صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Vente des îles de l'Eparvière

au profit de l'Ordre de Saint-Ruf.

La piété filiale allonge nos jours; l'oubli de ce devoir les abrège. Les fils ingrats ne sauraient « vivre longuement ». Le Ciel ne tarda pas à punir l'abbaye d'Avignon d'avoir méconnu le plus doux des pères.

Les Albigeois (1156) infestent la Provence ; ils tombent sur Avignon, l'investissent, en dévastent les alentours, envahissent dès les premiers jours la collégiale de St-Ruf établie dans la banlieue (extra muros avenionenses), la pillent et la laissent en ruines.

A leur approche, Raymond, alors abbé, se retire dans l'intérieur d'Avignon: il y attend de meilleurs jours. Après un an (1157) d'illusoire espérance, il prend le parti de chercher une résidence abbatiale qui soit à l'abri de toute invasion.

Odon, de la maison des de Chaponay, alors évêque de Valence, de concert avec son chapitre, lui vend les îles de l'Éparvière à un prix si modique, que les actes relatifs à cette vente la qualifient souvent de donation.

La charte qui minute cette transaction est couverte de signatures, les unes des chanoines de la cathédrale, les autres d'un grand nombre de prieurs de St-Ruf, entre autres << d'Étienne, prieur de St-Jacques à Valence » .

Cet acte public demandait d'être sanctionné par le Souverain-Pontife. Ce fut à Nicolas Breckspeare, le pauvre enfant trouvé, venu d'Angleterre à Valence, devenu pape sous le nom d'Adrien IV, que revint le droit

de cette haute homologation. Elle fut hâtive et du libellé le plus tendre:

Adrien, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à nos très chers fils, l'abbé Raymond et à ses frères les chanoines réguliers de l'église de St-Ruf, salut et bénédiction ;

Nous écoutons d'autant plus volontiers vos justes demandes, que nous aimons tendrement votre Ordre dont nous avons eu autrefois la conduite, et que nous nous intéressons toujours à ce qui regarde son bien et son avantage; c'est dans cette vue que nous confirmons, par notre autorité apostolique, la donation ou vente qui vous a été faite par notre frère Odon, évêque de Valence (1).

Ajoutons que ce dût être pour lui une douceur particulière de conférer la dignité abbatiale à un prieuré qui avait été le vrai bienfaiteur de ses jeunes ans, et où, d'ailleurs, on lui était toujours demeuré dévoué et fidèle.

L'acquisition des îles de l'Éparvière consommée, les religieux de St-Ruf se mirent incontinent à l'oeuvre. Ils commencèrent à bâtir le monastère, le cloître, enfin la basilique abbatiale elle-même.

Les plans et devis, conformément aux règles de la liturgie architecturale, durent être préalablement soumis à l'examen du Pape et à son approbation.

On en prépara les cartons sur le pied d'une magnificence inouïe et à laquelle nous allons voir que la munificence d'Adrien IV, ne demeura pas étrangère.

Cette construction fut un heureux événement pour nos pères. Les abords de l'Éparvière se couvrirent de

(1) Cette bulle est datée de 1158.

chantiers et d'ateliers où se donnèrent rendez-vous les architectes et les artistes décorateurs les plus célèbres. C'est ce qu'attestent communément les documents écrits, les traditions orales et les débris de ces magnificences princières, trop rares, très frustes, mais précis et parfaitement intelligibles, que nous avons sous les yeux.

Les chanoines de St-Ruf, dit M. Olivier dans ses Essais historiques, s'élevèrent dans leur nouvelle résidence une maison abbatiale et une église spacieuses.

Le cloître était de tout l'édifice la partie la plus remarquable. Il était soutenu par des piliers en marbre surchargés de basreliefs représentant les principaux épisodes de l'Ancien et du Nouveau Testament et de l'Apocalypse. Ce couvent fut ruiné pendant les guerres de religion.

On aperçoit encore quelques vestiges de cet édifice sur les ruines duquel s'est élevée une maison fermière. (1)

Ces vestiges disparaissent chaque jour, rongés par le temps ou démolis par un vandalisme vulgairement utilitaire ou une dédaigneuse ignorance des œuvres d'art.

Nous reproduisons ici le peu de fragments qui en subsiste encore pour asseoir nos convictions sur ce qui n'est plus et en fixer le caractère.

La planche 2 représente un pan de mur de l'église abbatiale.

C'est un tronçon de colonne dépossédée presque entièrement des tambours de son fut. Le chapiteau qui la couronne reçoit le sommier de deux arcs. De ce point d'appui, en effet, émergent élégamment deux courbes naissantes dont le tracé accuse deux des grandes arca

(1) Essais historiques sur Valence, par M. J. Olivier, p. 173.

[graphic][merged small]

Travée collatérale de l'église abbatiale de St-Ruf à l'Eparvière.

des qui encadraient évidemment les travées collatérales de l'édifice. Les nervures qui saillent accusent la synthèse des lignes générales: leur tendance ogivale est patente, on la sent en pleine époque de transition.

La façade de l'édifice prioral de St-Ruf, que nos lecteurs peuvent revoir appartient, au contraire, visiblement aux théories romaines; celle de l'Éparvière en diffère à peu près de cent ans comme époque; ces deux architectures corroborent ainsi approximativement l'une par l'autre leurs dates respectives. Et, en effet, l'abbaye de l'Éparvière fut bâtie « illico », immédiatement après l'acquisition du sol, c'est-à-dire en 1158; et il est aisé de conclure, à première vue, que le portail quintilobé (1) (pl. 3) accuse une antériorité de 80 ou

90 ans.

Ce fait ajoute aux vraisemblances si voisines d'une certitude avérée dont nous avons établi le bien fondé touchant les deux Étienne, S. Bruno et leur co-résidence au prieuré de notre ville.

Ce groupe de lignes architectoniques, colonnes, chapiteaux, arcatures naissantes esquissent deux travées du collatéral sud de la basilique abbatiale. Ces travées, courant de l'ouest à l'est, suivaient l'édifice dans la direction que lui imposait l'orientation liturgique invariablement usitée à cette époque.

Les lignes générales ont l'air d'y partir d'un grand jet et comportent l'allure et les dimensions d'un monument de premier ordre.

(1) Monographie de S. Bruno, Bulletin d'Archéologie de la Drôme, t. XXIV.

« السابقةمتابعة »