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(SUITE.

LE TRIÈVES

ET

SON PASSÉ

- Voir les 84, 85, 86, 87°, 90°, 91*, 93o, 94° et 95° livr.)

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Le Trièves, pendant ces guerres fratricides, fut occupé tour à tour par les deux partis qui se le disputèrent avec acharnement; car sa topographie le rendait un point stratégique important, que la nature elle-même s'était plu à fortifier.« Placé en effet entre les deux principaux massifs du Dauphiné, ceux de l'Oisans et du Vercors, entouré de toutes parts de hautes montagnes, excepté du côté du nord-est, que couvre comme un infranchissable fossé le torrent si profondément encaissé du Drac, il présente un large amphithéâtre coupé dans l'intérieur par des ravins impraticables et des chaînes de montagnes escarpées qui s'entrecroisent et peuvent arrêter à chaque pas la marche d'une armée d'invasion.

« La nature, en formant au sein des montagnes ce cirque raviné, semble l'avoir destiné à servir de réduit et de repaire... Mais les montagnes qui l'isolent s'ouvrent par de nombreux défilés, presque inaccessibles à ceux qui en veulent gravir les pentes abruptes, sur toutes les vallées et sur toutes les plaines avoisinantes. Par la route de la Croix-Haute, le maître du Trièves peut descendre, au

midi, sur Sisteron et la Provence; le col de Menée le conduit, à l'ouest,. dans le Diois et le Valentinois; la vallée de la Gresse, ou bien celle de la Matésine le mènent devant Grenoble ; tandis qu'en remontant le bassin du Drac, il peut, par le Champsaur, aller à Gap et de là vers la Provence et l'Embrunois. D'autres routes, mais plus difficiles, pratiquées partout, pendant les guerres de la Réforme, par de hardis compagnons de Mouvans, de Montbrun et de Lesdiguières, pouvaient, en cas de péril ou de nécessité, remplacer celles que nous venons d'indiquer, et conduire des partisans intrépides dans toutes les vallées de la Provence et du Dauphiné. »

Lesdiguières, originaire du Champsaur, se rendit, dans l'année 1572, maître de ce bassin central, en chassa tout adversaire et même tout ami suspect; il s'empara de tous les chemins qui y conduisaient. Ainsi retranché, ce capitaine à la fois prudent et audacieux, put, suivant les circonstances, attendre ou bien attaquer. Le pays était assez étendu pour qu'il ne craignît aucune surprise, assez caché pour qu'il pût les préparer toutes. Dans Mens, bourg fortifié, situé au fond du Trièves, il avait son quartier général, dont le château de Morges fut le premier boulevard. Cette forteresse commandait les deux principales routes qui conduisaient à Mens, celle de Grenoble par la Mure et le pont de Cognet, celle de Gap par Corps. L'Ebron, aux rives abruptes, et qui court dans des gorges horribles, fermait les autres chemins de Mens et de Morges comme d'une retraite plus secrète et plus inabordable dans le grand asile du Trièves.

Pendant dix-huit ans, le renard dauphinois y brava toutes les atteintes, et, malgré les pertes de son parti et les revers de ses chefs ou de ses lieutenants, sut mériter

cet unique éloge « d'avoir toujours été vainqueur et de n'avoir jamais été vaincu ». Il y établit le centre de ses opérations et, heureux et habile, il put d'abord se maintenir contre les catholiques, s'agrandir ensuite à leurs dépens dans toutes les directions, puis dompter les résistances et les antipathies de son propre parti, et finalement arracher à la Ligue et au duc de Savoie le Dauphiné et la Provence (1).

La première guerre de religion éclata à Valence, vers 1562, fin d'avril, par la révolte des protestants contre le gouverneur du Dauphiné, La Motte-Gondrin, et l'assassinat de ce dernier. Il pouvait avoir été sévère, cruel même, contre les hérétiques turbulents et aux tendances dominatrices; du moins c'est ainsi que nous le dépeignent les historiens favorables au parti. Pour justifier sa conduite, il nous faudrait parler des excès, des cruautés par lesquels se signalèrent plusieurs capitaines huguenots et, avant tous, le baron des Adrets; il serait aussi nécessaire de montrer les représailles, étant alors regardées comme une justice, dont trop souvent les catholiques usèrent envers leurs ennemis pour s'en venger; mais ce sujet nous entraînerait trop loin du Trièves.

Sisteron, assiégé par le comte de Tende, gouverneur de Dauphiné, était sur le point d'être emporté d'assaut, lorsque les capitaines Mouvans et Sénas, qui y commandaient pour les réformés, en sortirent pendant la nuit du 14 septembre avec leurs soldats et la population protestante. Ils voulaient se rendre à Lyon, où Soubise les appelait ;

(1) Tout ce qui regarde la topographie du Trièves a été extrait presque textuellement d'Une page de l'histoire des guerres de religion sous le règne de Louis XIII (1621), par M. Ch. Revillout. On ne saurait mieux faire que ce docte professeur de l'Université.

mais, pour échapper à leurs adversaires, ils durent faire de longs détours, qui les conduisirent jusqu'en Piémont. Après avoir enfin traversé le Champsaur, ils arrivèrent, le 25, à Mens, où ils reçurent une généreuse hospitalité et séjournèrent encore le lendemain (1).

En voyant ces fugitifs, les habitants du Trièves pouvaient pressentir les maux qui leur étaient réservés. En effet, bientôt après la chute de Sisteron, pendant que le comte de Tende entrait à Gap et Tallard, ses lieutenants, Gargas, Salettes et Baratier, fondaient sur cette contrée, pillaient corps et biens (2). Au mois de novembre suivant, à la suite de l'insuccès du siège que le sieur de Sassenage avait mis devant Grenoble, Mens retomba au pouvoir des protestants (3), mais pour peu de temps. Maugiron avait essayé divers moyens pour s'emparer de Grenoble (1563), sans pouvoir réussir; alors il s'avança vers le Trièves en passant par la Mure. De cette ville, il envoya Pierre de Briançon, seigneur de Varces, de Morges, seigneur de la Motte-Verdeyer, et de l'Orme pour persuader aux habitants de Mens de se rendre à lui. Pendant le voyage de ses députés, il remarqua que le fort de Cognet, construit sur le territoire de la Mure, était mal gardé et s'en empara. On cria aussitôt à la supercherie, à Mens; on parla très haut de trahison; les envoyés purent cependant retourner sains et saufs vers leur chef, mais sans avoir été écoutés (4).

(1) Arnaud, 1. c., t. I, p. 147.

(2) Histoire ecclésiastique des églises réformées, par Th. de Bèze, t. III, p. 176.

(3) Arn. Ubi suprà, p. 163.- Encore ici, le pasteur Blanc donne, par son récit (p. 62-3), une preuve de son manque de véracité. Le lecteur peut s'en convaincre de visu.

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Maugiron pénétra (20 février) dans le pays qu'il livra au pillage pour faire subsister ses soldats. Ceux-ci y commirent de grands excès, malheureusement ordinaires aux troupes de tous les partis, en ces temps-là; ils pillèrent Mens, incendièrent ses faubourgs ainsi que les villages de St-Pancrace, du Villard, du Percy, du Serre, des Berthon, avec le hameau des Rives (1).

Bèze raconte (2) que la garnison laissée à Mens, sous le commandement de Bernard, après le départ de Maugiron, marchant de nouveau contre Grenoble, ne tarda pas à se révolter contre son chef qu'elle mit à mort. Le prétexte de la rebellion était que Bernard gardait pour lui seul quinze cents écus, fruits de leurs pillages dans le Trièves.

Cependant la première guerre de religion touchait à sa fin. La paix fut signée à Amboise, le 19 mars 1563. L'édit de pacification ne contenta point les protestants, car il ne garantissait la liberté à leur culte que pour les nobles dans leurs châteaux, pour ceux qui habitaient les villes, où il était établi depuis le 7 du même mois de mars, et pour les habitants des faubourgs des villes de baillage. Cette paix, considérée comme une trêve qui permettait aux deux partis de se reposer, dura néanmoins cinq années. On ne la publia qu'au mois de mai, à Mens, par ordre de Maugiron lequel, d'après Bèze (3), trouvant cette ville trop petite, l'abandonna après l'avoir fait démanteler.

Les protestants se plaignaient du peu de liberté accordé par l'édit d'Amboise; il leur était pénible de se voir réduits à ces conditions beaucoup plus douces cependant que

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