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jesté va voir la source de ces richesses et le berceau de ces talents. » Alors il conduisit le roi de Suède dans un vaste salon, où deux cents jeunes élèves dessinaient autour d'un modèle; et quoique la présence d'un grand roi fût un objet d'étonnement et de distraction bien puissant sur de jeunes têtes, on assure que le profond silence qui régnait dans l'école ne fut point troublé, et qu'aucun des jeunes dessinateurs ne leva les yeux, que lorsque le prince daigna demander à voir leurs études.

Il est difficile d'entendre comment l'envie que l'on témoigne d'avoir en France une bonne musique ne fait pas employer, pour cet art, le seul moyen de le favoriser. C'est dans des écoles que l'Italie a vu se former et ses chanteurs et ses compositeurs célèbres. L'art y décline depuis que les écoles n'ont plus des maîtres comme Durante et Porpora. A plus forte raison ne s'éleverat-il jamais dans un pays où, les talents étant presque abandonnés à eux-mêmes, on semble attendre de la nature et du hasard qu'ils fassent naître des musiciens et des chanteurs. (Depuis que cet article a été imprimé pour la première fois, l'école de musique a été établie; et le public en voit déjà les fruits éclore, et en applaudit les succès.)

Un objet bien plus sérieux et bien plus important est la culture des arts utiles et des sciences qui leur sont analogues; et à cet égard nous avons plus à nous féliciter qu'aucune nation de l'Europe. Nos écoles guerrières ont été ses modèles, et sont encore l'objet de son émulation. Notre école de chirurgie est la meilleure qui soit au monde. Celle de médecine fleurit dans plus d'une ville du royaume ; cependant on y désire encore plus de sévérité dans l'admission des docteurs. Ce titre, prodigué à des ignorants, est un piége mortel pour la confiance publique, et peuple le monde d'assassins avec un brevet d'impunité.

Paris est plein d'excellents professeurs de chimie, de pharmacie, de botanique; des cours d'histoire naturelle s'y ouvrent tous les ans ; et parmi la foule de ceux qui en font un objet de curiosité, il en est assez qui en font une étude plus sérieuse et plus profonde.

Les mécaniques, l'astronomie, les mathématiques en général, sont négligemment enseignées dans les écoles publiques; mais

l'Académie des sciences est comme un sanctuaire où elles se réunissent; et l'ambition d'y entrer ajoute à la lumière qu'elles répandent une chaleur qui la rend féconde.

Qu'il me soit permis de dire un mot de ce qui nous reste à souhaiter.

A Paris, où les humanités sont bonnes, elles seraient encore meilleures si on y enseignait la langue française avec le même soin que les langues savantes; si, en cultivant la mémoire, on s'appliquait de même à former le goût; si l'histoire y faisait une partie des études; si la littérature moderne s'y mêlait à l'ancienne; si les régents des hautes classes étaient tous de la même force; et si, du moins pour la rhétorique, on avait soin de les choisir toujours parmi les gens de lettres, éprouvés et connus par leur goût et par leurs lumières, en attachant à leurs travaux de dignes encouragements. Dans une société d'études récemment établie sous le nom de Lycée, une élite de citoyens de l'un et de l'autre sexe vient de se procurer le précieux avantage d'une seconde éducation dans les lettres et dans quelques-unes des hautes sciences. On voit quel en est le succès : il est dû au choix qu'on a fait des professeurs que l'on s'est donnés, et cet exemple montre où l'on devrait les prendre pour l'éducation publique; mais au milieu ou vers la fin de la carrière d'un homme de lettres, comment l'engager à vouloir aller se former des élèves? Comme on engage tous les hommes à vouloir ce qu'on veut bien soi-même, par les deux grands mobiles auxquels rien ne résiste, surtout lorsqu'ils sont réunis.

L'éloquence, cet art qui n'a plus, il est vrai, la même influence et le même pouvoir qu'il avait autrefois dans Rome et dans Athènes, mais qui serait encore si nécessaire dans des emplois très-importants, l'éloquence est trop négligée dans nos écoles; l'étude du droit l'est encore plus dans l'université de Paris; et non-seulement le droit public n'a point d'école où soient obligés d'aller s'instruire les jeunes gens que leur naissance, leur goût, leur caractère, et la trempe de leur esprit, destine aux négociations; mais le droit civil même n'a des écoles qu'en apparence. L'abus énorme d'être censé présent, dès qu'en payant on a pris l'inscription, fait que le professeur est presque seul dans son

école ; et d'une foule de jeunes gens qui sont réputés étudier sous lui, à peine y en a-t-il un dixième qui soit assidu à l'entendre. Le reste, oisif et vagabond, achète des cahiers écrits, et, quand le temps de l'examen arrive, se fait souffler par un aggrégé la réponse à un petit nombre de questions communiquées. C'est de là cependant que sortent nos avocats et nos juges. Il en est quelques-uns qui, par des conférences et des études particulières, ont le bon esprit de suppléer à cette nullité des études publiques; mais pour le plus grand nombre le temps en est perdu, et l'émulation est anéantie.

Il n'en est pas de même des études de théologie; elles sont suivies dans la faculté de Paris avec une sévère vigilance du côté des maîtres, et autant de chaleur que d'assiduité du côté des étudiants. On les y exerce à parler d'abondance; c'est les obliger à s'instruire. Ce qu'on appelle licence se fait quand l'esprit est formé. Dans la thèse appelée majeure, les questions purement scolastiques cèdent la place à des questions d'un ordre supérieur ; et cette thèse exige des études variées et approfondies sur des objets d'une utilité et d'une importance réelle. Ainsi l'esprit se trouve habitué à l'exercice et à l'application; et entre cinquante docteurs d'une érudition pédantesque, il en sort tous les ans au moins un petit nombre qui, doués d'une raison saine, d'un esprit juste et méthodique, quelquefois d'une âme élevée et du génie des affaires, sont propres à remplir les fonctions qui demandent le plus de sagesse, de lumières et de talents. Qu'on suppose la même vigilance, la même suite, la même activité dans des écoles de droit publique, de politique et d'administration; que, pour entrer dans les premiers emplois, on ait à subir, dans ces écoles, des examens aussi sévères que dans les écoles du génie, de l'artillerie, dela marine et des ponts-et-chaussées; alors tous les talents d'une utilité importante, également bien cultivés, fourniront avec abondance à tous les besoins de l'État. On ne sera embarrassé du choix que par la foule des hommes de mérite; mais quand même ce serait trop présumer du génie de la nation, il serait vrai du moins, comme partout ailleurs, qu'il faut semer pour recueillir, et imiter les fleuristes de Hollande, qui dans un champ couvert de

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tulipes communes, s'il y en a seulement quelques-unes de rares, se trouvent richement payés de la culture de leur champ.

Encore un mot sur quelques défauts à corriger dans nos écoles. L'esprit de méthode et de suite, l'unité de principes, la liaison et l'accord, nécessaires dans le système d'une instruction progressive, exigerait que le même régent, attaché aux mêmes disciples, les suivît dans tous leurs degrés. Mais si cela n'est pas possible, au moins doit-il y avoir, entre les maîtres qui se succèdent, une grande conformité d'opinion, de goût et de doctrine; ce qu'on ne peut guère attendre que des hommes vivant ensemble sous une même discipline; et l'on trouverait cet avantage à confier l'instruction à des corps, si les corps n'avaient pas eux-mêmes beaucoup d'autres inconvénients.

Dans l'université de Paris on peut se procurer cette unité d'instruction par la facilité qu'on a de choisir de bons maîtres, et singulièrement par la capacité et par la vigilance d'un excellent recteur qui les dirige tous. Mais à cette école florissante on reproche encore deux abus : l'un de consumer en vacances presque la moitié de l'année; l'autre d'admettre dans les classes une trop grande inégalité.

Rien de plus commode sans doute que les congés fréquents, mais rien de plus nuisible; et le moindre mal qui s'ensuit est l'évaporation des esprits, la dissipation des idées, l'interruption de leur chaîne, la perte d'un temps précieux.

L'inégalité dont je parle s'est introduite par une fraude qu'on s'est permise imprudemment. Dans le concours des différents colléges pour disputer les prix, chacun ne songe qu'à sa propre gloire; et pour avoir des écoliers plus forts, ou l'on garde des vétérans, ou des colléges des provinces on fait venir des écoliers plus avancés qu'on ne peut l'être dans la classe où ils sont reçus : en sorte que les jeunes gens qui n'ont fait que suivre de degré en degré le cours de leurs études, quelque application qu'ils yaient mise, et de quelque talent qu'ils soient doués, se sentent faibles, et perdent courage contre des rivaux qui ont sur eux des avantages trop marqués. Il faut absolument que cet abus cesse: sans quoi tous les fruits qu'on a eu lieu d'attendre de l'institution des prix sont perdus pour l'émulation. (Cet abus a cessé. )

ÉGLOGUE. C'est l'imitation des mœurs champêtres dans leur plus agréable simplicité. On peut considérer les bergers dans trois états: ou tels qu'on s'imagine qu'ils ont été dans l'abondance et l'égalité du premier âge, avec l'ingénuité de la nature, la douceur de l'innocence, et la noblesse de la liberté : ou tels qu'ils sont devenus, depuis que l'artifice et la force ont fait des esclaves et des maîtres, réduits à des travaux dégoûtants et pénibles, à des besoins douloureux et grossiers, à des idées basses et tristes; ou tels enfin qu'ils n'ont jamais été, mais tels qu'ils pouvaient être, s'ils avaient conservé assez longtemps leur innocence et leur loisir, pour se polir sans se corrompre, et pour étendre leurs idées sans multiplier leurs besoins. De ces trois états le premier est vraisemblable, le second est réel, le troisième est possible. Dans le premier, le soin des troupeaux, les fleurs, les fruits, le spectacle de la campagne, l'émulation dans les jeux, le charme de la beauté, l'attrait physique de l'amour, partagent toute l'attention et tout l'intérêt des bergers : une imagination riante, mais timide, un sentiment délicat, mais naïf, règnent dans tous leurs discours : rien de réfléchi, rien de raffiné, la nature enfin, mais la nature dans sa fleur: telles sont les mœurs des bergers pris dans l'état d'innocence.

Mais ce genre est peu vaste. Les poëtes, s'y trouvant à l'étroit, se sont répandus, les uns, comme Théocrite, dans l'état de grossièreté et de bassesse; les autres, comme quelques-uns des modernes, dans l'état de culture et de raffinement: les uns et les autres ont manqué d'unité dans le dessin, et ils se sont éloignés de leur but.

L'objet de la poésie pastorale me semble devoir être de présenter aux hommes l'état le plus heureux dont il leur soit permis de jouir, et de les en faire jouir en idée par le charme de l'illusion. Or l'état de grossièreté et de bassesse n'est point cet heureux état. Personne, par exemple, n'est tenté d'envier le sort de deux bergers qui se traitent de voleurs et d'infâmes. ( Virg. Egl. 3. ) D'un autre côté, l'état de raffinement et de culture ne se concilie pas assez dans notre opinion avec l'état d'innocence, pour que le mélange nous en paraisse vraisemblable. Ainsi, plus la poésie pastorale tient de la rusticité ou du raffinement, plus elle s'éloigne de son objet.

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