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mettroit le comble à leur joie et à leur reconnoissance, Scipion ne put résister à des prières si vives et si pressantes: il leur dit qu'il acceptoit ce don, et le fit mettre à ses pieds. Alors, s'adressant à Allucius : « J'ajoute, << dit-il, à la dot que vous devez recevoir de votre << beau-père, cette somme que je vous prie d'accepter << comme un présent de noces. » Ce jeune prince, charmé de la libéralité et de la politesse de Scipion, alla publier dans son pays les louanges d'un si généreux vainqueur. Il s'écrioit, dans les transports de sa reconnoissance, qu'il étoit venu dans l'Espagne un jeune héros semblable aux dieux, qui se soumettoit tout, moins encore par la force de ses armes, que par les charmes de ses vertus et la grandeur de ses bienfaits. C'est pourquoi, ayant fait des levées dans tout le pays qui lui étoit soumis, il revint, quelques jours après, trouver Scipion avec un corps de quatorze cents cavaliers. Allucius, pour rendre plus durables les marques de sa reconnoissance, fit graver dans la suite l'action que nous venons de rapporter, sur un bouclier d'argent dont il fit présent au général romain; présent infiniment estimable et plus glorieux que tous les triomphes.

Ce bouclier, que Scipion emporta avec lui en retour, nant à Rome, périt au passage du Rhône avec une pártie du bagage. Il étoit demeuré dans ce fleuve jusqu'à l'an 1665, que quelques pêcheurs le trouvèrent ; et c'est aujourd'hui l'une de ces pièces précieuses qui embelJissent le cabinet du roi.

21. M. Thomson, l'auteur du poëme des Saisons, ne jouit pas tout de suite d'une fortune égale à son mérite et à sa réputation. Dans le temps même que ses ouvrages avoient la plus grande vogue, il étoit réduit aux extrémités les plus désagréables. Il avoit été forcé de faire beaucoup de dettes: un de ses créanciers, immédiatement après la publication de son poëme des Saisons, le fit arrêter dans l'espérance d'être bientôt payé par l'imprimeur. M. Quin, comédien, apprit le malheur de Thomson: il ne le connoissoit que par son poëme; et ne bornant pas à le plaindre, comme une infinité de gens riches et en état de le sécourir, il se

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rendit chez le bailli, où Thomson avoit été conduit. I obtint facilement la permission de le voir. « Monsieur, <«<lui dit-il, je ne crois pas avoir l'honneur d'être connu << de vous, mais mon nom est Quin. » Le poète lui répondit que, quoiqu'il ne le connût pas personnellement, son nom et son mérite ne lui étoient pas étrangers. Quin le pria de lui permettre de souper avec lui, et de ne pas trouver mauvais qu'il eût fait apprêter quelques plats. Le repas fut gai. Lorsque le dessert fut arrivé: « Parlons d'affaires à présent, lui dit Quin; << en voici le moment. Vous êtes mon créancier, M. « Thomson; je vous dois cent livres sterling, et je viens « vous les payer. » Thomson prit un air grave, et se plaignit de ce qu'on abusoit de son infortune pour venir l'insulter. «Que je ne sois pas homme, reprit le comé<«< dien, si c'est là mon intention; voilà un billet de « banque qui vous prouvera ma sincérité. A l'égard de la dette que j'acquitte, voici comment elle a été con« tractée. J'ai In l'autre jour votre poëme des Saisons; << le plaisir qu'il m'a fait méritoit ma reconnoissance : << il m'est venu dans l'idée que, puisque j'avois quel«ques biens dans le monde, je devois faire mon testa<< ment, et laisser de petits legs à ceux à qui j'avois des « obligations. En conséquence, j'ai légué cent livres « sterling à l'auteur du poëme des Saisons. Ce matin << j'ai entendu dire que vous étiez dans cette maison; et <«j'ai imaginé que je pouvois aussi-bien me donner le plaisir de vous payer mon legs pendant qu'il vous << seroit utile, que de laisser ce soin à mon exécuteur << testamentaire, qui n'auroit peut-être l'occasion de << s'en acquitter que lorsque vous n'en auriez plus « besoin. » Un présent fait de cette manière, et dans une pareille circonstance, ne pouvoit manquer d'être accepté, et il le fut avec beaucoup de reconnoissance."

22. L'une des plus belles vertus d'Antiochus-leGrand, roi de Syrie, étoit la générosité. Ce prince assiégeoit Jérusalem les Juifs lui demandèrent une suspension d'armes de sept jours, pour célébrer leur fête la plus solennelle. Non-seulement le monarque leur accorda de bon cœur l'armistice qu'ils demandoient,

mais il fit aussi dorer les cornes d'un grand nombre de taureaux, et préparer les parfums les plus exquis; conduisit lui-même le tout en procession jusqu'à la porte de la ville, et le remit aux prêtres. Les assiégés, enchantés de sa pieuse libéralité, se rendirent, après la fête, à ce roi généreux.

Le fils de Scipion l'Africain ayant été pris par des soldats du roi Antiochus, ce prince le recut avec beaucoup d'amitié, lui fit de magnifiques présens, et le renvoya sans rancon à son père. Scipion l'Africain, vainqueur d'Annibal dans les plaines de Zama', étoit alors lieutenant-général de son frère Scipion, qui cette guerre valut le surnom d'Asiatique. Le procédé du monarque syrien est d'autant plus noble que le père et l'oncle du jeune prisonnier l'avoient déjà dépouillé d'une partie de ses états en Asie.

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23. Taxile, qui régnoit dans les Indes sur un pays aussi fertile et non moins étendu que l'Egypte, et qui d'ailleurs étoit un homme sage, voyant qu'Alexandre se disposoit à porter la guerre dans son pays, vint saluer ce conquérant, et lui dit : « Roi de Macédoine, << si tu ne viens point ici pour nous priver de l'eau et << des autres choses qui nous sont nécessaires pour « notre nourriture, qu'est-il besoin de tirer l'épée ? « Quant aux richesses, si j'en ai plus que toi, je suis << prêt à t'en faire part; si celles que tu possèdes sont << supérieures aux miennes, je ne refuserai pas ce que « tu m'en voudras donner. » Alexandre, étonné de ce discours, lui répondit en l'embrassant : « Crois-tu « donc, avec ces belles paroles et ces caresses aimables, que notre entrevue se passera sans combattre? Non; «<je te combattrai de politesse et de générosité, pour que tu ne me surpasses pas en bienfaisance et en << grandeur d'ame. » Il recut de riches présens de Taxile, auquel il en fit de plus considérables; et dans un souper il but à la santé de ce prince, en lui disant : « Je bois à toi mille talens d'or monnayé. » Ce présent, qui fàcha ses amis, lui gagna les cœurs de plusieurs princes et seigneurs du pays.

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24. Le chevalier Bayard, ayant enlevé un trésorier

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espagnol chargé d'une somme de quinze mille ducats, étala tout cet argent sur une table à son retour au camp. Un de ses amis, nommé Tardieu, arriva; et,' comme il l'avoit accompagné dans cette entreprise, il prétendit avoir la moitié de la somme. Bayard, piqué de ce que Tardieu s'appliquoit la moitié de la prise, sans attendre ce que son amitié décideroit en sa faveur, lui dit qu'il n'auroit rien que ce qu'il voudroit lui donner. Tardieu, que l'intérêt dominoit, quitta Bayard en menaçant, et alla se plaindre au général d'armée; mais ayant exposé la cause de son démêlé, il fut exclus de tout droit sur la prise. Il s'en revint fort triste; et Bayard, pour s'égayer, étala une seconde fois devant lui les ducats. Le gentilhomme ne fut pas maître de son transport : « Ah! la belle dragée, <«< s'écria-t-il; mais je n'y ai rien. Encore si j'en avois la << moitié, je serois à mon aise pour toute ma vie. << A Dieu ne plaise, répondit Bayard, que je chagrine pour si peu un brave gentilhomme comme vous: << prenez la moitié de la somme que je vous donne << volontairement, et avec joie; ce que jamais vous «n'auriez eu par force. » Ensuite il distribua l'autre à ses soldats, et aux officiers qui servoient sous lui, sans rien réserver pour lui-même, suivant son usage. 25. Lorsque Cyrus s'avançoit à grands pas contre Babylone, un seigneur du pays, nommé Gobryas, vint au devant de lui, faisant porter des rafraîchissemens pour toute l'armée. Le roi des Perses entra dans le chateau. Alors Gobryas fit mettre à ses pieds des coupes et des vases d'or et d'argent sans nombre, avec une multitude de bourses remplies de monnaies du pays; et, ayant fait venir sa fille qui étoit d'une taille majestueuse, et d'une beauté extraordinaire, que l'habit de deuil dont elle étoit revêtue depuis la mort de son frère, sembloit encore relever davantage, il la lui présenta, le priant de la mettre sous sa protection, et de vouloir bien accepter les marques de reconnoissance qu'il prenoit la liberté de lui offrir. « J'accepte de bon « cœur votre or et votre argent, dit Cyrus, et j'en fais «présent à votre fille pour augmenter sa dot. Ne do u

<< tez point que vous ne trouviez parmi les seigneurs « de ma cour un époux digne d'elle. Ce ne seront ni << ses richesses, ni les vôtres qu'ils estimeront. Je puis « vous assurer qu'il en est parmi eux plusieurs qui ne << feroient aucun cas de tous les trésors de Babylone, << s'ils étoient séparés du mérite et de la vertu. Ils ne << se piquent que de se montrer fidelles à leurs amis, << redoutables à leurs ennemis, et pleins de respect << pour les dieux. » On le pressa de prendre un repas dans le palais; mais il le refusa constamment, et retourna dans le camp accompagné de Gobryas, qu'il fit manger avec lui, La terre revêtue de gazon leur servoit de lits on imagine aisément que le reste à proportion étoit dans le même goût, Gobryas sentit combien cette noble simplicité étoit supérieure à sa vaine magnificence; et plein d'admiration, il s'écria: « Que de « faste, que de bassesse chez les Assyriens! Que de << grandeur, que de générosité chez les Perses! » Voyez BIENFAISANCE, HÉROÏSME, LIBÉRALITÉ, MALIBéralité,

GNANIMITÉ.

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GOUT,

1. Le bon goût est une sensation de notre ame, par laquelle elle se porte vers la véritable beauté de chaque chose, et la distingue des faux attraits que l'imagination lui prête quand elle n'est pas bien réglée. La nature le donne, le travail le forme, souvent les excellens modèles le font éclore; et rien peut-être n'est plus propre à le conserver dans toute sa pureté, que de faire.connoître et sentir quelquefois à la jeunesse la barbarie des siècles précédens. C'est la méthode que nous suivrons dans cet article, que nous allons commencer par l'extrait d'un ouvrage devenu très-rare. Il parut en 1610, sous le titre de l'Avant-Victorieux, et fut composé à la gloire de Henri IV, par le sieur de l'Hostal, vicechancelier du royaume de Navarre.

« Fasse mieux qui pourra, dit-il, en s'adressant à la

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