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vers le monarque, et lui dit que la dépense de la fête monteroit à dix-huit cent mille livres. Louis crut qu'il vouloit l'en dégoûter par cet excessif calcul, et il lui dit d'un ton chagrin : « Je ne donnerai donc point de fête; <«< je ne veux pas ruiner mon peuple pour divertir les << courtisans.» Colbert insista sur la nécessité de l'exécution, promit au roi de rassembler les fonds nécessaires, et se retira. Aussitôt il fit mettre dans toutes les. nouvelles publiques, que le roi étoit dans l'intention de donner un carrousel, qui surpasseroit en magnificence tout ce qu'on avoit vu jusques-là dans le même genre. En même temps on s'empressa de travailler aux préparatifs. Ces nouvelles circulèrent dans toutes l'Europe. La paix étoit générale dans cette partie du monde. On vit accourir de tous côtés une foule d'étrangers à Paris. Ils s'attachèrent à faire honneur à leur nation par une grande dépense; et leur nombre augmentant chaque jour, il se fit, dans la capitale et aux environs, une consommation prodigieuse. Les ouvriers arrivant en foule des provinces et des pays voisins, étoient aussitôt employés. La noblesse, qui d'ordinaire paroissoit le moins qu'elle pouvoit à la cour, quitta cette fois ses retraites, et crut ne pouvoir mieux employer les fruits de son économie, que dans une circonstance si favorable pour se faire remarquer. Les préparatifs s'avancoient, et le jour indiqué pour la fête alloit arriver. Colbert alors alla trouver le roi, et lui dit que les ouvriers n'avoient pu achever leur ouvrage; qu'il falloit absolument reculer la fête de quinze jours. II proposa de donner, en attendant, un bal aux Tuileries: ce qui fut du goût du roi. Le bal fut donné : les courtisans et les étrangers y parurent avec les habits superbes qu'ils avoient fait faire pour le carrousel; il en fallut d'autres alors. Par ce moyen, Colbert augmenta la dépense, et donna un mouvement plus rapide à la circulation de l'argent. Enfin, le carrousel s'exécuta. Jamais on n'avoit vu de spectacle si brillant ni si bien ordonné. Les étrangers ne pouvoient concevoir comment on avoit pu amasser tant de richesses, étalées avec profusion; et comme ce qui passe une certaine

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valeur est toujours estimé bien au-delà de son prix, on faisoit monter la dépense à des sommes exorbitantes. Le roi, après avoir loué hautement la beauté de la fête, ressentit cette inquiétude qui suit ordinairement l'exécution des projets téméraires. Il étoit en peine du compte que Colbert alloit lui rendre des frais du carrousel; et lorsqu'il se présenta à sa majesté pour ce sujet, le monarque voulut prévenir les détails en demandant avec empressement le total. Quelle fut sa joie et son étonnement, lorsque Colbert lui montra que tous les frais se bornoient à douze cent mille francs, et que le produit des fermes avoit augmenté de plus de deux millions; en sorte que, tout payé, il en restoit un dans les coffres du roi ! Ce trait d'un génie supérieur à tout ce que l'on avoit vu jusqu'alors dans l'administration pénible des finances, montre en même temps une probité bien rare. 3. Octaï-Khan, fils de Genghiz-Khan empereur des Tartares, passant par le marché de Caracorum, sa capitale, vit des jujubes, et commanda à un officier de lui en acheter. L'officier obéit, et revint avec une charge de jujubes. Octaï lui dit : « Je juge à la quanti«té que vous en apportez, qu'elles coûtent plus d'une <«<balische. » L'officier crut faire sa cour, et dit qu'elles ne coûtoient que le quart d'une balische; et que c'étoit même plus que le double de ce qu'elles valoient. Octaï plein de colère : « Jamais, reprit-il, acheteur de ma « qualité n'a passé devant la boutique de ce mar<< chand; je t'ordonne d'aller lui porter dix balisches.»> 4. Il y avoit à Milan un médecin qui s'appliquoit à guérir de la folie. Il s'y prenoit de cette manière : on attachoit le malade à un poteau, qu'on plantoit tout droit au milieu d'un étang bourbeux, où l'on enfoncoit plus ou moins le patient, suivant le degré de son mal. On le laissoit dans cet état, jusqu'à ce que la faim ou le froid le fit revenir dans son bon sens. Parmi les malades, il s'en trouva un qui, après avoir demeuré long-temps dans ce bain, commenca à donner quelques signes d'amendement, sur quoi le médecin, à sa prière, lui permit de se promener dans la maison

et dans la cour, à condition de ne pas mettre le pied hors de la porte qui donnoit sur le chemin; ce qu'il promit de faire, et tint parole. Comme il étoit un jour à la porte, un chasseur à l'oiseau vint à passer à cheval, avec un épervier sur la main, des chiens, et tout l'équipage nécessaire à ce divertissement: « Monsieur, <«<lui cria le fou, un mot, je vous prie. Qu'est-ce << que ceci ? lui demanda-t-il ; à quoi sert ce que vous << portez là?» et d'autres questions pareilles. Le gentilhomme eut la complaisance de répondre en détail. << L'animal sur quoi je suis monté, dit-il, s'appelle un «< cheval, que j'entretiens pour servir à mon divertis<< sement. Cet oiseau que vous me voyez sur le poing, << s'appelle un épervier, et sait prendre en volant des «< cailles et des perdrix; et ces chiens sont des épa«gneuls, qui font lever le gibier. - Fort bien, dit «< le fou ; et à combien peut se monter le prix des oi<< seaux que vous prenez dans une année?- A douze << ou quinze louis d'or. Que vous coûte l'entretien « de vos oiseaux, de vos chevaux et de vos chiens? Peut-être quinze fois autant? - Retirez-vous au << plus vite, avant que notre docteur ne vous aper<«< coive; car, il m'a saucé jusqu'à la ceinture dans « l'étang, pour des bagatelles; je puis vous assurer <«< que vous y seriez jusques par-dessus les oreilles, << s'il venoit à savoir le mauvais emploi que vous faites << de vos richesses. »

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5. La découverte des Indes répandoit en France tant d'or et tant d'argent, que les terres affermées jusqu'alors mille livres, furent portées à dix ou douze mille. Mais la noblesse n'en étoit pas plus riche, parce que la dépense, sur-tout en chevaux et en équipages de chasse, l'emportoit sur le revenu; ce qui faisoit dire à Louis XII : « La plupart des gentilshommes << de mon royaume sont, comme Actéon et Diomède, <«mangés par leurs chevaux et leurs chevaux et par leurs chiens. >>

6. Ilenri IV n'aimoit point les dépenses inutiles; et ce grand prince montroit, par son exemple, à retrancher toute espèce de superfluité, sur-sout celle qui a rapport à la magnificence des habits. Il alloit ordi

nairement vêtu de drap gris, avec un pourpoint de satin ou de taffetas, sans découpure et sans broderie. Il louoit ceux qui se vêtoient de la sorte, et se moquoit des autres, qui portoient, disoit-il, leurs moulins et leurs bois de haute futaie sur leur dos.

7. L'empereur Aurélien aimoit la simplicité; et jamais on ne le vit faire d'inutiles dépenses pour les objets purement de luxe. La soie étoit alors fort chère", et coûtoit une livre d'or. L'impératrice un jour le pria de lui donner une robe de cette étoffe, et ses désirs étoient très-pressans. « Aux dieux ne plaise, répon«< dit Aurélien, que j'achète du fil au poids de l'or!»> Voyez ECONOMIE.

DESINTÉRESSEMENT.

1. LES Romains avoient envoyé des embassadeurs à Pyrrhus pour la liberté des prisonniers faits dans les batailles précédentes. Quand le monarque leur eut répondu, il prit en particulier Fabricius, le plus célèbre Romain de son siècle, et lui tint ce discours : « Je «< connois tout votre mérite, illustre Fabricius. J'ap<< prends que vous êtes un grand capitaine ; que vous << savez commander et agir en héros ; que la justice « et la tempérance sont votre caractère, et que vous << passez pour un homme accompli dans toutes les « vertus. Mais je sais aussi que vous êtes sans biens, << et qu'en cela seul la fortune vous a mal partagé, « en vous réduisant, pour les commodités de la vie « à l'état des plus pauvres sénateurs. Pour suppléer à « ce qui vous manque de ce côté-là, je suis prêt à vous « donner autant d'or et d'argent qu'il en faut pour vous «< mettre au-dessus des plus opulens de Rome, per« suadé qu'il n'est point de dépense qui fasse plus << d'honneur à un prince, que de soulager les grands << hommes qui sont contraints par la pauvreté de mener << une vie indigne de leur vertu, et que c'est-là le plus << noble emploi qu'un roi puisse faire de ses richesses.

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<< Ne croyez pas que, pour reconnoissance, je prétende exiger de vous aucun service injuste ou désho<<norant. Ce que je vous demande ne peut que vous faire honneur, et augmenter votre pouvoir dans votre << patrie. Je vous conjure d'abord de m'aider de tout << votre crédit à gagner le sénat des Romains, qui jus<< qu'ici s'est rendu trop difficile, qui n'a jamais voulu <«< donner les mains à un accommodement, et qui n'a «< consulté en aucune manière les règles de la modéra«tion. Faites-lui bien comprendre, je vous prie, que >> j'ai donné ma parole de secourir les Tarentins et les << autres Grecs qui habitent cette côte de l'Italie, et « qu'à la tête d'une armée puissante et victorieuse, je << ne puis en honneur les abandonner. Cependant il « m'est survenu quelques affaires pressantes qui me << rappellent dans mes états; et c'est ce qui me fait << désirer encore plus ardemment la paix. Au reste, si «< ma qualité de roi me rend suspect au sénat, devenez << vous-même mon garant; et joignez-vous à moi pour << m'aider de vos conseils dans toutes mes entreprises, << et pour commander mes armées sous moi. J'ai <<< besoin d'un homme vertueux et d'un ami fidelle : << vous, de votre côté, vous avez besoin d'un prince «< qui, par ses libéralités, vous mette en état de <«< faire plus de bien. Ne refusons point de nous aider << l'un et l'autre, et de nous prêter un mutuel secours.»

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Pyrrhus ayant parlé de la sorte, Fabricius, après un moment de silence, lui répondit en ces termes : « Sei<< gneur, il est inutile que je dise rien de l'expérience << que je puis avoir dans le gouvernement des affaires << publiques et particulières, puisque vous en êtes in«formé d'ailleurs. A l'égard de ma pauvreté, vous << me paroissez aussi la connoître assez, pour que je <«< ne sois point obligé de vous dire que je n'ai ni ar<«< gent que je fasse profiter, ni esclaves qui me produi<< sent des revenus; que tout mon bien consiste dans << une maison de peu d'apparence et dans un petit champ « qui fournit à mon entretien. Si vous croyez néan<< moins que la pauvreté rende ma condition inférieure «à celle de tout autre Romain, et que, remplissant

«

<< les

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