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mandarin; « je sais seulement que votre majesté m'a << fait jeter dans un noir cachot, pour y être livré à « la mort. » L'empereur retomba dans une profonde rêverie: il parut surpris et troublé. Enfin, rejetant sur les fumées de l'ivresse une violence dont il ne conservoit aucun souvenir, il fit ôter les chaînes au mandarin; et l'on remarqua que, depuis, il évita toujours les excès du vin.

15. Jean d'Aubigné usa d'un moyen bien extraordinaire, pour corriger Théodore d' Aubigné, son fils, qui s'étoit livré à la débauche, et déshonoroit sa naissance par une vie oisive et criminelle. Il lui envoya par un de ses domestiques, un habit de grosse serge; et, dans cet équipage, il le fit conduire dans toutes les boutiques de la ville, lui disant de choisir quel métier il vouloit apprendre, puisqu'il menoit une vie indigne d'un gentilhomme. Le jeune d'Aubigné fut si sensible à cet affront public, qu'il en tomba malade, et pensa mourir.

16. Les mœurs d'Auguste n'étoient pas trop chastes; et ce prince n'étoit pas fort délicat sur les moyens de satisfaire ses passions aveugles. Mais la philosophie vint à bout de corriger ses penchans dépravés. Epris des charmes de l'épouse d'un ami particulier du philosophe Athénodore, il l'envoya chercher dans une litière couverte, pendant que le sage étoit au logis de son ami. Le mari et la femme furent également consternés ; mais ils n'avoient pas le courage de résister à l'empereur. Le philosophe s'offrit à les tirer d'embarras; et, prenant les habits de la damè lorsque la litière fut venue, il y entra à sa place, et fut porté dans la chambre de l'empereur. Ce prince ayant levé les rideaux de la litière, fut bien surpris d'en voir sortir, l'épée à la main, Athénodore, dont il respectoit la vertu. « Eh quoi! César, lui dit le sage, << vous ne craignez pas que quelqu'un n'imagine, pour <<< attenter à votre vie, l'artifice que j'emploie inno« cemment?» Auguste, surpris des dangers où ses désirs impétueux pouvoient l'entraîner, rectifia son cœur, et l'accoutuma bientôt à n'aimer que ce qui est honnête. 17. Pythius, gouverneur d'une ville de Phrygie,

étoit un homme riche et avare, qui faisoit creuser des mines dans tout le pays, de manière qu'il ne restoit presque plus de terres pour labourer. Så femme lui fit sentir, par un stratagême adroit, l'extravagance d'une telle conduite. Pendant l'absence de son mari, elle fit faire une table d'or, ainsi que tous les vases qui servent à la table: elle fit même représenter en or la figure des mets que son mari aimoit le plus. Lorsqu'il fut de retour, on mit devant lui, à l'heure du repas, la table et les vases d'or. Ce spectacle le réjouit d'abord; mais, la faim commençant à le presser, il ordonna qu'on servît. On lui apporta les mets d'or, qu'on avoit fabriqués en son absence. Pythius commença à s'ennuyer de ce jeu, et, tout en colère, demanda quelque chose à manger. « Ne voyez-vous pas, <«< lui dit alors sa femme, que l'or ne nourrit pas les <<< hommes ? Vous ne songcz qu'à tirer de l'or du sein << de la terre, au lieu d'en tirer les fruits nécessaires à << la vie. Vous ruinez l'agriculture; et tous vos sujets << mourront bientôt de faim, si vous continuez. » Pythius profita de cette leçon, et changea de conduite.

18. On fit à M. de Harlai une plainte d'une fausseté que Nibobet, procureur, avoit commise; mais on n'avoit pas assez de preuves pour le convaincre. Le magistrat le manda, et le reçut avec un visage serein qui charma cet officier subalterne. « Asseyez-vous, M. Ni«bobet.» Le procureur témoigna qu'il recevroit debout les ordres de Sa Grandeur. «Non, non, je veux absolu<«<ment que vous soyez assis. » M. Nibobet obéit, et alla prendre une chaise pour s'asseoir. « Un fauteuil, « s'il vous plaît, M. Nibobet, un fauteuil.- Ah! mon«< seigneur, vous me remplissez de confusion; » et, en disant ces mots, le procureur conçoit les plus flatteuses espérances. « Couvrez-vous donc, M. Nibobet, » continua le magistrat. M. Nibobet, qui n'avoit plus la force de résister à ces honnêtetés excessives, se couvrit. M. de Harlai, après s'être arrêté quelque temps, prit tout-à-coup un visage sévère, où régnoient la colère et la terreur. «M. Nibobet, lui dit-il, vous avez commis << une fausseté. » Il lui détailla son crime. « C'est chez

<< vous un péché d'habitude: si l'on achève de m'éclair«< cir là-dessus, je vous avertis que je vous ferai pen<«<dre. Serviteur, M. Nibobet. » Cette leçon fut utile au procureur, qui ne tarda point à se corriger.

19. L'empereur Constantin donna une belle lecon à un courtisan avide, possédé du désir d'accumuler des richesses. Avec une pique qu'il tenoit, par hasard, à la main, il traça sur la poussière à peu près la figure et l'étendue du corps humain; et, s'adressant à ce courtisan : « Que vous en semble, lui dit-il? Quand « vous auriez amassé toutes les richesses de l'univers, « et quand vous seriez maître de toute la terre, n'est« il pas vrai que bientôt vous n'occuperez plus que << ce petit espace que je viens de circonscrire; enco«re, supposé qu'on vous l'accorde ? »

20. Un gentilhomme de la maison de Louis XII avoit maltraité un paysan. Le monarque ordonne de retrancher le pain à cet officier', et de ne lui servir que de la viande et du vin. Le gentilhomme s'en plaint au roi, qui lui demande si les mets qu'on lui sert ne suffisent pas? « Non, sire, puisque le pain est essen<< tiel à la vie.- Eh! pourquoi donc, reprit le prince, << êtes-vous assez peu raisonnable pour maltraiter «< ceux qui vous le mettent à la main ? »

21. Benoit XIV, n'étant encore qu'archevêque de Bologne, apprit qu'un curé de son diocèse s'étoit rendu coupable d'une faute extrêmement grave. Il va le trouver: << Mon frère, lui dit-il, je dois à Dieu senl << la grace de ne point prévariquer je viens pleurer « avec vous et non vous gronder. Le scandale que « vous avez causé ne peut se réparer qu'en quit<< tant votre paroisse. Je vous donne un bénéfice sim«ple, qui vaut au moins votre cure. Allez, ne péchez « plus; embrassez-moi comme un père qui verse des « larmes sur un fils qui lui sera toujours cher. Vous << viendrez me voir de temps en temps, car il faut « qu'un ministre des autels soit toujours honoré. »

On lui dit qu'un malheureux poète avoit fait une satire amère contre lui. Il se la procura, la lut, la corrigea de sa propre main, et en l'envoyant à

l'auteur, il lui conseilla de suivre ses corrections parce qu'elle s'en vendroit mieux.

COURAGE.

1. PORSENNA, roi des Etrusques, résolu de rétablir sur le trône Tarquin-le-Superbe qui avoit imploré son assistance, vint assiéger Rome avec une armée aussi nombreuse que redoutable. Bientôt la ville fut réduite à la plus triste extrémité; et cette cité fameuse, qui nourrissoit dans son sein les conquérans futurs de l'univers, alloit tomber sous les coups d'un voisin trop puissant, lorsqu'un jeune Romain, appelé Mutius Scévola, forme le dessein de délivrer sa patrie, par quelqu'entreprise nouvelle et hardie. Il passe dans le camp des ennemis, après en avoir demandé la permission au sénat, en faisant entendre qu'il méditoit quelque grand projet, mais sans s'expliquer clairement. Il trompe les gardes, qui le prennent pour un homme de la nation, parce qu'il ne paroissoit porter aucune arme, et qu'il parloit leur langue. Il pénètre jusques dans la tente du roi, qui, accompagné d'un secrétaire vêtu à peu près comme lui, payoit la solde à ses troupes. Mutius, ne voulant pas demander lequel étoit le roi, de peur de se découvrir, et voyant que les soldats s'adressoient plus souvent au secrétaire, se détermine enfin, et perce le ministre d'un coup de poignard. II est saisi sur le champ malgré toute sa résistance, et traîné devant le tribunal du monarque irrité. Mais alors même, à la vue de mille affreux supplices qui le menacent, il paroît dans une contenance intrépide, plus capable d'inspirer de la terreur que d'en recevoir. « Je « suis Romain, dit-il, mon nom est Mutius : j'ai voulu tuer l'ennemi de ma patrie ; et je n'ai pas moins de <«courage pour souffrir la mort, que j'en ai fait paroître << en voulant te la donner. Agir avec intrépidité, souf<< frir avec constance, telles sont les vertus d'un Romain. « Je ne suis pas le seul qui ai formé ce dessein contre

<«< toi : une foule de guerriers, après moi, aspirent à « la même gloire. Prépare-toi donc à de continuelles « alarmes; à voir, à chaque instant, le glaive suspendu << sur ta tête ; à trouver toujours à l'entrée de ta tente << un ennemi secret qui épie le moment de te poignar<< der. Voilà la guerre que te déclare la jeunesse ro<«< maine. Ne crains point de bataille générale: tu seras « seul attaqué, et tu n'auras à te défendre que contre « un seul ennemi. » Le roi, plein de colère, et tout à la fois frappé du danger dont Mutius le menace, ordonne de l'environner de flammes, pour l'obliger à s'expliquer nettement; mais le Romain, sans s'étonner: « Vois, dit-il, en mettant la main sur un brasier << ardent, vois combien méprisent leurs corps ceux << qui envisagent une gloire immortelle. » Il la laissoit brûler, comme s'il eût été insensible; mais Porsenna, hors de lui-même à la vue d'un tel prodige, fait éloigner Mutius: «Retire - toi, jeune homme, encore plus en<< nemi de toi-même que du roi des Etrusques. Je t'en<<< couragerois à ne point dégénérer d'une telle vertu, << si c'étoit pour ma patrie que tu en fisses usage: au <«< moins je te laisse aller en liberté, sans que tu aics << rien à craindre de ce que les lois de la guerre me don<< nent droit de te faire souffrir.» Alors Mutius, comme pour reconnoître sa générosité, lui déclara qu'ils étoient trois cents qui avoient conspiré contre lui; qu'il étoit le premier sur qui le sort étoit tombé, et que les autres viendroient chacun à leur rang. Le prince, intimidé par le danger qu'il venoit de courir, et plus encore par la vue de ceux auxquels il s'attendoit d'être exposé tous les jours, songea sérieusement à faire la paix.

2. Après que Xerxès fut entré dans la Grèce avec une armée formidable, un Athénien nommé Agésilas, frère de Thémistocle, se rendit, comme espion, dans le camp des Perses; et, voyant un seigneur vêtu trèsmagnifiquement, il le prit pour le roi, et le tua. Les gardes l'arrêtèrent, et le conduisirent au monarque, qui faisoit alors un sacrifice. Agélisas mit sa main dans le feu de l'autel; et, sans jeter un cri, sans donner aucun signe de douleur, il la brûla toute entière. Xerxès

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