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et l'un des cinq fit sur-le-champ un couplet fort sanglant sur le ministre. Le lendemain, à neuf heures du matin, le ministre envoie dire à l'auteur du couplet qu'il vînt lui parler. Il fut surpris de ce message. Il n'avoit avec le ministre ancune relation. Il étoit Gascon, et libre d'affaires. Il ne songea à rien moins qu'à sa chanson. Il va chez le ministre : « Monsieur, lui dit-il, dès qu'il <«<le tint dans son cabinet, que vous ai-je fait?--Vous, << monseigneur, répondit le Gascon ? ni bien ni mal. << Eh bien ! si je ne vous ai point fait de mal, pourquoi << voulez-vous m'en faire ? Moi, monseigneur ! << Tenez, connoissez-vous cet écrit? n'êtes-vous point << l'auteur de ce couplet charitable?-Ciel! que vois-je? « Quelle trahison ! Cependant, monseigneur, souffrez <que je vous dise que ce couplet vous justifie. Si vous << êtes toujours aussi bien servi en espions, il ne vous << sera pas difficile de soutenir la réputation de grand << ministre. Mais pourquoi me déchirer ainsi? parlez? << pourquoi ? Pourquoi ? monseigneur, pourquoi ? « Que voulez-vous que je vous dise? J'ai cru être avec « quatre de mes amis, et je vois que tout au moins << un des quatre est un traître. - Laissous-là le traitre << et la trahison; il n'est question que de vous et de << votre mauvais esprit. Pourquoi me déchirez-vous? «-Monseigneur, que vous répondre ? C'est la mode << de faire des chansons contre vous. Les Français ai« ment la mode, et je suis Français. Allez, mon<< sieur ; votre esprit qui vous tire d'affaire; allez en << paix, et ne péchez plus. Monseigneur, votre ab« solution me corrige. Ou je n'irai plus au Parnasse, << ou j'irai vous y chanter sur un ton bien différent. << - Je vous le conseille. - Ah! monseigneur, je vais <<< dans le moment profiter de l'avis. » Il alla faire à la gloire du ministre un fort joli ouvrage, qu'il vint lui présenter dès le lendemain à la même heure. Il en eut une pension, et fut toujours bien traité.

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4. Les comédiens français voulant empêcher ceux de la comédie italienne de parler francais, le roi voulut juger ce différent. La troupe des Français députa le célèbre Baron; et celle des Italiens, le fameux

Dominique, connu sous le nom d'Arlequin. Baron parla le premier; et ayant fini son discours, Arlequin, après quelques pantomimes de caractère, demanda à sa majesté comment elle souhaitoit qu'il parlat ? Le roi, ne pensant point à l'équivoque d'Arlequin, lui dit : << Parles comme tu voudras. - Oh! cela étant, sire, ré«pondit Dominique, je n'en veux pas davantage : ma <«< cause est gagnée. » Louis XIV riant de la surprise,dit: << La parole m'est échappée ; je ne veux point la retirer: <<< ainsi les Italiens continueront de parler français. »

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5. Un officier gascon, demandant au ministre de la guerre ses appointemens, lui représenta qu'il étoit en danger de mourir de faim. Le ministre lui voyant un visage plein et vermeil, lui répondit que son visage le démentoit. «Ne vous y méprenez pas, monsel« gneur, lui dit le Gascon, ce visage n'est pas à moi; « je le dois à mon hôtesse, qui me fait crédit depuis << long-temps. » Cette repartie ingénieuse lui valut dans le moment une avance considérable.

6. M. Dufresny vouloit obtenir du duc d'Orléans, régent de France, une gratification. Une foule de gens en demandoit; et, pour avoir la préférence, il falloit s'y prendre avec esprit auprès d'un prince qui en avoit beaucoup. Il lui présenta un placet : « Pour votre << gloire, monseigneur, il faut laisser Dufresny dans << son extrême pauvreté, afin qu'il reste au moins un << seul homme dans une situation qui fasse souvenir <«<que tout le royaume étoit aussi pauvre que Du«fresny, avant que vous y eussiez mis la main. » Par ce tour ingénieux et flatteur, il obtint plus qu'il ne demandoit. Voyez ADRESSE D'ESPRIT, JUSTESSE.

ESTIM E.

1. ESCHINE désiroit d'être recu au nombre des disciples de Socrate; mais voyant qu'ils lui faisoient de riches présens, il craignoit d'être rebuté à cause de son extrême indigence. « O le plus sage des Grecs.!

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dit-il à ce philosophe je ne puis rien vous offrir « que moi-même, et tout ce que je suis; daignez << accepter avec bonté ce foible présent, si toutefois «< il mérite ce nom. Vous vous estimez donc bien << peu, lui dit Socrate! Vous comptez donc pour rien « le présent que vous me faites de vous-même ? En« trez, et je m'efforcerai de vous rendre estimable à << vos propres yeux. »

2. Après la célèbre bataille de Platée, un des premiers citoyens d'Egine, ville de la Grèce, vint exhorter Pausanias, roi de Lacédémone, à venger l'affront que Mardonius et Xerxès avoient fait à Léonidas dont le corps mort avoit été attaché par leur ordre à une potence, et le pressa de traiter de la même sorte le corps du général persan. Pour l'y porter plus fortement, il ajoutoit que satisfaire ainsi aux manes de ceux qui avoient été tués aux Thermopyles, c'étoit un moyen sûr d'immortaliser son nom parmi tous les Grecs, et pendant la durée de tous les siècles. « Portez ailleurs vos lâches conseils, lui répliqua Pausa«sanias. Il faut que vous vous entendiez bien mal en « vraie gloire, de penser que j'en doive acquérir beau> coup, en me rendant semblable aux Barbares. S'il faut agir ainsi pour plaire à ceux d'Egine, j'aime « mieux me conserver l'estime des Lacédémoniens << chez qui l'on ne met point en comparaison le bas et << indigne plaisir de la vengeance, avec celui de montrer << de la clémence et de la modération à l'égard de no's << ennemis, et sur-tout après la mort. Pour ce qui re<< garde les manes des Spartiates, ils sont suffisamment « vengés par la mort de tant de milliers de Perses qui << sont demeurés sur la place dans le dernier combat.>> 3. L'amour du bien public étoit le grand mobile de toutes les actions du célèbre Aristide. On admiroit en ee grand homme la constance et la fermeté dans les changemens imprévus auxquels sont exposés ceux qui se mêlent du gouvernement, ne se laissant ni élever par les honneurs qu'on lui rendoit, ni abattre par les mépris et les refus qu'il avoit quelquefois à essuyer. L'estime générale qu'on faisoit de la droiture de ses

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intentions, de la pureté de son zèle pour les intérêtsde l'état, et de la sincérité de sa vertu, parut un jour où l'on jouoit une pièce du poète Eschyle. L'acteur ayant récité ce vers qui contenoit l'éloge d'Amphiaraus, «}} « est moins jaloux de paroître homme de bien et juste, « que de l'être en effet, » tout le monde jeta les yeux sur lui, et lui en fit l'application.

4. Timoléon, après avoir rendu la liberté à Syracuse, avoit fixé son séjour dans cette ville. Parvenu à une extrême vieillesse, il perdit entièrement l'usage de la vue. Cette infirmité ne diminua rien du respect et de l'estime qu'on avoit pour ce grand homme. Lorsque dans les assemblées publiques il survenoit quelques affaires difficiles et épineuses, les Syracusains lui envoyoient un char à deux chevaux, le priant de venir leur dire sou avis. Il traversoit la place, se rendoit au théâtre, et, monté sur ce char où triomphoit la sublime vertu, il étoit introduit dans l'assemblée. A son arrivée, tout le peuple se levoit, le saluoit, et le bénissoit d'une voix unanime. Timoléon saluoit à son tour les assistans d'un air doux et affable; et, après avoir donné quelque temps à ce torrent d'acclamations et d'éloges, il entendoit l'affaire dont il étoit question, en disoit son avis, qui toujours étoit suivi religieusement. Ses domestiques le ramenoient ensuite au travers du théâtre; et ses concitoyens, après l'avoir reconduit avec les mêmes applaudissemens, expédioient les autres affaires qui ne demandoient point sa présence. Venoit-il quelques étrangers à Syracuse, on les conduisoit à la maison du père de la patrie, afin qu'ils vissent le bienfaiteur et le libérateur de la plus grande ville de la Sicile. L'estime publique lui rendit encore de plus grands honneurs après sa mort. Rien ne manqua à la magnificence de ses obsèques; mais le plus bel ornement furent les larmes mêlées aux bénédictions dont chacun s'empressoit d'honorer sa mémoire. Il fut ordonné qu'à l'avenir, toutes les années, le jour de son décès, on célébreroit en son honneur des jeux solennels, et qu'on feroit des courses de chevaux. Ce qu'il y eut de plus flatteur pour la mémoire de ce héros, fut le décret par lequel le peuple

de Syracuse arrêta que toutes les fois que la Sicile seroit en guerre avec les étrangers, elle prendroit un général à Corinthe.

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5. L'immortel Newton a eu le bonheur singulier de jouir, pendant sa vie, de tout ce qu'il désiroit; bien différent de Descartes, qui n'a reçu que des honneurs posthumes. Les Anglais n'en honorent pas moins les grands talens, pour être nés chez eux. Loin de chercher à les rabaisser par des critiques injurieuses; loin d'applaudir à l'envie qui les attaque, ils concourent à les élever; et cette grande liberté, qui les divise sur les points les plus importans, ne les empêche pas de se réunir sur l'estime due au véritable mérite. Ils sentent tous combien la gloire de l'esprit doit être précieuse à un état, et ce qui peut la procurer à leur patrie leur devient infiniment cher. Tous les savans d'un pays qui en produit tant, mirent Newton à leur tête, et par une espèce d'acclamation unanime, ils le reconnurent pour chef et pour maître. Un rebelle n'eût osés'élever; on n'eût pas même souffert un médiocre admirateur. Sa philosophie a été adoptée par toute l'Angleterre ; elle domine dans la société royale, et dans tous les excellens ouvrages qui en sont sortis, comme si elle étoit déjà consacrée par le respect d'une longue suite de siècles. Enfin il a été révéré au point que la mort ne pouvoit plus lui produire de nouveaux honneurs : il a vu son apothéose. La reine Anne le fit chevalier titre d'honneur, qui marque du moins que son nom étoit allé jusqu'au trône, où les noms les plus illustres en ce genre ne parviennent pas toujours. Il fut plus connu que jamais à la cour, sous le roi George. La princesse de Galles, depuis, reine d'Angleterre, l'entretenoit, le consultoit souvent, et ne pouvoit être satisfaite que par lui. Elle disoit souvent publiquement qu'elle se tenoit heureuse de vivre de son temps et de le connoître. Quand ileut rendu l'esprit, son corps fut exposé sur un lit de parade dans la chambre de Jérusalem, endroit d'où l'on porte au lieu de leur sépulture les personnes du plus haut rang, et quelquefois les têtes couronnées. On l'inhuma dans l'abbaye de Westminster, le poêle étant

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