnoit qu'on couperoit le pouce de la main droite à tous les prifonniers de guerre, afin qu'ils fuffent hors d'état de manier la pique, & qu'ils ne puffent fervir qu'à la rame. Ayant été fait prifonnier lui-même par Lyfandre, général de Lacedémone, il fut condamné à mort avec tous les compagnons de fa disgrace. Le vainqueur, avant de le faire conduire au fupplice, le fit venir, & lui demanda comment il vouloit qu'on punît la barbarie dont il avoit ufé jusqu'à ce jour envers les Spartiates? Philoclès, fans rien rabbatre de fa fierté, incapable de trembler à la vue de la mort qui le menaçoit, lui répondit : « N'accufes point des gens » dont tu n'es pas le juge; &, puifque tu es vainqueur, "ufes de tes droits, & fais contre nous ce que nous "euffions fait contre toi, fi nous t'avions vaincu. » En même tems, il alla fe mettre au bain, prit ensuite un manteau, & marcha le premier à la mort.

16. Le fameux Pélopidas, ayant été fait prifonnier par Alexandre, tyran de Phères,' fut jetté dans une prifon que l'on s'efforça de rendre plus horrible, par les maux qu'on fit fouffrir à l'illuftre captif. Mais ce grand homme, fupérieur à ces foibles difgraces, bravoit la tyrannie fur fon thrône, & fe rioit de fes vaines menaces, de fes inutiles tentatives. Un jour qu'Alexandre l'étoit venu voir, il ofa lui parler en ces termes hardis: «Tyran, fais-moi mourir; car, fi tu m'é» pargnes, fois sûr que je t'en ferai repentir. Pour » quelle raifon, dit Alexandre, defires-tu la mort?--» Monftre, je te répondrai, quand tu m'auras dit qui " peut te faire aimer la vie, à toi que la terre porte » avec regret, & que les Dieux & les hommes né » voient qu'avec horreur. »

17. Le conful Fulvius Flaccus, pour châtier les habitans de Capouë, qui avoient embraffé le parti d'Annibal, condamna à mort les principaux citoyens de

cette ville perfide. Pendant cette fanglante exécution il vint des lettres du Sénat, qui ordonnoient au Conful de ne faire mourir aucun fénateur. Alors Jubellius Tauréa, l'un des plus grands personnages de Capouë, s'avançant fièrement devant le Conful, lui dit : « Si tu » as tant d'envie de répandre notre fang, je viens t'of- › »frir le mien; ordonnes mon fupplice: tu pourras te » vanter d'avoir fait périr un homme qui valoit mieux » que toi. Je l'aurois déja fait, répondit le Consul fi l'ordre que je viens de recevoir du Sénat ne s'oppofoit pas à ma jufte févérité. --- Eh bien ! je vais te » faire voir, reprit Jubellius, que ma vie ne dépend » point des caprices de ton Sénat. » Il dir; &, par un acte de cette intrépidité payenne, que l'antiquité profane combloit d'éloges, il tue fa femme & fes enfans; &, fe perçant enfuite lui-même, il tombe fur leurs corps fanglans.

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18. Le philofophe Anaxarque étant à la table d'A lexandre le Grand, ce Monarque lui demanda ce qu'il penfoit du repas? « Il est très-bien ordonné, feigneur, » répondit-il, il n'y manque que la tête d'un de vos »officiers,» En prononçant ces mots, il regarda Nicocréon, fon ennemi mortel, & qui, bientôt après, s'en vengea cruellement. Quand la mort eut enlevé le conquérant de l'Afie, Anaxarque fit un voyage par mer; & fon vaiffeau alla, malgré lui, prendre terre en Chypre, où Nicocréon s'étoit établi depuis quelques années. Il fit arrêter le philofophe; &, par fon ordre on le mit dans une pierre creufe, pour y être broyés avec des pilons de fer. Mais, Anaxarque, bravant cet horrible fupplice, crioit au tyran: « Piles, piles l'étui: » d'Anaxarque; tu ne pileras pas Anaxarque lui-même. »> Nicocréon, que l'intrépidité dé fon ennemi rendoit furieux, commanda qu'on lui coupât la langue. Le gé néreux philofophe prévint l'exécution de cet ordre; fe coupa lui-même la langue avec les dents, & la cracha au vifage du tyran. Če fut avec la même conftance qu'il vit achever les tourmens..

19. Pompée, dans fa premiere jeuneffe, pendant qu'il fuivoit fon pere qui faifoit la guerre à Cinna,

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