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16. Tout conspiroit à inspirer aux Romains une ardeur martiale. Les guerres continuelles qu'ils eurent à soutenir contre leurs voisins leur rendirent le métier des armes nécessaire et familier. Le labour, qui faisoit leur occupation ordinaire, les préparoit merveilleusement aux exercices militaires. Le rude travail de la campagne endurcit et fortifie le soldat, au lieu que la ville n'est propre qu'à l'amollir. Nulles fatigues ne rebutent des mains qui passent de la charrue aux armes. On a peine à croire ce que les auteurs nous disent des soldats romains. On les accoutumoit à faire, en cinq heures, vingt, et quelquefois vingt-quatre milles de chemin, c'est-à-dire, au moins six ou sept lieues. Pendant ces marches, on leur faisoit porter des poids de soixante livres. On les entretenoit dans l'habitude de courir et de sauter tout armés. Combien les jeunes Romains s'endurcissoient-ils par les exercices du Champ-de-Mars, où, après de longues courses à pied et à cheval, ils se jetoient, pleins de sueur, dans le Tibre, et le passoient à la nage! Voilà de quoi ils se piquoient, et voilà ce qui formoit les soldats et les officiers. La jeunesse romaine, dit Salluste, dès qu'elle étoit en état de porter les armes, apprenoit le métier de la guerre, en s'exerçant dans le camp aux plus rudes travaux. Elle se piquoit, non de donner des repas, ou de se livrer aux plaisirs, mais d'avoir de belles armes et de beaux chevaux. Aussi nulles fatigues ne lassoient de tels hommes, nulles difficultés ne les rebutoient, nulennemine leur inspiroit de la frayeur.Leur courage les rendoit supérieurs à tout. Nul combat plus vif et plus animé pour eux que celui de l'émulation qui les portoit à se disputer les uns aux autres le prix de la gloire. Frapper l'ennemi, escalader une muraille, se faire distinguer par quelque action hardie, c'étoit là toute leur ambition; c'est par où ils cherchoient à se faire estimer; c'est en quoi ils croyoient que consistoit la véritable noblessc. Les soldats, endurcis de la sorte dès leurs plus tendres années, jouissoient ordinairement d'une santé robuste. On ne remarque pas, dans les auteurs, que les armées romaines, qui faisoient la guerre en tant de climats, périssent beau

coup par les maladies; au lieu qu'il arrive souvent aujourd'hui que les armées, sans avoir combattu, se fondent, pour ainsi dire, dans une seule campagne.

17. Henri de Mesmes, l'un des plus illustres magistrats du seizième siècle, raconte en ces termes la manière dont il fut élevé. « Mon père, dit-il, me donna « pour précepteur Jean Maludun, Limousin, disciple << de Dauzat, homme savant, choisi pour sa vie inno<< cente, d'âge convenable à conduire ma jeunesse, << jusqu'à temps que je me susse gouverner moi-même, <«< comme il fit; car il avanca tellement ses études, par << veilles et travaux incroyables, qu'il alla toujours aussi << avant devant moi, comme il étoit requis pour m'en<< seigner, et ne sortit de sa charge, sinon lorsque j'en<< trai en office. Avec lui et mon puis-né Jean-Jacques « de Mesmes, je fus mis au collège de Bourgogne, dès << l'an 1542, en la troisième classe; puis je fis un an peu << moins de la première. Mon père disoit qu'en cette << nourriture du collége, il avoit eu deux regards; l'un, « à la conversation de la jeunesse gaie et innocente; « l'autre, à la discipline scholastique, pour nous faire << oublier les mignardises de la maison, et comme pour << nous dégorger en eau courante. Je trouve que ces << dix-huit mois de collége me firent assez bien. J'ap<< pris à répéter, disputer et haranguer en public; pris << connoissance d'honnêtes enfans, dont aucuns vivent <<< aujourd'hui ; appris la vie frugale de la scholarité, et << à régler mes heures : tellement que sortant de là, je <«< récitai en public plusieurs vers latins, et deux mille « vers grecs, faits selon l'âge; recitai Homère par cœur « d'un bout à l'autre. Qui fut cause, après cela, que << j'étois bien vu par les premiers hommes du temps, et << mon précepteur me menoit quelquefois chez Lazarus « Baifius, Tusanus, Strazellius, Castillanus et Dace«sius, avec honneur et progrès aux lettres. L'an 1545, <«<je fus envoyé à Toulouse, pour étudier en lois, << avec mon précepteur et mon frère sous la con< << duite d'an vieil gentilhomme tout blanc, qui avoit << long-temps voyagé par le monde. Nous fumes trois

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« ans auditeurs, en plus étroites et pénibles études << que ceux de maintenant ne voudroient supporter.

Nous étions debout à quatre heures, et, ayant prié <«< Dieu, allions à cinq heures aux études, nos gros « livres sous le bras, nos écritoires et nos chandeliers <«< à la main. Nous oyons toutes les lectures jusqu'à << dix heures sonnées, sans intermission; puis venions « dîner, après avoir en hâte conféré demi-heure ce << qu'avions écrit des lectures. Après dîner, nous lisions, « par forme de jeu, Sophocles, ou Aristophanes, ou « Euripides, et quelquefois Démosthènes, Cicero, <«< Virgilius, Horatius. A une heure, aux études; « à cinq, au logis, à répéter et voir dans nos livres << les lieux allégués, jusqu'après six ; puis nous son<«<pions, et lisions en grec ou en latin. Les fêtes, à << la grand❜messe et vêpres. Au reste du jour, un peu « de musique et de pourmenoir. Quelquefois nous « allions diner chez nos amis paternels, qui nous in<<< vitoient plus souvent qu'on ne nous y vouloit mener. << Le reste du jour, aux livres, et avions ordinaire<< ment avec nous Hadrianus Turnebus, et Dionysius << Lambynus, et autres savans du temps. »>

18. Diogène voyant un jeune homme se comporter avec indécence, se mit à battre son précepteur, en lui disant : << Est-ce ainsi, misérable, que tu formes << nos citoyens ? »

19. Le défaut ordinaire des gouverneurs et de tous ceux qui travaillent à l'éducation des princes, est de les flatter dans leurs caprices. C'est ce que fit trèsbien sentir, un jour, le domestique d'un prince par une expression vive et plaisante. On lui demandoit ce que ce jeune seigneur, qui venoit d'achever ses études et ses exercices, avoit le mieux appris ? « C'est, répondit-il, à monter à cheval, parce que << ses chevaux ne l'ont pas flatté. »

zo. L'éducation anglaise se trouve, pour ainsi dire, noyée dans les auteurs classiques: c'est un reproche qu'on lui fait depuis long-temps. Le célèbre Bentley en offre une preuve. Dans un voyage qu'il fit en France,

il alla voir la comtesse de Ferrers. Il trouva chez cette dame une compagnie très-nombreuse, au milieu de laquelle il fut si embarrassé, qu'il ne savoit quelle contenance tenir. Las de cette situation pénible qu'il sentoit lui-même, il se retira. Dès qu'il fut sorti, on demanda à la comtesse ce que c'étoit que cet homme, qu'on trouvoit très-ridicule, et sur lequel chacun disoit son mot. « C'est un homme si savant, répondit << la comtesse, qu'il peut vous dire en grec et en << hébreu ce que c'est qu'une chaise, mais qui ne << sait pas s'en servir. »

21. Une dame d'esprit avoit un fils, et craignoit si fort de le rendre malade en le contredisant, qu'il étoit devenu un petit tyran, et entroit en fureur à la moindre résistance qu'on osoit faire à ses volontés les plus bizarres. Le mari de cette dame, ses parens, ses amis, lui représentoient qu'elle perdoit ce fils chéri; tout étoit inutile. Un jour qu'elle étoit dans sa chambre, elle entendit son fils qui pleuroit dans la cour: il s'égratignoit le visage de rage, parce qu'un domestique lui refusoit une chose qu'il vouloit. « Vous êtes bien impertinent, << dit-elle à ce valet, de ne pas donner à cet enfant ce << qu'il demande : obéissez-lui tout à l'heure.- Par ma « foi, madame, répondit le valet, il pourroit crier jus<< qu'à demain, qu'il ne l'auroit pas. » A ces mots, la dame devint furieuse et prête à tomber en convulsion. Elle court; et passant dans une salle où étoit son mari, avec quelques-uns de ses amis, elle le prie de la suivre, et de mettre dehors l'impudent qui lui résiste. Le mari, qui étoit aussi foible pour sa femme, qu'elle l'étoit pour son fils, la suit en levant les épaules; et la compagnie se mit à la fenêtre, pour voir de quoi il étoit question. <<< Insolent, dit-il au valet, comment avez-vous la har<< diesse de désobéir à madame, en refusant à l'enfant << ce qu'il vous demande? - En vérité, mousieur, dit <«<le valet, madame n'a qu'à le lui donner elle-même. << Il y a un quart-d'heure qu'il a vu la lune dans un seau << d'eau, et il veut que je la lui donne. » A ces paroles, le mari et toute la compagnie ne purent retenir de grands éclats de rire. La dame elle-même, malgré sa

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colère, ne put s'empêcher de rire aussi ; ensuite elle fut si honteuse de cette scène, qu'elle se corrigea, et parvint à faire un aimable enfant de ce petit être maussade et volontaire. Bien des mères auroient besoin d'une pareille aventure. Voyez AMOUR PATERNEL.

EGALITÉ D'AME.

1. Un des sept sages de la Grèce, Bias, disoit ordi

nairement qu'un homme qui ne pouvoit supporter l'infortune étoit véritablement malheureux. Ce philosophe agissoit d'une manière conforme à sa doctrine. La ville de Prienne, sa patrie, étoit en proie aux ennemis. Les citoyens tremblans prenoient la fuite, et chacun emportoit à la hâte ce qu'il avoit de plus précieux. Au milieu du tumulte, au milieu des cris du désespoir, le seul Bias étoit tranquille lui seul ne voulut se charger de rien; et comme on lui demandoit la raison de cette indifférence: «Qu'ai-je à perdre, ré<«<pondit-il ? n'ai-je pas toutes mes richesses avec moi ?»

2. Caton le jeune ayant demandé le consulat, fut refusé presque d'une voix unanime; mais cette disgrace, loin d'abattre son courage, fit briller avec plus d'éclat sa magnanime fermeté. On trouvoit mauvais que Sulpicius, qui lui avoit de grandes obligations, se fût déclaré son compétiteur: « Est-il surprenant, dit-il, qu'on ne veuille pas céder à un autre ce que <<< l'on regarde comme le plus grand des biens? » Ordinairement le jour où le candidat avoit manqué une charge qu'il demandoit, étoit un jour de deuil pour lui, pour ses proches, pour ses amis; souvent même la douleur et la honte faisoient que l'on se tenoit long-temps caché. Caton ne changea rien dans sa manière de vivre. On le vit, le jour même, jouer à la longue pauine dans le Champ-de-Mars, et ensuite se promener avec ses amis, d'un air aussi tranquille que s'il ne lui fût rien arrivé de fàcheux.

3. La ville de Messène s'étoit détachée de la ligue

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