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<< Seigneur, dit-il à Cyrus, je vous conjure d'ajouter << seulement une obole à la paye des matelots, et de << leur en donner quatre, au lieu de trois qu'ils re<«< coivent. » Le prince, plein d'admiration pour un désintéressement si généreux, lui fit compter aussitôt mille dariques. Lysandre les employa à fournir aux matelots cette obole d'augmentation; et, par ce moyen, il eut bientôt rendu presque vides toutes les galères des ennemis la plupart des matelots accouroient où paye étoit la plus forte.

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6. Le même Cyrus, ayant envoyé de l'argent pour payer les troupes lacédémoniennes, avoit destiné en particulier pour Callicratidas, amiral de Sparte, un riche présent qui seroit, disoit-il, un gage de son amitié pour ce grand homme. Callicratidas recut l'argent qui devoit servir à la paye des soldats; mais il refusa le don magnifique du prince, et ajouta : «J'ho«nore Cyrus comme l'ami public de Lacédémone; << mais je n'ai avec lui aucune amitié particulière. »

Quelques amis de Lysandre lui offroient une grosse somme, pour qu'il leur permît de faire mourir un de leurs ennemis. Il la refusa avec indignation. « J'eusse «reen cet argent, lui dit Cléandre, si j'eusse été Cal«<licratidas. - Et moi aussi, si j'eusse été Cléandre.»

7. Après la destruction de Corinthe, on songea à punir les auteurs de l'insulte faite aux ambassadeurs romains, et l'on mit leurs biens à l'encan. Lorsqu'on vint à ceux de Dicus, qui y avoit eu le plus de part, les dix commissaires ordonnèrent au questeur qui les mettoit en vente, de laisser prendre au célèbre Polybe tout ce qu'il y trouveroit à sa bienséance, sans rien exiger de lui, et sans en rien recevoir. Il refusa cette offre, quelqu'avantageuse qu'elle parût ; et il auroit cru se rendre complice, en quelque sorte, des crimes de ce scélérat, s'il avoit pris quelque partie de ses biens outre qu'il regardoit comme honteux de s'enrichir des dépouilles de son concitoyen. Non-seulement il ne voulut rien accepter, il exhorta encore ses amis de ne rien souhaiter de ce qui avoit appartenu à Diœus; et tous ceux qui suivirent cet exemple généreux furent

comblés de justes louanges. Cette action fit concevoir aux commissaires tant d'estime pour Polybe, qu'en sortant de la Grèce, ils le prièrent de parcourir toutes les villes qui venoient d'être conquises, et d'accommoder leurs différents, jusqu'à ce que l'on s'y fût accoutumé aux changemens qui s'y étoient faits, et aux nouvelles lois qui leur avoient été données. La manière dont ce grand homme s'acquitta de cette honorable commission, mit le comble à sa gloire.

8. Sur le point de partir pour la conquête des Indes, Alexandre remarqua que la grande multitude de bagages et de butin que son armée traînoit après elle, en retarderoit beaucoup la marche. Un matin done que les chariots étoient déjà chargés, il brûla d'abord fes siens, puis ceux de ses favoris; ensuite il ordonna qu'on mit le feu à tous les autres. Il avoit, sur ce sujet, pris le conseil de ses amis, qui avoient trouvé la chose beaucoup plus dangereuse qu'elle ne le fut dans l'exécution. Très-peu de soldats témoignèrent du mécontentement. Le plus grand nombre, animés d'un généreux désintéressemeut, et comme poussés par une inspiration divine, s'entre-donnèrent les uns aux autres, en jetant des cris de joie, les choses dont il étoit impossible de se passer, et brûlèrent tout le

reste.

9. En se promenant, le célèbre Thémistocle trouva un collier d'or. Aussitôt il appela le premier homme qu'il aperçut. « Tu peux, lui dit-il, ramasser ce <«< collier; car tu n'es pas Themistocle. »

Jamais peut-être on ne porta le désintéressement plus loin que ne le fit le célèbre M. Annius-CuriusDentatus. Il venoit de triompher des Sabins; et, pour récompenser les exploits de ce grand homme, le sénat lui assignoit une portion de terre plus considérable que celle qu'on avoit coutume d'accorder aux anciens soldats; mais le magnanime consul refusa cette faveur, et se contenta du partage commun, ajoutant que celui qui vouloit posséder plus de terre que les autres, étoit un mauvais citoyen. Après sa victoire, les députés des Samnites vinrent le trouver, et lui offrirent

de riches présens. Curius mangeoit alors des raves auprès de son foyer. Il se tourna vers les ambassa deurs, et leur dit : « Pour faire de pareils repas, je <«< n'ai pas besoin de tant de richesses; d'ailleurs, << n'est-il pas plus beau de commander à ceux qui << ont de l'or, que d'en avoir soi-même ?>>

11. Epaminondas, l'un des plus grands généraux de la Grèce, ayant appris que le roi de Perse avoit envoyé des ambassadeurs à Thèbes, pour tâcher de le corrompre par des présens, les invita à diner. Il leur servit un repas des plus simples. Tout dans sa maison annonçoit la pauvreté. « Allez, dit-il ensuite << en souriant aux ambassadeurs; allez, et apprenez « à votre maître quelle est la vie d'Epaminondas : il << comprendra qu'un homme qui sait se contenter de « si peu de chose, méprise Vor et les richesses. »

12. Des ambassadeurs que les Etoliens, peuple de la Grèce, avoient envoyés pour complimenter ÆliusTubero-Carus, gendre de Paul-Emilie, ayant rapporté chez eux qu'ils n'avoient vu sur la table de cet illustre Romain que de la vaisselle de terre, revinrent, lorsqu'il étoit consul, lui présenter de la part de leur république, une grande quantité de belle vaisselle d'argent de toute espèce. Le généreux Romain remercia les Etoliens de leur magnificence, leur promit ses services, et refusa leur présent.

13. Annon, riche et puissant Carthaginois, ébloui de la grande réputation du philosophe Anacharsis, lui fit dire qu'il vouloit l'aller voir, et lui faire de magnifiques présens. Cette vaine bienfaisance paroît avoir été le défaut des grands dans tous les siècles ; et, malheureusement pour la gloire des lettres, on a vu peu d'écrivains s'estimer assez pour refuser d'être en quelque sorte aux gages de l'opulence. Anacharsis étoit trop sage, son ame étoit trop élevée pour ne pas refuser des dons qui l'avilissoient, en diminuant son agréable indépendance. Son remerciment fut donc conçu en ces termes : « Mon habillement est << celui dont se servent les Scythes; la peau de mes << pieds, qui s'est endurcie à force de marcher, me sert

« de souliers. Pour me reposer et dormir, il ne me << faut pas de meilleur lit que la terre ; et la sauce la << plus friande dont j'use à mes repas, est la faim. Je << mange ordinairement du lait et du fromage; et, quand cela se trouve, de la viande. C'est pourquoi « je t'avertis, si tu veux me venir voir et ne me point << offenser, de donner tes magnifiques présens à tes << concitoyens, ou bien aux Dieux immortels, et non << pas à moi. Bonjour. »

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14. Alexandre ayant entendu parler de Diogène comme d'un homme singulier, eut la curiosité de le voir. Il le trouva assis au soleil sur son tonneau, avec tout l'équipage cynique. Après avoir causé quelque temps avec lui: « Diogène, lui dit-il, demande-moi «< ce que tu voudras, je te l'accorderai. Eh bien! << répondit le philosophe, je vous demande que vous << vous retiriez un peu de côté, afin que je puisse << jouir des rayons du soleil. » Le même prince, paroissant avoir pitié de l'extrême pauvreté où il le voyoit réduit, lui offrit de le secourir dans ses besoins; mais le fier cynique lui répondit : « Quel est, à votre avis, <«<le plus pauvre, de vous, qui, non content du royaume << de vos pères, vous exposez tous les jours à mille << dangers pour en conquérir de nouveaux ; ou de « moi, qui vis satisfait de ce que je possède, et dont « les désirs ne s'étendent pas au-delà de ma besace et << de mon manteau ? »

15. Archélaüs, roi de Macédoine, invitoit Socrate à venir à sa cour, lui proinettant de l'enrichir. Le philosophe lui répondit : « Le boisseau de farine ne coûte « à Athènes qu'une obole : les fontaines fournissent << abondamment de l'eau : à quoi me serviroient les ri<< chesses? Et d'ailleurs, qu'irois-je faire chez un prince << qui peut me donner plus que je ne puis lui rendre? » Alcibiade son disciple ayant fait porter chez lui des présens magnifiques, Socrate se disposoit à les renvoyer; mais son épouse Xantippe, qui étoit avare, ne pouvoit y consentir, et lui disoit qu'il seroit bien fou de ne pas recevoir ces dons faits de si bonne grace. Le sage lui répondit ; « Alcibiade met sa gloire à m'en

<< voyer de riches présens; je fais consister la mienne. <<<< à les refuser. >>

16. Le poète Anacréon ayant reçu de Polycrate, tyran de Samos, une gratification de cinq talens, ou cinq mille écus passa deux nuits sans dormir, en

proie aux plus vives inquiétudes.

Le repos quitta son logis;

Il eut pour hôtes les soucis,

Les soupçons, les alarmes vaines.

Tout le jour il avoit l'oeil au guet; et la nuit,
Si quelque chat faisoit du bruit,

Le chat prenoit l'argent.

Enfin, comme le savetier de la fable, Anacréon résolut de se défaire d'un argent que le Ciel lui avoit envoyé dans sa colère; et, préconisant le désintéressement des sages, dont il sentoit en ce moment tout le prix, il renvoya les cinq talens au tyran de Samos. «Cachez-les avec soin dans votre coffre, lui <«< dit-il; car ils pourroient bien vous jouer le même << tour qu'à moi. »

17. Alexand-le-Grand envoya à Phocion, général athénien, un présent de cent mille écus. Ce capitaine demanda aux députés du monarque, << pourquoi, <«< dans un si grand nombre d'Athéniens, il étoit le « seul que le roi de Macédoine eût jugé digne de ses «bienfaits » Les ambassadeurs lui répondirent qu'Alexandre vouloit lui témoigner, par cette distinction, combien il estimoit sa vertu. « Eh bien! << qu'il me laisse donc cette vertu, reprit Phocion, << et qu'il garde ses trésors. »

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Une autre fois, Antipater, gouverneur de la Macédoine, lui fit offrir une grosse somme d'argent par un certain Ménillus. Phocion la refusa. « Permettez du << moins, lui dit le député, qu'on la donne à votre fils. << - Non, répondit Phocion: si mon fils sait régler sa « vie et ses mœurs, l'héritage de son père lui suffira; <«<< mais s'il devient un prodigue et un débauché, quel «qu'argent qu'on lui donne, il n'en aura jamais assez.>> 18. Le même conquérant fit présenter une somme

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