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questions aux jeunes gens. On leur demandoit, par exemple: «Quel est le plus homme de bien de la ville? «Que dites-vous d'une telle action? » Il falloit que la réponse fût prompte, et accompagnée d'une raison et d'une preuve conçue en peu de mots; car on les accoutumoit de bonne heure au style laconique, c'està-dire, à des manières de parler courtes, précises et pleines de sens.

Quant aux belles-lettres, ils ne s'y appliquoient que pour le besoin. Toutes les sciences étoient bannies de leur pays. Leur étude ne tendoit qu'à savoir obéir, à supporter les travaux, à vaincre dans les combats. Ils avoient pour surintendant de leur éducation un des plus honnêtes hommes de la ville, et des plus qualifiés, qui établissoit sur chaque troupe des maitres d'une sagesse et d'une probité reconnues.

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Afin d'inspirer aux jeunes gens destinés tous à la guerre, plus de finesse et de hardiesse, et pour leur apprendre à pourvoir eux-mêmes à leur subsistance, vol d'une certaine espèce seulement, et qui n'en avoit que le nom, étant autorisé par la loi et par le consentement de tous les citoyens, leur étoit permis, et même commandé. Ils se glissoient le plus adroitement et le plus subtilement qu'ils pouvoient dans les jardins et dans les salles à manger, pour y dérober des herbes ou de la viande; et, s'ils étoient découverts, on les punissoit pour avoir manqué d'adresse. On raconte qu'un d'eux, ayant pris un petit renard, le cacha sous sa robe, et souffrit, sans jeter un seul cri, qu'il lui déchirât le ventre avec les ongles et les dents, jusqu'à ce qu'il tombât mort sur la place. La patience et la fermeté des jeunes Lacédémoniens éclatoient sur-tout dans une fête qu'on célébroit en l'honneur de Diane, surnommée Orthia, où les enfans, sous les yeux de leurs parens, et en présence de toute la ville, se laissoient fouetter jusqu'au sang sur l'autel de cette inhumaine déesse. Quelquefois ils expiroient sous les coups, sans pousser aucun cri, ni même aucun soupir.

13. Il est étonnant que Sparte, cette ville si renommée en matière d'éducation et de politique, ait cru

devoir relâcher quelque chose de la sevérité de sa discipline en faveur des princes qui devoient régner, au lieu que c'étoient eux qui avoient plus besoin que les autres d'être soumis de bonne heure au joug de l'obéissance, pour être dans la suite en état de mieux commander: c'est ce qui n'arriva point au fameux Agésilas. Comme, par les lois, le royaume appartenoit à Agis, son frère aîné, ce prince qui paroissoit devoir passer sa vie dans l'état de simple particulier, avoit été élevé, comme les autres enfans, dans la discipline de Lacédémone, rude, pénible, laborieuse, mais aussi trèspropre à former les enfans à la docilité, à la soumission la plus aveugle. Ainsi ce prince eut cela de particulier, qu'il ne parvint au commandement qu'après avoir par faitement appris à obéir. De là vint que de tous les rois de Sparte, il fut celui qui sut le mieux se faire aimer et estimer de ses sujets, parce que ce prince, aux qualités que lui avoit données la nature, avoit ajouté par l'éducation l'avantage d'être humain et populaire.

14. Les exercices qui servoient à former, soit le corps, soit l'esprit des jeunes Athéniens, étoient la danse, la musique, la chasse, l'art de faire des armes et de monter à cheval, l'étude des belles-lettres, et celle des sciences.

La danse est un des exercices du corps que les Grecs ont cultivé avec le plus de soin. Elle avoit pour objet de former aux mouvemens les plus propres à rendre la taille libre et dégagée, à donner au corps une belle proportion, et à toute la personne cet air aisé, noble et gracieux, qui caractérise ceux qui y ont été exercés de bonne heure.

La musique n'étoit pas cultivée avec moins d'application, ni moins de succès. Les anciens lui attribuoient des effets merveilleux. Ils la croyoient très-propre à calmer les passions, à adoucir les mœurs, et même à humaniser les peuples naturellement sauvages et barbares.

On prenoit encore avec assiduité des lecons des maîtres de palestres. On appeloit palestres ou gymnases, les lieux destinés à ces sortes d'exercices; ce

qui répondoit à peu près à nos académies. Ils rendoient le corps plus léger, plus propre à la course; plus ferme, plus robuste, plus souple, plus capable de soutenir de grandes fatigues, et de faire de grands efforts.

D'autres maîtres apprenoient à la jeunesse à monter à cheval, à faire des armes, et leur développoient tout ce qu'il faut savoir pour exceller dans l'art militaire, et pour devenir un bon commandant. Afin de joindre, en quelque sorte, les exemples aux préceptes, on accoutumoit de bonne heure les jeunes gens aux exercices de la chasse, qui étoient pour eux une image de la guerre. C'est dans les forêts qu'ils se familiarisoient avec la faim, la soif, le chaud, le froid, la fatigue. Ils contractoient l'heureuse habitude de n'être rebutés ni par la longueur de la course, ni par l'âpreté des lieux difficiles et des broussailles qu'il faut souvent percer, ni par le peu de succès des longs et pénibles travaux qu'on essuie quelquefois inutilement.

Après les exercices du corps, venoient ceux de l'esprit. Athènes étoit, à proprement parler, l'école et le domicile des beaux-arts et des sciences. Poésie, éloquence, philosophie, mathématiques, tels étoient les utiles amusemens de la jeunesse athénienne. D'abord on envoyoit les enfans chez des maîtres de grammaire, qui leur apprenoient régulièrement, et par principes, leur propre langue, qui leur en faisoient sentir toute la beauté, toute la richesse, l'énergie, le nombre et la cadence. De là cette finesse de goût répandu généralement dans Athènes, où l'histoire nous apprend qu'une simple vendeuse d'herbes s'apercut, à la seule affectation d'un mot, que Théophraste étoit étranger. Cephilosophe contestoit avec elle sur le prix d'une salade; il emploie une expression qui n'étoit pas åttique : « Allez, « monsieur l'étranger, lui dit la marchande, vous ne <<< l'aurez pas à moins. » De là cette crainte qu'avoient les orateurs de blesser, par quelque terme peu concerté, des oreilles si délicates. Il étoit ordinaire parmi les jeunes gens d'apprendre par cœur toutes les tragédies nouvelles, et les meilleurs morceaux de poésie. Quant à l'éloquence, il n'est pas étonnant qu'on en

fit une étude particulière à Athènes. Elle ouvroit la porte aux premières charges; elle dominoit dans les assemblées; elle décidoit des plus importantes affaires de l'Etat ; elle donnoit un pouvoir presque souverain à ceux qui avoient le talent de bien manier la parole. C'etoit donc là la grande occupation des jeunes citoyens d'Athènes, sur-tout de ceux qui aspiroient aux premières places. A l'étude de la rhétorique, ils joignoient celle de la philosophie, c'est-à-dire, de toutes les sciences qui sont comprises sous ce terme générique.

15. Philopémen, l'un des plus grands guerriers qui aient illustré la Grèce, et qui fut appelé le dernier des Grecs, dut aux soins paternels de Cassandre, son tuteur, les grandes qualités qui l'immortalisèrent. Au sortir de l'enfance, il fut mis entre les mains d'Ecdémus et de Démophane, citoyens de Mégalopolis, disciples d'Arcélisas, fondateur de la nouvelle académie. Le but de la philosophie, dans ces temps-là, étoit de porter les hommes à servir leur patrie, de les former, par ses préceptes, au gouvernement de la république, et au maniement des grandes affaires. Philopémen écoutoit volontiers les discours des philosophes, et lisoit avec plaisir leurs traités, non pas tous indifféremment, mais seulement ceux qui pouvoient l'aider à faire du progrès dans la vertu. Il aimoit sur-tout à lire les traités d'Evangelus, qu'on appeloit les Tactiques, parce qu'ils enseignent l'art de ranger les troupes eu bataille, et les histoires de la vie d'Alexandre. De toutes les grandes idées d'Homère, il ne cherchoit et ne retenoit que celles qui peuvent aiguiser le courage, et porter à de grandes actions. Aussi, dès son enfance, la guerre futelle son unique passion, et son digne tuteur eut soin de fortifier en lui cette noble et généreuse ardeur. Il alloit sans cesse avec les guerriers: il ne s'appliquoit volontiers qu'aux exercices qui pouvoient le rendre propre à sa profession chérie. Il combattoit armé : il montoit à cheval; il lançoit le javelot; et, comme il paroissoit très-bien formé et très-bien constitué pour la lutte, et que quelques amis particuliers l'exhortoient

à s'y appliquer, il leur demanda si l'exercice des athle tes étoit propre à faire un bon soldat? Ils ne purent s'empêcher de lui répondre que la vie des athletes, obligés de garder un régime fixe et réglé, de prendre de certaines nourritures, et toujours aux mêmes heures, et de donner un certain temps au sommeil pour conserver leur embonpoint qui faisoit la plus grande partie de leur mérite, étoit toute différente de celle des gens de guerre, qui sont souvent dans la nécessité de supporter la faim et la soif, le froid et le chaud, et qui n'ont point toujours des heures marquées ni pour la nourriture, ni pour le repos. Depuis cette réponse, il eut un souverain mépris pour les exercices athlétiques, ne les jugeant d'aucune utilité pour le bien public, et les trouvant par cela même pen dignes d'un homme qui a quelqu'élévation, quelques talens, quelqu'amour pour sa patrie.

Dès qu'il fut sorti des mains de ses gouverneurs et de ses maîtres, il se mit dans les troupes que la ville de Mégalopolis envoyoit faire des courses dans la Laconie, pour piller et pour en emmener des troupeaux et des esclaves; et, dans toutes ces courses, il étoit toujours le premier quand on sortoit, et le dernier quand on revenoit. Tout ce qu'il gagnoit à la guerre, il le dépensoit en chevaux et en armes, ou bien il l'employoit à payer la rancon de ceux de ses concitoyens qui avoient été faits prisonniers. I tâchoit d'augmenter son revenu, en mettant lui-même ses terres en valeur, durant le loisir de la paix, et il ne se contentoit pas de s'y arrêter en passant, et pour son seul plaisir; mais il y donnoit tous ses soins, persuadé qu'il n'y a rien qui convienne plus à un homme de probité et d'honneur, que de faire profiter son bien, en s'abstenant de celui des autres. Le soir il se jetoit sur une méchante paillasse, comme ses esclaves, et passoit ainsi la nuit. Le lendemain, à la pointe du jour, il alloit avec ses vignerons travailler à la vigne, ou mener la charrue avec ses laboureurs, ou bien il alloit à la chasse, afin de se rendre plus robuste et plus léger; après quoi il s'en retournoit à la ville, pour vaquer aux affaires publiques, avec ses amis et les magistrats.

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