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Chapelle lui dit qu'ils pleuroient la mort du Poëte Pindare, que les Medecins avoient tué par des remedes contraires à fon état. Il récommença alors le détail des belles qualités de Pindare, d'un air fi pénétré, que la femme de chambre oublia ce qu'elle étoit venue faire, & fe mit à pleurer

avec eux.

V.

LE Duc de Briffac voulant aller paffer quelque tems dans fes terres, fit fi bien qu'il engagea Chapelle à l'y fuivre. Ils arriverent le quatrieme jour à Angers, fur le midi avec deffein d'y paffer le reste de la journée. Chapelle avoit dans cette Ville un Chanoine de fes amis chez lequel il alla faire un long & agréable dîné. Le lendemain comme le Duc étoit prêt de monter en caroffe pour continuer fon voyage, Chapelle lui fignifia qu'il ne pouvoit le fuivre, qu'il avoit trouvé un vieux Plutarque fur la table de fon ami, où il avoit lû à l'ouverture

du Livre, qui fuit les grands, ferf devient. Le Duc de Briffac eut beau lui dire qu'il le regardoit comme fon ami, & qu'il feroit abfolument le maître chez lui, il n'en put tirer d'autre réponse, finon que Plutarque l'avoit dit, & que ce n'étoit pas fa faute. Sur cela il quitta le Duc, & s'en revint à Paris.

VI.

CHAPELLE revenant de chez Moliere à Auteuil, après avoir bû largement à fon ordinaire, eut querelle au milieu de la petíte prairie d'Auteuil, avec un valet nommé Godemer, qui le fervoit depuis plus de trente ans. Ce vieux domestique avoit l'honneur d'être toûjours dans le carroffe de fon maître. Il prit fantaisie à Chapelle en defcendant d'Auteuil, de lui faire perdre cette prérogative, & de le faire monter derriere fon carroffe. Godemer accoûtumé aux caprices que le vin caufoit à fon maître, ne fe mit pas beaucoup en peine d'exécuter fes or

dres: Celui-ci fe met en colere, l'au tre fe moque de lui; ils fe prennent dans le carroffe. Le cocher defcend de fon fiege pour aller les féparer. Moliere qui étoit à fa fenêtre apperçut les combattans. Il crut que les do meftiques de Chapelle l'affomoient, & il accourut au plus vite: Ah Moliere! lui dit Chapelle, puifque vous voilà, jugez fi j'ai tort: Ce coquin de Godemer s'eft lancé dans mon carroffe, comme fi c'étoit à un valet de figurer avec moi. Vous ne favez ce que vous dites, répondit Godemer. Monfieur fait que je fuis en poffeffion du devant de votre carroffe depuis plus de trente ans; pourquoi voulez-vous me l'ôter aujourd'hui fans raifon ? Vous êtes un infolent qui perdez le refpect, reprit Chapelle, fi j'ai voulu vous permettre de monter dans mon carroffe, je ne le veux plus; je fuis le maître, & yous irez derriere ou à pié. Ya-t'il de la juftice à cela, répliqua Godemer? Me faire aller à pié préfentement que je fuis vieux, & que

je vous ai bien fervi pendant fi long tems! il falloit m'y faire aller pendant que j'étois jeune : j'avois des jambes alors; mais à préfent je ne puis plus marcher: en un mot, comme en cent, vous m'avez accoûtumé au carroffe, je ne puis plus m'en paffer, & je ferois déshonoré fi l'on me voyoit aujourd'hui derriere. Jugez-nous, Moliere, je vous prie, ajoûta Chapelle; j'en pafferai par tout ce que vous voudrez. Eh bien! puifque vous vous en rapportez à moi, dit Moliere, je vais tâcher de mettre d'accord deux fi honnêtes gens. Vous avez tort, dit-il à Godemer, de perdre le refpect envers votre maître qui peut vous faire aller comme il voudra; il ne faut pas abufer de fa bonté. Anfi je vous condamne à monter derriere fon carroffe jufqu'au bout de la prairie ; & là vous lui demanderez fort honnêtement la permiffion d'y rentrer. Je fuis für qu'il vous la donnera. Parbleu, s'écria Chapelle, voilà un jugement qui vous fera honneur dans le monde : tenez

Moliere, vous n'avez jamais donné une marque d'efprit fi brillante. Oh bien! ajoûta-t'il, je fais grace entiere à ce maraut, en faveur de l'équité avec laquelle vous venez de nous juger. Ma foi, Moliere, ajoûta-t'il, je Vous fuis obligé car cette affaire-là m'embarraffoit, elle avoit fa difficulté. Adieu, mon cher ami, tu juges mieux qu'homme de France.

VII

CHAPELLE foupoit un foir tête à tête, avec le Maréchal de * *. Quand ils eurent un peu bû ils fe mirent à faire des réflexions fur les miferes de cette vie, & fur l'incertitude de ce qui la doit fuivre. Ils convinrent que rien au monde n'étoit fi dangereux que de vivre fans Religion: mais ils trouvoient en même-tems qu'il n'étoit pas poffible de paffer en bon Chrétien un grand nombre d'années, & que les Martyrs avoient été bienheureux de n'avoir eu que des momens à fouffrir pour gagner le Ciel. Là-deffus Cha

pelle

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