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« Qu'on nous peigne l'amour comme on voudra, il « séduit, ou cen'est pas lui. S'il est mal peint, la pièce << est mauvaise; s'il est bien peint, il offusque tout <«< ce qui l'accompagne. Ses combats, ses maux, ses << souffrances le rendent plus touchant encore que s'il « n'avoit nulle résistance à vaincre. Loin que ces <<< tristes effets rebutent, il n'en devient que plus in«< téressant par ses malheurs même. On se dit malgré << soi, qu'un sentiment si délicieux console de tout. « Une si douce image amollit insensiblement le cœur: << on prend de la passion ce qui mène au plaisir; on en « laisse ce qui tourmente. Personne ne se croit obligé « d'être un héros, et c'est ainsi qu'admirant l'amour <<< honnête, on se livre à l'amour criminel....

« Ce qui achève de rendre ces images dangereuses, << c'est précisément ce qu'on fait pour les rendre agréa<«<bles; c'est qu'on ne les voit jamais régner sur la << scène qu'entre des ames honnêtes; c'est que les << deux amans sont toujours des modèles de perfec<< tion. Et comment ne s'intéresseroit-on pas pour une « passion si séduisante entre deux cœurs dont le ca<«<ractère est déjà si intéressant par lui-même? Je doute que dans toutes nos pièces dramatiques, on en trouve « une seule où l'amour mutuel n'ait pas la faveur du << spectateur. Si quelque infortuné brûle d'un feu non « partagé, on en fait le rebut du parterre. On croit << faire merveilles de rendre un amant estimable ou <<< haïssable, selon qu'il est bien ou mal accueilli dans <«< ses amours; de faire toujours approuver au public «<les sentimens de sa maîtresse, et de donner à la << tendresse tout l'intérêt de la vertu; au lieu qu'il << faudroit apprendre aux jeunes gens à se défier des << illusions de l'amour, à fuir l'erreur d'un penchant « aveugle, qui croit toujours se fonder sur l'estime; « et à craindre quelquefois de livrer un cœur ver<< tueux à un objet digne de ses soins. » (On peut consulter l'article ELOQUENCE, qui doit être regardé comme la suite de celui-ci.)

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1.

GRACE S.

LA première fois que Démosthène voulut parler

devant le peuple, il y réussit tout-à-fait mal. Sa voix étoit foible, sa langue embarrassée, sa respiration très-courte. On se moqua généralement du téméraire orateur, qui revint chez lui découragé, bien résolu de renoncer pour toujours à une fonction dont il se croyoit incapable. Un de ses auditeurs, qui au travers de ces défauts, avoit aperçu dans ce jeune homme un excellent fonds de génie, et une éloquence mâle et vigoureuse, lui fit reprendre courage, et lui donna de sages avis. Il parut donc une seconde fois devant le peuple, et n'en fut pas mieux reçu. Comme il s'en retournoit la tête baissée et plein de confusion, un des plus excellens acteurs de ce temps, nommé Satyrus, le rencontra, et, ayant appris de lui la cause de son chagrin, il lui fit entendre que le mal n'étoit pas sans remède. « Récitez-moi seulement quelques scènes de «Sophocle ou d'Euripide. » Démosthène le fit sur l'heure; et le comédien, répétant après lui les mêmes endroits, leur donna tant de graces par le ton, le geste et la vivacité avec lesquels il les prononca, que le jeune orateur les trouva tout différens; convaincu des charmes que la prononciation et l'action donnent au discours, il s'appliqua dès-lors à cette partie de l'éloquence. Les efforts qu'il fit pour corriger le défaut naturel qu'il avoit dans la langue, et pour se perfectionner dans la prononciation, paroissent presque incroyables, et font bien voir qu'un travail opiniâtre triomphe de tous les obstacles. Il bégayoit à un point qu'il ne pouvoit exprimer certaines lettres : et son haleine étoit si gênée, qu'il ne pouvoit prononcer une période un peu longue, sans s'arrêter deux ou trois fois. Il vint à bout de vaincre tous ces défauts, en mettant dans sa bouche de petits cailloux, et prononçant ainsi plusieurs vers de suite à haute voix, sans s'interrompre, et cela même

même en marchant, et en montant par des endroits fort roides et fort escarpés; en sorte que, dans la suite, nulle lettre ne l'arrêta, et que les plus longues périodes n'épuisoient point sa respiration. Il fit plus : il alloit sur le bord de la mer; et dans le temps que les flots étoient le plus violemment agités, il y déclamoit des harangues, pour s'apprivoiser, par le bruit confus des vagues, aux émeutes du peuple, et aux cris tumultueux des assemblées. Il ne prit pas moins de soin du geste que de la voix. Il avoit chez lui un grand miroir qui lui servoit de maître à déclamer, et dans lequel il étudioit ses défauts pour les corriger. Il en avoit un sur-tout qui le mortifioit sensiblement : c'étoit de hausser continuellement les épaules. Pour s'en défaire, il s'exerçoit debout dans une espèce de tribune fort étroite, où pendoit une pique, afin que si, dans la chaleur de l'action, ce mouvement venoit à lui échapper, la pointe de cette pique lui servît d'avertissement et de punition tout ensemble. Ce grand homme fut bien payé de toutes ses peines, puisque ce fut par ce moyen qu'il porta à son comble l'art de la déclamation: il en connoissoit bien le prix et l'importance. Aussi quelqu'un lui demandant quelle étoit la première qualité nécessaire à l'orateur, « C'est l'action, ré«pondit-il. La seconde ?— C'est l'action. - La << troisième ? C'est encore l'action, c'est-à-dire « l'art de déclamer et de prononcer avec graces. » 2. Agésilas, roi de Lacédémone, étoit boiteux, et d'une taille fort petite ; mais ces défauts étoient couverts par les graces de sa personne, et plus encore par la gaieté avec laquelle il les supportoit, et en railloit le premier. On peut dire même que ces vices du corps mettoient dans un plus grand jour son courage et son pour la gloire. Le travail le plus opiniâtre, les entreprises les plus fatigantes, il étoit le premier à les embrasser. Par ses manières officieuses et obligeantes, soutenues d'un mérite supérieur, il se fit un grand crédit, et acquit dans la ville un pouvoir presque absolu, qui alla jusqu'à le rendre suspect à sa patrie. Les éphores, pour en prévenir les suites, et pour amortir son Tom. II.

ardeur

S

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ambition, le condamnèrent à une amende, alléguant pour toute raison, que, par ses manières trop gracieuses, il s'attachoit à lui seul les coeurs de tous les citoyens qui apparténoient à la république, et ne devoient être possédés qu'en commun.

3. Louis XIV mettoit des graces et de la noblesse dant toutes ses actions. Il s'exprimoit avec une majestueuse précisión, s'étudiant en public à parler comme à agir en souverain. Lorsque le duc d'Anjou partit pour aller régner en Espagne, il lui dit, pour marquer l'union qui alloit désormais joindre ces deux nations: « Il n'y a plus de Pyrénées. » Dans la conquête de la Franche-Comte, sa présence acheva de lui gagner les cœurs de ceux que ses armes lui avoient soumis. Un paysan qui le vit, ne put s'empêcher de dire, dans cette surprise que donne un objet qu'on admire : « Je ne m'en étonne plus! Voyez MANIÈRES.

2111

GRANDEUR D'A ME.

1. HATEMTAI étoit le plus libéral et le plus généreux

des Arabes de son temps. On lui demanda s'il avoit jamais connu quelqu'un qui eût le coeur plus noble que lui. Il répondit : « Un jour, après avoir fait un << sacrifice de quarante chameaux, je sortis à la cam«pagne avec des seigneurs arabes, et je vis un << homme qui avoit ramassé une charge d'épines sèches << pour brûler. Je lui demandai pourquoi il n'alloit pas << chez Hatemtai, où il y avoit un grand concours de << peuple, pour avoir part au régal qu'il faisoit? - Qui << peut manger son pain du travail de ses mains, me « répondit-il, ne veut pas avoir obligation à Hatemtai. «Cet homme, ajouta Hatemtai, a le cœur plus noble que moi. >>

«

2. Sous le règne du grand Constantin, un esprit de rebellion s'empara des habitans d'Alexandrie, et,dans sa fureur aveugle, la populace s'étoit portée jusqu'à outrager les statues de l'empereur. Il en fut informé, on

l'excitoit à la vengeance. On se récrioit sur l'énormité de l'attentat en ne trouvoit pas de supplice assez rigoureux pour punir des forcenés qui avoient insulté, à coups de pierres, la face du prince. Dans la rumeur de cette indignation universelle, Constantin, portant la main à son visage, dit en souriant : « Pour moi, je ne « me sens pas blessé. » Cette parole ferma la bouche aux courtisans, et ne sera jamais oubliée de la posterité. 3. Lorsque Louis XII fut monté sur le trône, quelques courtisans essayèrent d'animer son ressentiment contre ceux qui lui avoient été contraires, quand il n'étoit que duc d'Orléans. « Ce n'est pas à un roi de « France, répondit-il, à venger les injures du duc « d'Orléans. » Un seigneur lui demanda la confiscation des biens d'un bourgeois d'Orléans, qui avoit autrefois montré une haine ouverte contre lui. « Je n'étois « pas son roi, répondit-il, lorsqu'il m'a offensé : en le << devenant, je suis devenu son père; je suis obligé de << lui pardonner. »>

4. On présentoit à Alexandre un pirate qu'on avoit arrêté, mais qui, au milieu de fers, à la vue des sup plices, conservoit encore cette fierté d'ame qui distingue les cœurs intrépides. «De quel droit, lui demanda « le monarque, oses-tu infester les mers? Et toi « répondit le captif, de quel droit ravages tu l'univers? « Parce que je cours les mers avec un seul petit vais<< seau, on me traite de pirate; et toi, qui fais la même «< chose avec une flotte nombreuse, on t'appelle roi. » Cette réponse hardie et pleine de grandeur d'ame valut lavie au prisonnier. Alexandre le renvoya sur-le-champ.

5. Valentinien II, excité par Justine, sa mère et sa tutrice, avoit déclaré la guerre aux catholiques, pour faire triompher l'arianisme. Il voulut mettre les hérétiques en possession de toutes les églises de Milan; mais il trouva dans S. Ambroise, évêque de cette ville, une résistance qui triompha de tous ses efforts. Le prélat offrit au prince de lui abandonner toutes les terres de l'Eglise; mais il lui refusa de lui livrer la maison de Dieu. On lui ordonne de sortir de Milan; on le menace de la mort, s'il n'obéit. Il se détermine à ne point partir

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