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« France, me voici en train d'abattre l'image d'un « grand roi, pour, en l'image de ses faits, faire voir « au monde tous ses ennemis abattus. J'ai naguères « paru en soldat et chevalier français je veux un << jour triompher en victorieux ; et si j'ai le vent aussi « bon que le cœur , peu de plumes auront le cœur << de se mettre au vent. Qu'on juge du lion par l'on<< gle, et face mieux qui pourra, »

Après cette préface, où l'auteur montre en deux mots son plan et son style, il entre de la sorte en matière. << Au plus haut point, et comme en son apogée, « dévoit être la vertu de ce grand roi de Lacédémone « Agésilaüs, qui, pour mettre son honneur en banque <« et à l'avance du temps, pour étendre et alonger sa « réputation à l'avenir, ne voulut point être tiré ni en << bosse, ni en peinture; affermi sur cette croyance que «sa mémoire auroit toujours crédit au monde, et ne « pourroit non plus vieillir que sa vertu; et ce Ro« main, qui semble porter tous les sages sur les fonts, et les baptiser de son nom, Caton, ce diamant de «son siècle, ne croyoit pas que sa vertu n'eût son « plein fonds, et la gloire de ses actions, son étendue, << son long et son large, pour n'avoir point d'image << entre tant d'images des Romains; images sujettes à << se fondre, si de cire; à se briser, si de pierre; au feu, si de bois; à la rouille, si de cuivre, à l'en«< clume et au marteau, si de fer; aux larrons, si d'or « ou d'argent... Image, imager, tout passe; peintre « peinture, tout s'efface; pot et potier, tout se casse. <<< Rien ne fait ferme contre le cours du temps : tout «va, tout vient; et le temps même, qui change tout, le temps même le premier branle du changement.... <«< L'honneur, qui s'alonge autant que le temps, et « qui va de pair avec les siècles des siècles; l'honneur, «< ce tant privilégié du Ciel, et qui, non plus que nos <<«<ames, n'est point menacé de sa fin par son commen <«cement; mourroit-il done, ce fils unique de la vertu, << ce vraiment canonisé, ce saint et sacré bourgeois « du ciel et de la terre, le miroir des Dieux, le baume « de l'immortalité, si l'art ne lui prêtoit son secours?

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« Honneur, qui, non comme la myrrhe en Arabie, << mais qui, par tout le monde, porte l'encens pré<< cieux de la vertu; honneur, qui, non comme la rose << au mois de mai, mais qui, de tous les mois, ne << fait qu'un jour éternel, pour embaumer la terre « de son odeur! Douce odeur! toute agréable odeur!.... «à qui les Romains sacrifioient tête nue, pour dire " que rien ne lui fait ombre, et qu'il n'y a point de « ténèbres, point de nuit, point d'éclipse pour sa « gloire, que sur le bout, sur l'Amen, et sur le « dernier point du monde... »

Le sieur de l'Hostal s'efforce de prouver qu'il est impossible de représenter dignement un héros par des statues de bronze, de marbre ou de pierre ; et, comme son but est de tonrner toutes ses preuves en sentiment, il fait ici cette vive apostrophe à Stasicrates, ce fameux sculpteur, qui offrit à Alexandre-le-Grand de faire du mont Athos un colosse qui représenteroit le conquérant de l'Asie, tenant une ville dans sa main gauche, et laissant tomber un fleuve de la droite. Après un portrait singuliérement chargé du roi de Macédoine : « Ces << fougues, s'écrie-t-il, ces chaleurs de courage, ces << élans, ces boutades, ces brusques saillies d'ambi«<tion; cette ame qui trépigne, qui pétille, qui bout, << qui brûle d'ardeur de combattre ; ce feu, cette flam« me; ce cœur sans peur, et qui donne la peur à tant << de coeurs, ô Stasicrates! comment me le represen« teras-tu par une image qui montre toutes ses perfec<«<tions au doigt, elle qui ne peut pas remuer un doigt? <<<< Et si ton Athos est sans coeur, veux-tu arracher le «< cœur à ton Alexandre, afin qu'il soit sans cœur <<< comme ton Athos?... On dit d'Apelles, qu'il peignoit << les éclairs, les foudres, les tonnerres, et tout ce qui <<< bonnement ne se peut peindre; mais une ame, ou« vrage du sacré doigt du Tout-Puissant, rayon de « la Divinité, et qui, comme le corps du corps, ne << sort point d'une autre ame; une ame parée et em« bellie, toute Inisante, toute éclatante de ses vertus, « qui la mettra en figure, sinon ceux qui n'ont point « d'ame pour connoître la vertu, nide vertu pour savoir « ce que c'est que l'ame ? »

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Ce boursoufflé préambule conduit le vice-chancelier de Navarre à l'éloge de Henri-le-Grand. « Si non Alexandre par le mont Athos, comment dans une <«< salle, sur un manteau de cheminée, comment tirer << en bosse, comment représenter en marbre Henri mon << victorieux, en qui plusieurs Alexandre, comme plu<< sieurs Marius en un César?... Ni du cheval par la <«< selle, ni de la tête par le chapeau, ni de l'esprit << par le corps ; et l'on voudra que je juge du corps et << de l'esprit par une image qui, sans mouvement et << sans esprit, ne peut tenir du vrai corps de Bour<< bon, puisqu'elle n'a rien de son esprit ? Aveugle << image, muette et sourde image, mieux dite morte << image de la mort, que corps figuré d'un corps vivant ! <<< Et qu'est-il encore ce misérable corps ? Sanglante << ordure en sa naissance; ampoule de verre, et ballon << rempli de vent, en sa vie ; entrée de table, rôti « bouilli, et confitures des vers après sa mort. Oui, << pour la mort gibier tout prêt, s'il n'a toujours un << vivandier, un giboyeur sur la bouche, un chirur«gien sur les ulcères, un médecin au chevet du lit. « Corps, et non plus corps que moulin à moudre; four et marmite à cuire toutes les viandes; sépulcre, ma" nicle et entrave; l'ancre, l'attache et le contre-poids << de nos esprits; crocheteur vil et abject, mallier et «cheval de valise; trésorier et receveur-général de << toutes les imperfections de la nature. Et si rosée <«< d'un matin, si fleur d'un jour, si potiron d'une nuit ; << si sa beauté, comme un bouquet de fleurs ; sa santé, << comme une fiole de verre; sa vie même, oui sa vie « comme une hirondelle passagère, comme un éclair, << comme une ombre; et qu'est-ce que le corps, qu'une « beauté de fleur, une fleur de santé, une santé de « verre, un verre de vie ; et enfin, une vie d'ombre, « d'éclair et d'hirondelle passagère ?.... Henri en <«< image! Tant et tant de lauriers sur la tête de mon << victorieux! Ces beaux lauriers, cueillis sur le champ << de trois sanglantes batailles, et de trente-cinq rencontres d'armées, cent quarante combats, et trois cents siéges de place? ces lauriers, naguères branle

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<<< branlans entre le pêle-mêle, le clic et le clac, feu et <«< fumée, coups et plaies, plaies et sang, sang et meur<«< tres, meurtres et carnage, carnage et horreur; en << l'horreur de tant et tant de combats, ou main à «main, pied à pied, pistolet contre pistolet, épée << contre épée, et où mon Bourbon a montré qu'en un « siècle brouille-brouillé, siècle de querelle et d'ou « trage, siècle de plaies et de sang, il ne pouvoit y << avoir roi en France qui ne fût soldat, ni soldat plus « brave, plus courageux que Bourbon : si soldat sẽ << peut dire, celui qui commande aux archers et aux sol <«<dats, comme disoit Iphicrates: Ah! lauriers, où êtes<< vous?.... Ce grand doyen des princes de son siècle, « Trajan, dit Pline, passant dans les eues, tout le << monde jetoit et attachoit les yeux sur lui. Les enfans «< à la mamelle le connoissoient les jeunes crioient : « Voilà! le voilà ! Les vieux, comme en extase ó le << bon ! disoient-ils, 6 le brave empereur ! Les malades, << quittant les lits, se traîne - traînoient aux portes, « aux fenêtres, croyant que sa vue portoit santé et « guérison; peuple à troupes, troupes à ondées, et << ondées de peuple à foule percante, presse et foule << de peuple, comme s'il n'y avoit rien eu au monde que << Trajan, qui seul méritat les yeux de tout le monde.... << S'il se faisoit de tels honneurs à l'image de Bourbon, ômes yeux! quel objet plus agréable, plus gracieux! « et que verriez-vous au monde qui ne contribuât à << l'honneur de son image! Rome, ses bénédictions; « l'Empire, l'honneur de sa main droite; l'Italie, son << baise-main; l'Angleterre, son amitié la brave << Suisse, toutes ses piques; Hollande et Zélande, ces << deux vieilles guerrières, le tranchant de leurs épées; << Portugal, le regret de ses rois légitimes; les Mores, le désir de leur liberté ; l'Aragon, ses plaintes ; la « Navarre, ses soupirs et ses larmes; Castille << crainte; Castille, sa terreur; Castille, son effroi, z sur-tout en ce temps, temps si long-temps désiré ! < heureuse ainsi, ô l'heureuse image!.... »

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Tout l'ouvrage roule sur cette idée: «Henri-le-Grand seroit bien représenté, si son image pouvoit rendre son

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ame, son caractère, ses vertus ; mais cela n'est pas possible; il vaut donc mieux n'ériger de statues à sa gloire, que celle que ses beaux faits, ses sublimes actions lui en ont dressées dans la mémoire de tous les hommes ; il est donc plus raisonnable de se contenter de célébrer le brillant de ses exploits. » Nous plaindrions beaucoup le nom à jamais mémorable de Henri IV,si, pour arriver à l'immortalité, il n'avoit eu que la bouche et la plume de son vice-chancelier, que son Avant-Victorieux, production extravagante d'un homme sans goût, monument de barbarie, dans un siècle qui avoit déjà produit Malherbe, et qui enfantoit le grand Corneille! On est étonné, en lisant ce livre, qui contient plus de trois cents pages d'impression, d'y voir la plus vaste érudition. Il n'y a pas la plus petite allusion, qui n'ait son autorité à la marge; pas le moindre trait d'histoire ou de physique, qui ne soit appuyé d'un passage de Pline, et de tous les autres naturalistes anciens ; les poètes, les orateurs, les historiens, les pères de l'Eglise, sont cités tour-à-tour, mais toujours sans choix toujours sans sagacité, et le plus souvent sans avoir été entendus. Pour achever de le faire connoître, nous nous contenterons de choisir les morceaux les plus intelligibles, et les plus propres à le caractériser.

Le sieur de l'Hostal fait en ces termes l'éloge de Sully: « Pilier d'airain, ferme colonne d'état ; épée << tranchante , pour les combats; tête à double cer« veau, pour les conseils; bouche de torrent, pour <«< la persuasion; à mains et à pieds de vent, pour << l'exécution; Sully, l'une des fibres du coeur de sou « prince, l'un des pieds du trépied de son oracle; et << digne certes des titres les plus apparens d'honneur, « puisque tu es trouvé digne de servir un si grand « roi.... Un roi, qui confit toutes ses vertus au miel « de sa sagesse, et qui, en la hautesse de ses dis« cours, peut, comme jadis Périclès, se nommer « l'Olympe.... Ce très-grand roi de fleurs de lys, qui « n'a rien sur lui que le ciel et le soleil....

A l'occasion d'une statue équestre de Henri-leGrand, l'auteur s'écrie: « Trompeur imager, qui

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