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tâchoit, par toutes sortes de voies, de remédier à cette calamité. Il y eut quelques émotions qu'il n'eût été ni prudent ni humain de punir trop sévèrement. Ce grave magistrat les calma, et par la sage hardiesse qu'il eut de les braver, et par la confiance que la populace, quoique furieuse, avoit toujours en lui. Un jour, assiégé dans une maison où une troupe nombreuse vouloit mettre le feu, il en fit ouvrir la porte, se présenta, parla, et appaisa tout.

2. Apollonius de Thyane, dont les actions sont si célèbres dans le paganisme, embrassa la secte de Pythagore, et se condamna au silence pour cinq ans. Nul temps de la vie ne lui parut, de son aveu, plus dur et plus pénible; mais si sa langue demeuroit dans l'inaction, toute sa personne parloit ; l'air du visage, les mouvemens de tête, les yeux, la main, tout étoit employé pour suppléer au défaut de la parole ; et ses gestes éloquens avoient tant de vertu, que, par ce seul moyen, il appaisa une sédition. Aspendus, l'une des grandes villes de la Pamphilie, souffroit la famine, par l'injuste avarice des riches qui serroient le blé, afin de le vendre à un plus haut prix. Le peuple s'en prit au magistrat, qui, se voyant menacé de périr, se réfugia auprès d'une statue de l'empereur; mais la multitude, ne connoissant aucun frein dans sa rage, se préparoit à brûler le magistrat suppliant au pied de la statue même. Dans le moment arrive Apollonius, qui, s'adressant au magistrat, fit un geste de la main pour l'interroger sur la cause de l'émeute. Le magistrat répondit qu'il n'avoit rien à se reprocher, mais que le peuple ne vouloit pas entendre ses raisons. Le philosophe muet se retourna vers les mutins, et par un signe de tête, il leur ordonna de se disposer à écouter. Non-seulement ils se turent, mais ils quittèrent le feu qu'ils avoient déjà dans les mains. Le magistrat, reprenant courage, nomma les auteurs de la misère publique, qui se tenoient à la campagne, ayant de différens côtés leurs maisons et leurs magasins. Les Aspendiens vouloient y courir. Par un geste de défense, Apollonius les arrêta, et leur fit entendre

qu'il valoit mieux mander les coupables. On les fit venir; et leur vue ayant renouvelé les plaintes du peuple, les vieillards, les femmes, les enfans jetèrent des cris lamentables. Peu s'en fallut que le grave philosophe n'oubliât la loi qu'il s'étoit imposée, et n'exprimât, par des paroles, les sentimens d'indignation et de pitié qui le pénétroient en même temps. Il respecta néanmoins son engagement pythagorique ; et s'étant fait apporter des tablettes, il y écrivit ces mots : «Apol«lonius, aux monopoleurs des blés d'Aspendus. La «< terre est juste ; elle est mère commune de tous les << hommes; et vous, hommes barbares, vous voulez << seuls profiter de ses faveurs ! Si vous ne changez de «conduite, je ne vous laisserai pas subsister sur la «face du globe. » Les coupables, intimidés par cette menace, garnirent les marchés de blé, et la famine

cessa.

3. Une disette avoit mis les vivres à un prix excessif, et Rome se voyoit à la veille d'être en proie aux horreurs de la famine. Les tribuns, magistrats séditieux, qui profitoient des malheurs publics pour les aggraver par la discorde, s'efforçoient de révolter le peuple contre le sénat; et suivis d'une foule de citoyens, vils sectateurs de ces hommes turbulens, ils voulurent forcer le consul Scipion Nasica à prendre certains arrangemens par rapport aux blés. Ce grand homme s'y opposa fortement, et rejeta leur requête, comme tendant au renversement des constitutions de la république. Il se rendit à l'assemblée du peuple, et commença par les raisons de sa résistance. Tout-à-coup, il fut interrompu par des murmures et par des cris. Alors, d'un ton d'autorité conforme à son grand mérite: «< Romains, dit-il, faites silence. Je sais mieux que « vous ce qui est utile à la république. » A ces mots, toute l'assemblée se tut avec respect; et la majestueuse gravité d'un seul homme fit plus d'impression sur la multitude, qu'un intérêt aussi vif et aussi puissant que celui des vivres et du pain.

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4. Eusèbe, gouverneur du Pont et de la Cappadoce, oncle de l'impératrice, et dévoué aux Ariens, saisissoit

toutes les occasions de chagriner Basile, évêque de Césarée. Un de ses assesseurs, devenu éperdument amoureux d'une veuve de famille illustre, vouloit la contraindre à l'épouser. Pour éviter ses poursuites, soutenues de l'autorité du gouverneur, elle se réfugia dans l'église, auprès de la table sacrée. Le magistrat voulut forcer cet asile. Le saint prélat prit la désfense de cette femme : il s'opposa aux gardes envoyés pour la saisir, et lui procura les moyens de s'échapper.Le gouverneur irrité cita Basile devant son tribunal; et, le traitant comme un criminel, il ordonna de le dépouiller, et de lui déchirer les flancs avec les ongles de fer. Le prélat se contenta de lui dire : « Vous me « ferez un grand bien, si vous m'arrachez le foie, qui << me cause de perpétuelles douleurs.» Mais les habitans apprenant aussitôt le péril de leur évêque, entrent en fureur: hommes, femmes, enfans, armés de tout ce qu'ils rencontrent, accourent, avec des cris horribles, à la maison d'Eusèbe ; chacun brûle d'envie de lui porter le premier coup. Ce magistrat, un moment auparavant, si fier et si intraitable, tremblant pour lors, se jette aux pieds de sa victime. Il n'eut pas besoin de prières. Basile, délivré des bourreaux, alla au devant du peuple. Sa seule vue calma la sédition, et sauva la vie à celui qui lui préparoit une mort cruelle.

5. Caton l'ancien assistoit aux Jeux Floraux. Le peuple, en présence d'un homme si vertueux et si grave, eut honte de se livrer à la licence ordinaire à ce spectacle. Le rigide censeur s'en étant aperçu, sortit aussitôt pour ne pas troubler les plaisirs du peuple. Tonte l'assemblée l'applaudit avec de grands cris, et l'on continua de célébrer les jeux, selon la coutume. Cette contrainte d'un grand peuple présence d'un citoyen, est l'hommage le plus glorieux et le plus vrai qu'on ait jamais rendu à la vertu.

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6. Après la mort de Henri IV, le duc de Sully, son confident et son ministre, se retira dans sa maison de Villebon au Perche. Ayant été invité, comme l'un des plus anciens officiers de la couronne, à se trouver à

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un conseil, pour y donner son avis, il y parut avec son épaisse barbe à la Huguenotte, un habit et des airs passés de mode. S'étant apercu que les jeunes seigneurs de la nouvelle cour cherchoient à lui donner des ridicules, il dit au roi Louis XIII, en entrant dans le cabinet: << Sire, quand le roi votre père, de glorieuse « mémoire, me faisoit l'honneur de me consulter, << nous ne commencions à parler d'affaires, qu'au << préalable on n'eût fait passer dans l'anti-chambre << les baladins et bouffons de cour. >>

7. Un ambassadeur de Charles-Quint auprès de Soliman II, empereur des Turcs, venoit d'être appelé à l'audience de ce prince. Comme il vit, en entrant dans la salle de l'audience, qu'il n'y avoit point de siége pour lui, et que ce n'étoit point par oubli, mais par orgueil qu'on le laissoit tenir debout, il ôta son manteau, et s'assit dessus avec autant de liberté que si c'eût été un usage établi depuis long-temps. II exposa l'objet de sa commission, avec une assurance et une présence d'esprit, que Soliman lui-même ne put s'empêcher d'admirer. Lorsque l'audience fut finie, l'ambassadeur sortit sans prendre son manteau. On l'en avertit; il répondit avec autant de gravité que de douceur : « Les ambassadeurs de l'empereur «mon maître ne sont point dans l'usage d'emporter << leurs siéges avec eux. »

8. L'ambassadeur d'Angleterre se plaignoit hautement, à Versailles, des travaux que Louis XIV faisoit faire au port de Mardick. Il demanda une audience particulière; il l'obtint, et parla au roi avec plus de véhémence que de retenue. Sa majesté ne l'interrompit point; mais lorsqu'il eut achevé, elle dit : « Monsieur l'ambassadeur, j'ai toujours été le maître chez moi, quelquefois chez les autres ; ne m'en faites pas souvenir. »

Tome II

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HABITUDE.

1.PLATON, voyant un jeune homme occupé à

jouer, lui en fit des reproches très - vifs : « Je ne « joue qu'un très-petit jeu, lui répondit le jeune << homme; Eh! comptez-vous pour rien, répliqua << le sage, l'habitude du jeu que vous contractez

« par là ? »

2. Le comte de Grammont étant encore fort jeune, étoit en voyage avec son gouverneur, pour se rendre à l'armée de Piémont. Il descendit à Lyon, dans une auberge. Le gouverneur, qui appréhendoit que son élève ne trouvât quelque sujet de dissipation qui l'arrêtat trop long-temps, vouloit le faire souper dans une chambre; mais le comte insista à manger en compagnie. <«< En pleine auberge ! s'écria le rigide << Mentor. Eh! monsieur, vous n'y pensez pas; <«< ils sont une douzaine de baragouineurs à jouer aux « cartes et aux dés, qui font un bruit de diable. »> A ces mots de cartes et de dés, dit le comte, qui rapporte lui-même son aventure, je sentis mon argent pétiller. Je descendis, et fus un peu surpris de trouver la salle où l'on mangeoit, remplie de figures extraordinaires. Mon hôte, après m'avoir présenté, m'assura qu'il n'y auroit que dix-huit ou vingt de ces messieurs qui auroient l'honneur de manger avec moi. Je m'approchai d'une table où l'on jouoit, et je pensai mourir de rire. Je m'étois attendu à trouver bonne compagnie et gros jeu; mais c'étoient deux Allemands qui jouoient au trictrac. Jamais chevaux de carrosse n'ont joué comme ils faisoient; mais leur figure sur-tout passoit l'imagination. Celui auprès du quel je me trouvais, étoit un petit ragot, grassouillet et rond comme une boule. Il avoit une fraise, un chapeau pointu haut d'une aune. Non, il n'y a personne qui, d'un peu loin, ne l'eût pris pour le dôme de quelque église avec un clocher dessus. Je

avec

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